On a tous des ombres dans nos vies. Des ombres joyeuses ou tristes, des ombres personnes ou que l’on partage avec d’autres. On est tous influencé, obsédé par ce qu’elles nous amènent, ce qu’elles nous rappellent et la manière dont, consciemment ou non, elles nous guident. Le tout étant de ne pas se laisser avaler par ses ombres, de les utiliser sans qu’elles nous abiment, de les garder avec soi à une distance assez raisonnable pour qu’elles ne nous fassent pas du mal.
À l’écoute de But You Will, le premier EP de Silly Boy Blue, on réalise que ce petit miracle, transformer ses ombres en force créatrices plutôt que destructrices, se tient en 4 chansons. Ana Benabdelkarim, de son nom au civil, n’est pas une inconnue, elle qui avait posé sa voix et ses mots sur Another World, le sublime deuxième album de Pégase. Ce timbre de voix si particulier, toujours si proche de se casser, toujours si proche de se laisser submerger, elle le met désormais au service de sa propre musique.
Loin des envolées lyriques de Pégase, c’est du côté de l’épure musicale et de l’émotion brute que la jeune femme nous emmène. Ses ombres, qu’elles soient musicales (David Bowie évidemment, mais aussi Lana Del Rey ou Lykkie Li) ou personnelles (chaque chanson est gorgée de sa personne, chaque mot, chaque phrase puisant dans son background) ne la dévorent jamais et la laissent prendre seule la lumière avec une musique autobiographique qui tend vers l’intime autant qu’elle part à la conquête de l’infini afin de toucher chacun.
Belle réussite s’il en est, Cecilia est cotonneuse tandis que Lea’s Birthday, rêveuse à souhait, nous berce, alors que sur The Fight, la voix se fait plus sûre d’elle, plus guerrière et le rythme s’emballe autour d’un titre qui parle d’acceptation de soi, de ses limites comme de ce qu’on n’est plus prêt à accepter.
L’EP se termine avec You’re Cool et sa guitare lancinante qui porte un texte d’aurevoir et de mots qu’on avait pas su dire sur le moment et qui nourrisse une catharsis musicale bienvenue.