L’été 2025 serait-il celui de caroline ? Après un premier album réussi, la formation de 8 musiciens s’offre un retour acclamé pour leur deuxième long format, sobrement intitulé caroline 2, ce deuxième album n’a pourtant de sobre que le titre. Le reste n’est ni ennuyeux, ni déjà-vu, ni classique. Nous embarquons dans un univers riche en sonorités avec caroline 2.

Le dernier titre de l’album précédent, sorti 3 ans plus tôt, Natural death, introduisait déjà parfaitement l’esprit de son successeur. Plusieurs couches sonores, donnant parfois une sensation d’étouffement et d’un trop plein d’informations, mais restant cependant cohérent. C’est là la volonté des principaux compositeurs du groupe, Mike O’Malley, Casper Hughes et Jasper Llewellyn. Un des thème principaux de leur travail sur caroline 2 est celui de voir une multitude d’événements se produire, qui pourtant forme un ensemble logique, complet et harmonieux.
Harmonie, voilà le mot qui nous vient en tête à l’écoute de ce nouvel album. On ressent également une amélioration colossale en termes de production des morceaux en comparaison du premier album. Celle-ci a été entièrement réalisée par O’Malley, Hughes et Llewellyn.
Douce euphorie
Le démarrage de l’album illustre la créativité monumentale dont fait preuve le groupe. Total euphoria porte à merveille son nom. Une guitare claire et pressante, se place en opposition avec les voix calmes et tranquilles de Jasper Llewellyn et Magdalena McLean, avant l’arrivée dans la bataille de cuivres et de percussions. Total euphoria ne fera que monter en intensité tout au long du morceau, et basculera dans un autre univers avec l’arrivée de violons saturés, de chœurs et de nappes électroniques aériennes. Un opener grandiose, et promettant un album captivant.
C’est dans une délicieuse atmosphère post-rock shoegaze que démarre le deuxième titre de caroline 2, Song two. Du décalage de tempo à gogo, un mystère planant dans les lyrics et un blues qui attrape directement l’auditeur, et vous tenez la formule magique du morceau. Contrairement à Total euphoria, Song two semble se dérouler en vagues successives, montant et descendant en intensité plusieurs fois.
La courte transition entre Song two et Tell me I never knew that nous laisse à peine le temps de nous remettre de nos émotions. Le troisième morceau se veut beaucoup plus folk et pop que les deux précédents. En collaboration avec Caroline Polachek, Tell me I never knew that nous offre des harmonies vocales célestes. L’expérimentation est au cœur de chaque titre de cet album, y compris dans les textes. Les paroles leurs sont venues principalement en improvisant lors des répétitions, les musiciens se sont laissés guidés par les images et les mots leur venant en tête, laissant complètement parler leurs instruments et leurs intuitions.
Nous arrivons déjà à la moitié du voyage avec le prochain titre, When I get home oscille entre moments de silence, de paroles douces quasi chuchotées, quelques accords de guitare acoustiques légers et discrets se mêlent à des instruments à vents vaporeux. Un switch apparaît au milieu du titre, où l’on retrouve des influences plus électro et expérimentales. Le tout se veut harmonieux, curieux et interpèle. caroline réussit à nouveau un tour de magie. Unir plusieurs influences opposées, plusieurs voix et effets sonores pour nous faire découvrir un tout nouvel univers sonore, unique.

Entre rêve et chaos
Plus folk rock que ses compagnons, U R UR ONLY ACHING monte en puissance rapidement, avant de laisser place à un chaos électro symphonique déroutant et captivant. On se laisse surprendre par les violons, et la fluidité de leurs harmonies jusqu’à un arrêt surprenant et immédiat de la progression, laissant place à une version demo enregistrée totalement séparément au studio Nunhead Cemetery à Londres. Cette interlude laissera de nouveau la place au morceau initial en fin d’enregistrement. Le groupe joue ici avec la tension, les textures et maintient l’attention de l’auditeur pour toujours mieux le surprendre
Voici une des pièces maîtresses de cet album, l’acclamé Coldplay cover (qui n’en est en réalité pas un). Lors d’une journée de répétitions, la moitié de caroline a commencé à jouer dans le salon, et la seconde moitié dans la cuisine. Littéralement deux salles, deux ambiances, tandis que leur ingénieur son passait d’une pièce à l’autre pour capter l’ensemble des parties que forme Coldplay cover. On peut d’ailleurs entendre quelques bruits de pas, au fur et à mesure de ses déplacements, et l’écho du premier groupe en arrière du second. Un montage organique, réel et vivant, rendant à nouveau ce titre unique.
Le titre suivant, Two riders down, nous donne de toutes autres sensations. A l’écoute des cordes dissonantes et des voix lointaines et graves, on comprend une tension et une douleur dans ce morceau. Et bien qu’encore une fois, les paroles leurs soient venues au fil de leurs répétitions, le refrain a un une signification toute particulière pour eux. Ces dernières années, le groupe a perdu deux proches, deux “riders”, la chanson leur rend donc hommage. En particulier avec la phrase “With purple hands and the wind alive / Two riders, stubborn ends collide”, célébrant la passion de l’un pour les aventures en conditions extrêmes.
Une œuvre aux multiples influences
Pour clore cet album, caroline nous propose Beautiful ending, qui vous apportera toute la sérénité dont vous avez besoin pour continuer votre journée à l’issue de cet album haut en couleurs. Caroline montre encore une fois sur ce titre tout le talent de leurs 8 musiciens, leur capacité à manier instruments, musique électronique, voix déformées aériennes et expérimentation. Le morceau évolue constamment, donnant une réelle sensation de mouvement, de danse presque. Un beautiful ending qui porte à merveille son nom.
L’épreuve du second album est souvent difficile, en particulier lorsque le premier était d’une grande qualité. Pourtant, c’est avec brio que caroline a passé ce cap, créant non seulement un deuxième album aussi bon -voire meilleur ?- que le premier, sans tomber dans la répétition et le copier-coller. Le groupe se renouvelle, s’améliore et propose ici un album d’une qualité rare. Ils reprennent les codes d’un univers pop mainstream (Coldplay cover, Beautiful ending, Song two) mais à contre-sens, formulant leur propre monde, leur propre marque.
L’expérimentation est au centre de caroline 2. Nous l’avons vu, le groupe se laisse porter par son intuition, ne cherchant pas à enregistrer pour les autres, mais pour eux-mêmes. Les 8 musiciens juxtaposent leurs instruments organiques à des pièces plus électroniques, de l’autotune et mêmes des sons du quotidien, caroline mélangent les mondes musicaux pour former le leur.
Les sensations d’espace et de mouvements ne nous quittent jamais à l’écoute de cet album. On se déplace avec les instruments, jamais linéaires, jamais droits, mais toujours justes. caroline 2 semble presque vivant, oscillant entre silences et collisions, maîtrise et improvisation. Merci pour les émotions, merci pour cet art.
Crédit photo : Henry Redcliff