Calexico – Trabendo Paris, 21 octobre 2023

Vingt années se sont passée depuis la sortie de Feats Of Wire de Calexico, album aussi bouleversant que festif qui a définitivement implanté le groupe américain dans notre galaxie musicale, la qualité de son rock latino restant inégalée à ce jour. Un anniversaire de taille que sont venus célébrer les musiciens de retour à Paris au Trabendo de la Villette.
 
Le temps file comme jamais. Les vacances scolaires sont déjà là, nous sommes à deux mois et demi de Noël avec déjà sur nos écrans les téléfilms cuculs associés aux fêtes et nous célébrons cette année les vingt années de Feast Of Wire, quatrième album studio de Calexico . Resituons-nous dans le contexte : il y a 20 ans de cela, nous entamions un XXIe siècle dans une tension géopolitique à son climax (à croire que tout est un éternel recommencement) en pleine guerre en Afghanistan et avec comme conséquences pour les États-Unis une nouvelle montée du protectionnisme qui se manifesta à nouveau à leurs frontières.
Feast Of Wire, avec son nom équivoque, mettait alors l’accent sur les politiques anti-immigration des dirigeants au pouvoir. Joey Burns et John Convertino, membres fondateurs de Calexico implantés dans la ville de Tucson en Arizona, état frontalier d’avec le Mexique, se sont fait les témoins de ces évènements souvent violents au travers de leur musique rock imprégnée d’influences latines, essence même de leur identité de musiciens. En est sorti un disque rassemblant seize morceaux mêlant rock country, mariachis et cumbia aux références jazz et un brin garage de cet étonnant duo qui a su tout au long de sa carrière offrir un parfait métissage.
 
 
Nous retrouvons donc à l’occasion de la sortie d’une édition deluxe de Feast Of Wire l’univers si harmonieux comme souvent dramatique de Calexico et à peine une année suite à leur passage parisien au Trianon, les américains reviennent plus modestement dans la petite salle du Trabendo qui les avait reçu lors de la tournée d’origine en 2003. Un juste retour aux sources et une célébration intimiste qui a réuni le groupe et ses fans de longue date, présents pour beaucoup cette année-là. Mais comme toujours avec Calexico, un nombre grandissant de nouveaux admirateurs, jeunes générations ayant suivi les traces de leurs parents en se gorgeant des nombreux albums sur CDs que nous ont offert sans relâche Joey Burns et John Convertino depuis.
En cette soirée d’automne (le vrai, celui venteux et pluvieux), la chaleur se dégageant des sonorités mariachis est un régal et l’absence de l’équipe de France à la seconde demi-finale de la coupe du monde de rugby ce soir là nous rend encore plus extatiques à l’idée de les retrouver, toujours aussi fringuants malgré les années qui passent. La première partie sera assurée par Brian Lopez, musicien également originaire de Tucson, chanteur et guitariste de XIXA et compagnon de route de Calexico depuis quelques années maintenant. Comme une petite mise en bouche, le set d’une demi-heure verra Brian Lopez débuter seul à la guitare puis se faire rejoindre sur scène par les membres de Calexico qui lui serviront de backing band. Ravi de se produire en France à nouveau, avec quelques échanges dans notre langue, l’attente se fait donc très agréable en sa compagnie.
 
 
Avec un décor toute en cercles dorés, comme un petit air de décorations aztèques, et une fois n’est pas coutume au Trabendo sous un light show vibrant mais sans vous arracher la rétine, Joey Burns à la guitare et au chant et John Convertino à la batterie et aux percussions prennent place, avec à leur côté Martin Wenck et Jacob Valenzuela aux trompettes, Brian Lopez à la basse et guitare ainsi que Sergio Mendoza aux claviers et accordéon. On retrouve alors la gentillesse de Joey Burns, qui prendra souvent la parole entre deux titres pour d’une part remercier chaleureusement les spectateurs de leur fidélité et d’autre part rappellera qu’il fait bon de se réunir entre nous, simples humains, et que la musique soude sans tenir compte des différences de races, origines sociales, genre, culture etc. Des paroles bienveillantes qui réchauffent les cœurs et un set avec une première partie dédiée à l’interprétation de Feast Of Wire avec son petit lot d’originalité notamment lors du medley Not Even Stevie Nicks et Love Will Tear Us Appart de Joy Division.
On se souviendra alors que ce disque recèle une série de titres assez sombres tels Woven Birds et le somptueux Black Heart aux accents si Portishead-iens, probablement la plus belle chanson de Calexico à ce jour. Les musiciens passent des trompettes au xylophone, de la guitare à la basse, du clavier à l’accordéon, ce dernier instrument étant selon Joey Burns le socle sur lequel repose Calexico, les aïeuls de chacun des membres l’ayant pratiqué et tous ayant baigné dans son atmosphère toute leur jeunesse. On se replonge en live dans les chatoyants Quattro, Pepita et Across The Wire et dans les plages instrumentales (pas toutes celles de l’album malheureusement) avec Attack El Robot ! Attack! ainsi que le très jazzy Crumble.
 
 
Une petite pause puis suit un second set où l’on retrouve toute la magie de Calexico condensée en quelques titres typiques de leur « son », où nous sommes invités à danser et à taper des mains sur Minas de Cobre, Flores Y Tamales pour finir sur la chaleur de la Cumbia de Donde où le chant, malgré que nous ne soyons pour la plupart pas hispanophones, nous réunit tous.
Une nouvelle soirée en compagnie de Calexico qui quelque soit notre niveau de connaissance des albums du groupe est un succès assuré. Toujours présents après ces longues années, bien décidés à ne pas rester dans leur lointaine amérique, Joey Burns et John Convertino vont ainsi continuer à distiller la musique chaleureuse et oh combien festive de leur Arizona d’adoption.