Cascadeur : « Est-ce que mon visage n’est pas le masque ultime ? »

A quelques jours de son concert à La Cigale le 9 juin, nous avons retrouvé Cascadeur pour échanger sur son dernier et quatrième album, Revenant, paru chez Decca. Cascadeur occupe, pour nous, une place un peu à part dans la sphère musicale contemporaine. Emprunt de mystère, dissimulé derrière un masque ou un casque, il distille une électro-pop tout en finesse et poésie. Son dernier album marque pour lui une évolution, avec pour la première fois des chansons interprétées en français. Est-ce pour lui l’occasion de nous inviter un peu plus dans son intimité musicale, que l’on effleure depuis 2010, année où Walker nous avait tout d’abord emportés dans un tourbillon d’émotions ?

Crédits : Thomas Guerigen

La Face B : Bonjour, j’aimerais tout d’abord te demander comment ça va ?

Cascadeur : Ca va. C’est toujours une période un peu particulière. On a sorti mon disque et puis il y a le début de la tournée. Ca se passe plutôt bien. Je suis content de l’accueil que je rencontre. C’est un album un peu charnière, dans le mesure où il y a l’intrusion du français. C’est un choix qui peut être marquant, voire déstabilisant. Mais en tout cas, quand j’ai le bonheur de pouvoir en parler après les concerts, j’ai l’impression qu’il y a une côte d’amour pour cet album. C’est bien parce qu’il est le fruit d’un travail un peu obscur, qui a duré quatre ans. Curieusement, on se sent toujours un peu démuni lorsque l’album sort. On se concentre beaucoup dessus et tout d’un coup cela devient autre chose. On ne sait pas trop comment cela va être perçu.

Et puis le paysage change assez vite. Alors ce type de musique, en ce moment, ce n’est pas ce qu’il y a de plus simple. Mais j’ai l’impression qu’il existe un rapport de fidélité avec les personnes qui pourraient l’aimer. Comme je travaille dans le temps, je trouve touchant d’avoir avec ces personnes ce rapport temporel.

La Face B : Revenant est ton quatrième album. Un album tous les quatre ans, c’est le temps de faire mûrir tes compositions ?

Cascadeur : Ce qui est bizarre, c’est que je compose relativement rapidement, en tout cas de façon très concentrée. Ce qui est long, c’est la mise en œuvre, mes arrangements, la mécanique de diffusion, qui n’est jamais évidente. Tout cela prend énormément de temps. Pour le futur, j’ai envie de changer ces aspects. Sinon, je vais devoir être centenaire pour aller au bout de ce que je voudrais faire. Je prépare la suite. Ce ne sera peut-être pas l’an prochain, mais 2024 ce serait pas mal pour le cinquième. On verra.

La Face B : Le nom de ton album porte une ambiguïté ,entre revenant au sens « fantôme » (Ghost Surfer) et « retour ». As-tu voulu jouer sur cette confusion ?

Cascadeur : Il y a effectivement cette idée du come-back. Mais c’était aussi une volonté d’ouvrir. De se dire que l’on était un peu tous des revenants après ces deux années particulières. On entendait parler de « retour à la vie » et je me suis demandé où était le revenant. J’avais cette sensation que l’on était tous dans cette dynamique d’un retour, pas forcément le même, mais d’un retour. Cette ambigüité m’amusait.

La Face B : Peut-être également une sorte de renaissance, ou du moins d’évolution ? Les premières paroles de ton album sont d’ailleurs « J’ai traversé la nuit ». Une page se tourne ?

Cascadeur : Ce n’est pas forcément discernable d’emblée, mais j’ai la sensation que les trois premiers albums ont pris la forme d’un triptyque. Le nouvel album s’ouvre à autre chose. Il y a l’idée de renouvellement, et pourquoi pas de renaissance. Ne serait-ce que sur la tenue, sur le code vestimentaire, sur une sorte de radicalité un peu plus grande, sur l’impact visuel, sur la voix aussi. J’ai l’impression que j’ai mixé différemment la voix et qu’elle est plus présente sur l’album. Avant, je la mettais à l’intérieur. C’est comme une sorte d’affirmation, qui vient peut-être du grand âge, ou d’un certain nombre d’autres éléments. [Rires]

Effectivement, avec ce nouvel album, j’ai le désir d’ouvrir sur autre chose. Maintenant, c’est toujours en lien avec ce qu’il s’est passé. Ce n’est pas très différent, mais on sent qu’il y a des glissements. Enfin, je l’espère car c’est important. J’aurais du mal à me dire que finalement je fais toujours la même chose, que j’ai une petite mécanique. Cela m’ennuierait quelque peu, même si inéluctablement, il y a une écriture et des intérêts pour des atmosphères ou certaines thématiques récurrentes dans mon travail.

Je réexplore. Donc l’idée de revenant, c’est aussi réexplorer le temps passé, le temps à venir. Me replonger à mon tour dans un certain nombre de bains révélateurs, en gardant ce fil autour de la thématique du retour, du revenant, de la visite nouvelle. Tout est irrigué par cette thématique.

La Face B : Ton personnage a aussi connu une évolution quant à son entité visuelle. Costume de base jumper, nouveau masque…. Pas mal de choses qui amènent vers un envol (y compris le jeu vidéo que tu avais partagé avant la sortie de ton album).

Cascadeur : Depuis le début, il y a cet aspect. Une forme de suspension musicale. Il y avait les profondeurs avec la Pieuvre Humaine du premier album. C’est mon goût pour une sorte de recherche. Comme je recherchais la vague sur Ghost Surfer, cette vague idéale qui peut nous amener dans les rouleaux à travers la vague elle-même.

Et puis, il y a ce truc très spatial que l’on a souvent appliqué à ce que je pouvais faire. C’est une sorte d’attachement aux « extrémités » humaines. Bien que ne pratiquant pas ces activités « extrêmes », je les trouve fascinantes. J’en ai beaucoup regardé. Même du vélo où les mecs font des descentes vertigineuses…. Le saut dans le vide, maîtriser le vol, c’est un rêve tellement humain. Et j’y vois aussi des êtres qui jouent leurs vies. Ca me plaisait beaucoup ces idées, qui sont finalement celles des cascadeurs. La maîtrise est importante aussi, ils savent exactement ce qu’ils doivent faire. Ils ont un plan de vol.

Ce n’est pas mon cas, je n’ai pas de plan. Mais en même temps, j’essaie de travailler en me projetant. C’est un peu comme une projection de saut. Je crois que c’est cela. Cette sensation de fil tendu. Si des fois on peut prendre des chemins détournés, on est souvent sur des itinéraires que l’on trace, consciemment ou non.

C’est un peu ce qui m’anime en tant que Cascadeur, d’être sur un fil. Parfois, il y a des pertes d’équilibre, notamment sur scène, et j’aime bien explorer cela. Prendre des risques, même s’ils paraissent invisibles. Je ne sais pas où je vais. J’aime beaucoup le jazz et ce qui me plait là-dedans c’est : « Avoir un cadre et en sortir tout en restant fidèle à des structures ». Je m’y essaie à mon échelle, sur certains morceaux…  je pars – je ne sais pas sur quelle note je vais partir – et puis je modèle ou je module selon. C’est un saut intime.

 La Face B : En parlant de structures, ton album Revenant est composé de 13 titres. Quelle logique as-tu adoptée pour les ordonnancer ?

Cascadeur : C’est assez long et toujours scénarisé. Ca m’amusait de commencer par Les Ombres et de finir par Revenant. Il y a cette idée de boucle que j’aime bien. Les albums que j’aime, j’ai envie d’y revenir, de les réécouter. Je trouvais que mes albums étaient jusqu’à présent assez longs. Pour Revenant, j’ai préféré être plus concis. J’ai rabioté des morceaux, j’ai enlevé des fois 40 secondes, voire une minute. Je voulais susciter ce désir d’y revenir. Comme un voyage qui nous amène et qui nous fait nous dire à la fin : « Il faut que je revienne car j’ai loupé des trucs ». Je voulais y inclure une boucle qui s’auto-alimenterait et qui nous amènerait vers d’autres éclairages.

C’est ce que j’aime dans les objets culturels : « Y revenir ». On ne peut pas d’emblée tout capter. « Ah mince, j’ai loupé ça », « Je n’avais pas vu ça », « Je n’avais pas entendu ça ». Et on y retourne… Sachant qu’il y a sans doute des choses que l’on ne trouvera jamais. Mais bon, on y va !

La Face B : Certains morceaux semblent comme reliés à tes précédentes compositions. De manière presque évidente, Young fait écho au Meaning de The Human Octopus (version originale + version « cachée » avec chorale)

Cascadeur : Oui, pour Young c’est surtout la version alternative. La chorale est composée des mêmes filles qui avaient chanté sur Meaning, mais avec 10 ans d’écart. C’est fou. Ce travail me semble important, car il porte cette valeur de fidélité, à soi-même et aux autres. Et puis il y a des auto-citations, des clins d’œil, des rebonds ou des échos au sein même d’un parcours. Ce n’est qu’un jeu, mais il me touche beaucoup. J’aime bien faire cela. On peut trouver que Joker est un cousin de Walker… Visiblement oui, Il existe des correspondances entre les morceaux. Il y en a peut-être d’autres dont je ne me rends pas compte. Mais il y en a quand même qui sont voulus.

La Face B : Ton dernier album est aussi l’occasion de te tester pour la première fois avec des textes en français. Qu’est-ce que cela représente pour toi ? Il doit exister une façon de chanter qui diffère selon la langue entre le français et l’anglais ?

Cascadeur : C’était ma grande interrogation : « Comment ne pas perdre sa voix ? ». En même temps, j’avais déjà chanté en français avant Cascadeur. Le risque, c’est qu’une chanson en français trop lyrique peut pencher vers une forme de ridicule, et il existe une sorte de lyrisme dans ce que je fais.

J’avais déjà amorcé ce passage avec Collector sur Ghost Surfer mais j’étais doublé par Christophe. Il y avait, alors, cette idée de reverser les choses. Là, c’est assumé.

Déjà c’est ma propre langue. Donc chanter en français, c’est se démasquer un peu plus. Et puis, on se positionne moins dans la musicalité et davantage dans le sens premier. C’est un peu nouveau pour les auditeurs de Cascadeur. Ils ont l’habitude d’être dans un truc évanescent. Là, sur les morceaux en français, on n’échappe pas trop au sens premier, même si les textes ont une forme de poésie et d’ouverture. Et s’ils sont précis, ils n’en restent pas moins toujours un peu flous. Je ne voulais pas trop circonscrire les espaces. Je sais de quoi je parle, mais ce qui me plaisait également, c’était d’ouvrir l’écran comme je peux le faire avec la musique. Que chacun puisse se projeter en prenant appui sur les scénarios constitués par les textes. Et c’est vrai qu’il y a des textes plus elliptiques que d’autres.

La Face B : Au-delà de Collector, tu avais également fait une incursion vers le français mais de façon encore plus indirecte en te confrontant aux univers de Maylis de Kerangal. Dans les Rapides (en 2015), Paula et Le Triomphant (2018 – texte inédit, sorte de spin off de son roman Un Monde à Portée de Main) et dernièrement Canoës avec Médéric Collignon (qui avait déjà collaboré sur The Crossing – Ghost Surfer). Qu’est-ce que ces intrusions dans la littérature t’apportent ?

Cascadeur : La confrontation avec la figure de l’écrivain a changé des choses pour moi. Moi, qui me cache en tant que musicien, avais accès au monde littéraire, qui est composé aussi de figures cachées. Peut-être de moins de moins aujourd’hui. On en parlait avec Maylis [de Kerangal]. Aujourd’hui on montre beaucoup de visages. Mais avant, la figure de l’écrivain était quelque chose de mystérieux. Le fait de me confronter ou plutôt de collaborer avec Maylis m’a permis de tremper dans un univers que je ne faisais qu’imaginer. J’aime beaucoup les livres, mais je ne connaissais pas d’écrivain. Là, le fait de rencontrer des écrivains a éclairé différemment mon personnage et, je pense, mon rapport au texte français.

La Face B : Il est vrai qu’elle a un style et un rythme qui lui sont propres.

Cascadeur : Elle est hyper musicale.

La Face B : Et au fil des collaborations, la musique s’est intégrée de plus en plus à ses textes.

Cascadeur : C’est à l’échelle de nos relations. C’est ce qui est chouette. Pour Dans les rapides, on se connaissait un tout petit peu. Et puis on a appris à se connaître. Au début, et c’est peut-être la raison de mon lapsus quand je parlais de confrontation, il y avait un peu de ça. Elle avait choisi des morceaux au sein de mon répertoire de l’époque. Et c’est vrai qu’il y avait alors comme une coexistence. Et puis, à mesure que l’on est devenus amis, il s’est produit un mélange. C’est devenu plus fluide. Sur le dernier spectacle, Canoë avec Médéric [Collignon], il y a eu un grand espace de liberté, tout en restant hyper ciselé. Un peu comme ce que l’on retrouve dans le jazz. C’est aussi par le truchement d’une histoire et des rencontres humaines que ton travail prend une forme d’épaisseur, de densité. C’est louable.

Ce n’est pas toujours le cas mais avec Maylis, c’est une belle histoire humaine. On s’est véritablement rencontrés. C’est ce qui me plait le plus finalement. De même, ce n’est pas tant le concert – même si j’aime beaucoup jouer – mais plus l’après concert que j’affectionne, car il peut y avoir un moment d’échange. Je ne suis plus la personne face à un micro qui amène ses mots ou ses notes. On me renvoie des choses. C’est peut-être aussi pour cette raison que l’on fait des choses. Pas tant pour les faire, mais pour qu’elles puissent résonner et que l’autre puisse les recréer et revenir sur ce qui a été proposé.

La Face B : C’est la magie de la création, les œuvres ont leurs vies propres et multiples.

Cascadeur : Chacun s’en empare et amène ses failles. C’est ça qui est assez beau.  Un objet fini devient autre et il est multiple.

La Face B : Justement, en parlant de multiplicité, tu as complété la sortie de ton album – et dans le cadre du Piano Day – par les reprises de quatre de tes morceaux au piano. Comment t’est venue l’idée de le faire ? Le piano-voix correspond-t-il à ton processus de création ?

Cascadeur : J’ai un profil un peu complexe. Je ne pense pas être quelqu’un qui fait exclusivement des chansons. Au départ, je suis quelqu’un qui a fait du piano, classique puis jazz. La voix apparaît ensuite, lorsqu‘ado, je reprenais ce qui passait à la radio. Cette part de pianiste est pour moi fondatrice du projet Cascadeur. Au tout début, les premières maquettes c’était un piano préparé ou dédoublé avec une voix un peu androgyne. Avec une forme de mystère : « Qui est derrière ? ».

Là, je voulais présenter des pianos en formule très minimale, avec des prises réalisées à la maison, en faisant en sorte qu’il n’y ait aucune virtuosité. Je voulais que ce soit une prise très simple. C’était aussi pour exposer une facette que l’on décèle un peu mais qui n’est pas forcément évidente.

Travailler sur un ensemble de facettes constitue un travail de dévoilement. Le français, le piano solo, la voix, il y a tout cela. Plus ça va, plus j’ai envie d’ouvrir les collaborations et travailler avec des gens avec lesquels je ne serais pas censé devoir travailler. C’est super. Il y a les livres. Le théâtre, je collabore avec une compagnie. J’aimerais bien travailler aussi avec des danseurs ou danseuses.

Plus ça va, plus j’ai envie de m’ouvrir à d’autres formes d’art.. ce qui n’est pas facile, car on ne pense pas toujours à moi. Mais c’est un désir. Et puis ne pas m’enfermer dans quelque chose de trop systématique. Composer des morceaux, les arranger, les enregistrer, les faire connaitre, partir en tournée et recommencer. Il y a ce truc – c’est une usine de luxe – une industrialisation de la pratique qui peut paraître lassante. C’est chouette de pouvoir déraper un peu.

La Face B : Côté live, par rapport à ta dernière tournée, tu sembles avoir beaucoup travaillé la scénographie.

Cascadeur : C’est aussi le temps qui fait ça. Quand j’ai commencé, j’étais seul sur scène. Il fallait que je tienne le truc. C’était cela la Pieuvre Humaine. J’avais, autour de moi, tous mes instruments et je devais être tout le temps dedans. Comme un pilote qui, pendant une heure et demie au volant de sa Formule 1, doit composer avec des pneus crevés et autres imprévisibilités. Il fallait que je tienne.

Ensuite, sur le deuxième album, j’ai souhaité davantage évoluer vers un rôle de producteur, entouré de gens que j’aimais beaucoup. Je suis passé de l’autre côté de la vitre. C’est ce qui me plaisait. Sur scène, il y avait un groupe, des amis. Cela me déchargeait un peu.

Pour la troisième tournée, c’était un peu pareil, mais en même temps je me sentais prisonnier du fait d’être très souvent derrière mon piano. Il y a eu alors le désir de mobilité. Là, j’ai voulu avancer sur cet aspect avec l’idée du miroir, de la loge. C’est quelque chose que je porte depuis longtemps. Que je voulais faire sur Caméra mais qui s’était, alors, avéré un peu compliqué à mettre en place.

Crédits : Thomas Guerigen

Pour cette nouvelle tournée, je me suis dit : « Je vais le faire ! ».  Ca me fait du bien de sortir de derrière mon piano, même physiquement, je suis entre le public et les musiciens. C’est un face à face qui me sort de mon enfermement. Et ça, c’était presque vital, sortir de cet espace hyper cloîtré. En plus, on venait de sortir d’un confinement. Même si personnellement, le confinement ne m’a pas trop affecté, parce que c’est quelque chose que je vis depuis longtemps.

Si on le ressent, je suis heureux, parce qu’il y a ce désir vital. Il y a tout ce questionnement autour du masque : qu’est-ce que je fais avec mon visage, est-ce que mon visage n’est pas le masque ultime ? Tout cela, j’y pense depuis longtemps, mais il faut du temps. Ce que je peux imaginer maintenant, physiquement, n’était pas possible au tout début. Et aujourd’hui les besoins, désirs et envies ne sont plus les mêmes qu’il y a 12/15 ans. Je vais peut-être finir complètement nu avec une grande plume !

La Face B : Par contre ce qui ne change pas, c’est l’humour que tu mets dans tes spectacles. C’est quelque chose que l’on a tendance à oublier parce que ta musique peut sembler « sérieuse », mais tu prends garde d’y associer une certaine malice. 

Cascadeur : Je parlais d’une forme de libération. C’est hyper naturel, dans le sens où elle n’est pas travaillée. Justement, quand on parle de mise en scène, évidemment il y a des moments programmés. Je sais qu’à ce moment-là je dois me diriger dans le décor vers ce qui tient lieu de loge. Mais il y a aussi de la liberté.

Sur ce que je peux dire, souvent cela m’arrive en voiture pendant le voyage – s’il y a un quelque chose qui m’intéresse, cela me fait rebondir et je me dis : « tiens, j’ai un truc ». Des fois, j’ai des petites lumières. Mais souvent, et c’est risqué parce que je peux me planter, cela me fait plaisir de jouer avec le vide ou le silence. Faire un bon mot et se dire que finalement il n’est pas si terrible. Et c’est ce qui me fait rire aussi. De se permettre la glissade, je trouve cela bien dans un univers plutôt contrôlé.

Parfois, c’est irrépressible. Je me dis : « Je vais tenir la ligne Cascadeur ». Je suis dans mon truc et puis au bout de deux, trois ou quatre chansons, je regarde les gens. J’ai envie d’entrer en lien avec eux. C’est souvent par le rire. Mais c’est aussi pour désacraliser le tout. On pourrait dire : « Il se prend vachement au sérieux ». Il est vrai que sur les disques, on ne rigole pas trop. Des fois, je le fais dans les livrets qui les accompagnent. C’est essentiel de pouvoir un peu rire.    

Crédits : Thomas Guerigen

La Face B : On passe d’un côté méticuleux, la musique, les décors, le costume, à quelque chose de plus débridé.

Cascadeur : L’improvisation, c’est, quand même, génial. Mais tu n’es pas à l’abri d’énormes problèmes. Mais bon, savoir rire de soi, c’est bien aussi. Pour le prochain concert à La Cigale, je n’ai pas encore d’axe mais ça va venir. Et puis on verra. Il y aura un certain nombre de personnes que je connais qui y seront, je tomberai sur un visage… Peut-être que Maylis me fera rire.

La Face B : On attend ton reggae en allemand.

Cascadeur : Ce fameux reggae en allemand. Ça viendra… Faut pas que je me restreigne aussi [Rires].

La Face B : Quelles sont tes prochaines actualités ?

Cascadeur : La Cigale à Paris le 9 juin et puis le lendemain à la BAM de Metz. Ce sont un peu les deux gros morceaux à venir. Il y aura pas mal d’amis présents à Paris et à Metz aussi. Ce n’est jamais évident. On fait face à une forme de solitude. C’est très curieux. Après, c’est ma façon d’appréhender. Pour moi, ce n’est jamais anodin. Je suis peut-être trop sérieux là-dessus. Il faut que j’apprenne à l’être un peu moins.

Souvent, après les concerts je me dis que c’était tranquille. Mais avant les concerts, tu n’as pas cette forme d’insouciance. Je suis assez exigeant. Des fois à tort, et cela surcharge un peu les choses. Mais c’est également vachement de bonheur.

Il y aussi ce rapport au temps. Sur scène, c’est très rapide. C’est surprenant. A moins d’avoir de grosses galères, c’est comme une grande vague. Surtout quand tu sens qu’il y a du répondant.  C’est ce qui m’a fait plaisir lors des derniers concerts. Cela devient galvanisant et tu n’as pas envie que cela s’arrête. Alors, c’est un peu mon côté cabot, je me dis que j’aimerais bien faire un peu plus de morceaux mais on me dit : « Non, non, n’en fait pas trop, c’est bien ainsi ». J’ai souvent l’impression que l’on a joué une heure au lieu d’une heure et demie. Il y a ce côté fanfaron qui me ferait jouer davantage. Voilà, j’espère que l’on va bien s’amuser sur les prochaines échéances.

La Face B :  Et pour finir, que peut-on te souhaiter ?

Cascadeur : Je dis toujours la même chose, mais c’est la réalité. C’est de pouvoir continuer. C’est vrai, c’est bête à dire mais c’est dur. Un combat auquel il faut croire. Cette croyance est présente chez moi. Je suis hyper religieux par rapport à certaines pratiques qui ne tiennent pas du fait religieux. Tenir. On pourrait croire que c’est simple, alors qu’il y a plein de choses que j’ignorais avant de les faire. Ca a été ma grande découverte. Donc faire ce que je fais là, c’est agréable.

Et puis, il y a aussi les moments où tu te demandes s’il y aura du monde, si le disque sera entendu, écouté. Ce sont toutes ces questions qui te rajoutent des couches. Tu as l’impression que tu fais tout ce qui est en ton pouvoir mais tu ne peux pas tout maîtriser. Il peut y avoir des formes de justice ou d’injustice. Pourquoi on va beaucoup parler, tout d’un coup de tel morceau alors que d’autres, que tu considères comme étant de même « valeur », passent inaperçus ?

C’est un peu pour cela que je n’aime pas prendre l’avion : en fait j’aimerais en être le pilote. Mais être passager dans un gros porteur, j’ai vraiment du mal. Je crois que c’est cela l’aventure humaine ou artistique : « Tu es dans un très gros porteur et tu n’es pas aux commandes ».  

Donc ce que l’on pourrait me souhaiter, c’est de me rapprocher du cockpit ! [Rires] Si on me laisse rentrer….


Retrouvez Cascadeur en tournée :

  • Le 9 juin à Paris (La Cigale)
  • Le 10 juin à Metz (La BAM)
  • Le 8 octobre à Saint-Pierre-lès-Elbeuf (Espace P. Torreton)
  • Le 4 novembre à Bruxelles (Botanique)
  • Le 10 novembre à Saint-Etienne (Le Fil)
  • Le 18 novembre à Charleroi (Eden)
  • Le 19 novembre à Liège (Reflektor)
  • Le 26 novembre à Saint-Dizier (Les 3 scènes)
  • Le 1er décembre à Lyon (Toboggan)
  • le 2 décembre à Romans-sur-Isère (La Cordo)
  • le 18 mars 2023 à Alfortville (Pôle Culturel)