Chassol : « On ne fait jamais rien tout seul »

À l’occasion de son apparition au Tourcoing Jazz Festival, Christophe Chassol présente sa dernière création : Ludi. L’opportunité pour nous d’aller à sa rencontre avant qu’il ne monte sur scène et de lui poser quelques questions, sur son entourage, sa façon de travailler et son parcours.

Chassol Ultrascores II cover art

La Face B : Bonjour Christophe, comment ça va ?

Chassol : Ça va plutôt pas mal, j’ai un rythme sain depuis le retour des vacances même si j’ai des voyages mais tout va bien. Je suis en pleine forme.

LFB : Tu as collaboré avec de nombreux d’artistes, qu’est-ce que tu en retires ?

C : Un peu qu’on ne fait jamais rien tout seul. Et puis de l’expérience, des expériences vraiment pratiques, apprendre des techniques d’autres gens, voir comment ils bossent, c’est des outils. J’en retire des outils. Je sais brancher mon matériel, j’ai tourné avec des groupes de pop où j’ai appris à gérer mon matériel ou à écrire des morceaux avec 4 accords.

LFB : Avec quels artistes tu aimerais collaborer ou recollaborer ?

C : J’ai vu le dernier film de Brian De Palma, c’est en-dessous de ce qu’il faisait avant mais ça reste bien. C’était mon rêve de faire une musique pour De Palma. Mais bon je ne suis pas dans les plus jeunes, les plus contemporains. Il n’y a pas quelqu’un en particulier. Alani, avec qui je travaille, Jocelyn Mienniel, tout ceux qui sont dans Ludi en fait. J’ai envie de continuer de bosser avec eux.

LFB : Tu es multi-casquettes entre tes activités de pianiste, compositeur, arrangeur, chroniqueur… Est-ce que c’était le plan dès le départ ?

C : Moi je voulais faire de la musique de film ado, et je me voyais être compositeur de musique de films. Et j’ai vu que quand tu fais beaucoup de musique à l’image, tu restes beaucoup dans ton studio et tu tournes pas. J’ai signé tard en fait, j’ai toujours fait des concerts, mais je me suis mis à vraiment bien tourner assez tard. Donc ça s’est fait au fur et à mesure, à un rythme normal.

LFB : Qu’est-ce que ça fait d’inventer un genre musical : l’ultrascore ?

C : C’est un petit néologisme que j’ai formé, plus pour me marrer au début et puis c’est resté. C’est un score, une partition, une musique de film mais ultra, au degré le moins objectif possible. Degré zéro de la neutralité, parce que tu relèves une mélodie qui est, tu relèves les sons qui sont dans ton film, tu te sers des sons de ton film pour fabriquer la musique du film. Donc tu mélodifies le langage, tu tires l’essence sonore d’une scène, s’il y a un taxi ou un oiseau ou n’importe quoi. C’est une ultra-partition, une ultra-musique de film.

LFB : Tu présentes en live Ludi, alors que l’oeuvre n’est pas encore disponible sur les plateformes. Ça va plutôt à l’encontre de ce que font les artistes habituellement. Pourquoi ce processus ?

C : On a commencé à le jouer en janvier. C’est pour mieux le jouer au moment où on enregistre le disque. Comme ça je l’ai déjà dans les pattes, je l’ai déjà joué en concert et du coup le disque et mieux.

LFB : Quels sont les premiers retours que tu as sur Ludi ?

C : Que c’est dense, très dense. Qu’il y a encore de l’émerveillement, une boîte à outils, un foisonnement et les gens sortent avec un grand sourire jusqu’aux oreilles, donc ça c’est cool. Je vois les sourires en sortant des concerts.

LFB : Sur scène tu es avec un batteur, Mathieu Edward…

C : Ca fait pas mal d’années qu’on travaille ensemble, on s’adore, on est comme des frères. J’ai l’impression qu’il lit dans ma tête, il corrige mes mauvais placements parfois ou plutôt il s’adapte à ma façon de looper, de séquencer. Il n’y a pas de clic dans cette musique, donc lui est la colonne vertébrale, avec l’écran mais il s’adapte en deux secondes et il est fantastique, il joue avec plein d’autres gens. Et puis il y a Reno Thill, l’ingé son, hyper important. Et Boris Memmi notre tour manager. Ça vit très bien, ça s’entend hyper bien.

LFB : Quand tu cherches des samples pour composer, comment tu t’y prends ?

C : Depuis 2000, je fais des auto samples. Je fabrique mes motifs, je les sample, je les mets dans mon clavier et je les joue avec une technique pianistique. Avec la pédale, en les jouant à l’octave. Si j’enregistre un pattern de piano, je l’assigne à toutes les notes du piano, et donc il est à la tonalité de chaque touche. Plus lent vers le bas et plus rapide vers l’aigu, donc quand tu fais des octaves le pattern joue deux fois plus vite. Donc j’ai développé une technique pianistique de jeu des samples. Si par exemple je sample un chien, je le fous dans le clavier, et j’en fais une gamme et je peux jouer en accords les aboiements.

LFB : Il y a une façon de rendre organique la machine ?

C : C’est ça oui. Steve Reich faisait jouer ses musiciens comme des robots et là tu peux jouer d’un robot comme d’un humain. Tu joues de ton sampler comme un pianiste.

LFB : Tu as l’oreille absolue. En quoi cela influence ta vie de musicien selon toi ?

C : J’ai appris à solfier petit au conservatoire. J’ai pu aller un peu n’importe où, dans pas mal de pays ou de situations et je jouais avec toute sorte de gens. Si tu entends ce qu’ils font et que tu sais quelles notes jouer ça facilite de jouer avec des gens. Et puis c’est facile après d’écrire et de communiquer ta musique aux autres.

LFB : Est-ce que tu as des coups de cœur à nous partager ?

C : J’écoute en ce moment une comédie musicale qui s’appelle Sunday in the park with George de Stephen Sondheim, c’est celui qui a écrit West Side Story avec Leonard Burstein et au niveau musical, le sujet c’est sur les artistes. Il y a une chanson qui s’appelle Putting it together dedans et qui parle des contradictions des artistes, qui est géniale. La musique est démente, on dirait du John Adams avec du Magma. Il y a une grosse écriture moderniste.