Choses Sauvages : « On aime cette façon de nous mettre en danger en expérimentant de nouvelles choses »

En mai dernier, La Face B s’est exportée à Montréal le temps de quelques interviews. Aujourd’hui, on vous dévoile notre discussion avec Choses Sauvages, le rock band montant de la scène québécoise. Récemment associés au tourneur américain Mint Talent Group, Choses Sauvages s’exporte et ça déboîte !

Choses Sauvages par Kelly Jacob

La Face B : Hello les gars, comment ça va ? 

Marc Antoine : Ca va très bien et toi ? 

LFB : Ca va, par cette belle pluie montréalaise. 

LFB : Vous aviez rencontré La Face B en France il y a un an déjà. Quoi de neuf depuis ? 

Félix : On s’est promené en fait. On est allé au Mexique, on a joué à Guadalajara, on est allé à Hambourg pour le Reeperbahn festival. 

Marc Antoine : On est allé en France pour une première tournée aussi ! Depuis qu’on s’était parlé la dernière fois, on avait pour objectif de faire voyager l’album. Ça marche bien ici au Québec donc on essaie de trouver un nouveau public. On est sur la bonne voie pour atteindre nos objectifs. C’était une année passée pas mal dans les aéroports et à rencontrer de nouvelles personnes.

LFB : En parlant de la France, comment avez-vous vécu vos concerts à Angers, Bourges, Paris et Lille en avril dernier ? 

Félix : C’était très cool pour vrai ! On s’attendait à rien, tu sais. Tu t’en vas là-bas pour faire des billetteries pour la première fois, plus uniquement des show cases hormis Edimbourg et Le Printemps de Bourges. Les gens étaient au rendez-vous pis s’il y avait un peu moins de monde à Lille par exemple, le public était présent quand même et j’ai l’impression que tout le monde a passé un bon moment.

Marc Antoine : On a senti quand même qu’il y avait une connexion ! On avait fait Paris quelques fois pour des show cases ou des festivals, on avait l’impression que ça marchait mais on se demandait si c’était juste à Paris et on avait la curiosité de voir comment ça se passait un peu partout ailleurs. Au final on sentait qu’il y avait une communication qui se faisait facilement. Je pense aussi que notre musique parle aux français en général. 

LFB : Je pense que ce qui plaît c’est l’originalité du projet, avec des paroles écrites en français mais une mélodie assez différente de ce que produisent les groupes français. 

Marc Antoine : C’est sûr, on apporte une autre musique plus nord-américaine, nos influences sont différentes et je pense que “l’exotisme” de l’accent marche bien aussi ! 

Félix : Ca me fait penser qu’en France on m’a dit “Je comprends pas comment vous faites pour que je comprenne vos paroles alors qu’en discutant avec vous j’ai du mal à vous comprendre…” *rires*

LFB : C’est très courant avec les artistes québécois ! Notre oreille n’est pas habituée à l’accent, alors peut-être que ça rentre dans la mélodie quand on entend vos chansons. 

Félix : C’est pas forcément vrai pour tous les genres musicaux je dirais. Il y a des artistes québécois qui mettent vraiment en avant l’accent dans leurs morceaux aussi. C’est un choix artistique ! 

Marc Antoine : Peut-être qu’on décolle un peu de l’accent et du jargon québécois parce que nos textes sont assez abstraits, on décrit plutôt des expériences, ça doit avoir un rôle là-dedans. 

Félix : Et puis ça ne colle pas tellement avec ma façon d’écrire, d’écrire 100% en québécois. 

LFB : J’ai pu assister à votre concert à Lille fin avril. Votre set up est aussi impressionnant que pratique j’ai l’impression, vous avez quand même beaucoup d’instruments sur scène. Vous avez réussi à trouver les arrangements entre tous vos instruments pour produire le show que vous souhaitiez au fond ? 

Félix : C’est un peu par soucis d’argent honnêtement… Ça coûte tellement cher de ramener nos instruments outre-mer. On a essayé de réfléchir à un set un peu réduit. Faut comprendre qu’on n’a pas toujours joué sur des grosses scènes ici aussi, avec moins de musiciens. On est un peu à l’apogée de la composition du band mais on a pris l’habitude de s’adapter pour faire rentrer les 5 ou 6 membres on stage. C’est quelque chose de réfléchi, on a transféré certains riffs sur des claviers pour amener le moins de choses possibles en Europe et ça fonctionne super bien quand même. 

Marc Antoine : On a réussi à réduire le set. 

Félix : Sur scène il y a quand même plus de choses qu’un paquet de bands ! 

Marc Antoine : On aime ça les machines ! *rires* 

Félix : On a fait le deuxième disque avec beaucoup de choses donc il fallait nécessairement prendre les machines pour rendre le concert à la juste valeur du disque. 

Marc Antoine : On ne pouvait définitivement pas embarquer tous les synthés par exemple, j’ai réussi à en trouver certains qui ressemblaient, etc… Donc ça marche bien, jusqu’à ce que l’on refasse un disque avec encore plus de choses ! *rires*

LFB : Donc quand vous jouez au Québec, vous avez encore plus d’instruments sur scène ? 

Félix : On a plus de choses instrumentales oui. C’est un peu comme la cerise sur le sunday qu’on peut offrir quand on a le loisir d’être devant des gens qui nous connaissent déjà tu sais. Quand tu vas ailleurs, le spectacle brille quand chacun peut s’attarder à mettre chaque instrument, chaque mélodie en valeur. On fait le plus de chansons possibles sans l’instrumentale. 

LFB : Après Choses Sauvages II que vous avez sorti en 2021, vous avez dévoilé Mort de Peur le 4 avril dernier. Je trouve que votre son prend une tournure un peu plus électro sur ce morceau. C’est une volonté de votre part de faire émerger plus d’électro dans vos morceaux ? 

Cover du single Mort de Peur

Félix : Je pense pas. Quelque chose d’hybride plutôt ? 

Marc Antoine : C’est drôle parce qu’il y a beaucoup de gens qui disent ça de Mort de Peur alors que c’est une des seules où effectivement il y a une séquence qui roule, mais il y a quand même du piano à cordes, du saxophone… C’est une de celles qui est le plus rock depuis longtemps dans ce que l’on a fait. 

Félix : Une des plus épurées aussi. 

Marc Antoine : Je pense que ce sont des actions qui nous intéressent beaucoup en ce moment dans les compositions. Essayer de voir comment faire plus minimaliste que le deuxième disque sur lequel il y avait tellement d’arrangements ! On essaie de trouver quelques éléments qui font que ça avance puis qu’il y ait de l’énergie. Après, Mort de Peur c’est un single qu’on a fait entre deux albums donc ça peut changer d’ici le prochain album. C’est notre intérêt quand on fait des singles entre les albums, ça nous permet de tester des trucs qu’on n’a pas besoin de penser pendant des mois, c’est plus pour le plaisir et après on voit aussi la réception qu’en a le public et ça nourrit le projet.

LFB : Comment est-ce que vous vous inspirez pour composer et écrire vos tounes [ndlr : chansons] ? 

Félix : On s’inspire un peu des autres. Dans notre groupe, on se fie un peu à ce que chacun écoute sur le moment. Quand je prends la basse pour débuter un nouveau morceau, c’est souvent avec eux autour de moi pour m’inspirer. 

Marc Antoine : On passe beaucoup de temps ensemble, on écoute de la musique ensemble donc au fur et à mesure on se partage des trucs sans nécessairement penser “on écoute ça donc on veut faire se style là” mais au final ça nous inspire. C’était plus mécanique au début mais nos goûts sont plus établis maintenant donc c’est plus instinctif dans la manière dont on compose aussi. Naturellement, c’est plus fluide dans la manière dont on ingère nos influences et comme on joue le show pendant un an, quand on revient à la composition on a juste envie de faire autre chose et d’essayer de nouveaux trucs. On s’assoit, on fait juste partir et naturellement il y a comme une cohérence qui se passe parce que tout le monde était quelque part d’autre et a écouté de nouvelles choses, a appris à faire des riffs de même… Chacun a le goût de tester des choses qu’il n’avait pas faites dans l’autre album.

Félix : Dans le deuxième disque, je pense que l’inspiration était pas mal dans la simplicité. Il y avait un côté un peu plus rock qui revenait. 

Marc Antoine : Je pense que tous les albums sont un peu une réponse au précédent. Pour le deuxième on voulait faire plus que pour le premier qui était assez tranquille, et là en ayant traîné toutes nos machines on essaie de composer sans séquences et de partir comme un band “rock” !  

Félix : Oui bon, on va voir en studio… Va déjà falloir faire les autres tounes ! 

Choses Sauvages – MTELUS Aftermovie

LFB : Donc actuellement vous écrivez et composez tous ? 

Marc Antoine : Oui, mais en ce moment c’est plutôt Félix qui écrit. On le laisse faire quand il a l’inspiration ! On se mélangeait plus sur tout ça au début mais là ça devient plus linéaire. 

Félix : On reste ouverts, si les autres ont envie d’écrire je les laisse faire. On a tous une belle plume. Mais pour l’instant c’est moi qui écrit. 

LFB : Dans tout ce que l’on vient de se dire, vous ne diriez pas que vous avez trouvé votre équilibre finalement ? 

Marc Antoine : Je pense que les choses sont plus évidentes qu’avant mais qu’on ne va jamais vraiment se stabiliser. Notre idée de faire de la musique c’est aussi de pouvoir évoluer, changer quelques petites choses…

Félix : Je pense pas qu’on cherche à être confortables. 

Marc Antoine : On aurait pu faire quinze autres chansons dans le style du deuxième album, mais on s’est dit “ok on passe au prochain truc”. Je pense que le confort s’installe plus dans notre manière de travailler ensemble, dans notre expérience et dans notre façon de communiquer que dans notre musique. Notre but c’est de se réinventer à chaque fois. 

Félix : On respecte aussi le choix de ceux qui se stabilisent dans leur musique mais nous on aime cette façon de nous mettre en danger en expérimentant de nouvelles choses.

Marc Antoine : Ca vient aussi du fait qu’on aime écouter de nouvelles musiques en permanence. Il y a des tounes qu’on écoute depuis nos quinze ans et qui nous influencent encore un peu mais on aime la nouveauté. On se sentirait un peu à l’étroit de rester dans un même style musical. 

LFB : Est-ce qu’un Choses Sauvages III est en cours de préparation ? Avec une nouvelle thématique abordée ? 

Félix : Ouais ouais ! Au niveau de la musique, j’ai l’impression qu’il y a un désir de faire quelque chose de vraiment grand avec pas grand chose, dans la simplicité et de faire moins de stacking. On est encore en train de se chercher un son donc il n’y a rien de coulé dans le béton là. 

Marc Antoine : C’est pas encore précis. Il y a quelques sonorités pop et weird qui sortent, on essaie de jouer avec ça. 

LFB : Est-ce qu’il y a un groupe/artiste avec qui vous aimeriez collaborer ?

Félix :  David Byrne

Marc Antoine : James Murphy

Félix : Y’en a plein ! Dans le moment je pense à des voix, des interprètes pour un morceau sur le prochain album.

LFB : Question spéciale pour terminer. Si vous étiez une planète, laquelle seriez-vous ? 

Félix : J’ai tellement envie de dire Uranus là ! Mais c’est plutôt pour moi…

Marc Antoine : C’est difficile ! Pluton, parce que c’est une planète qui n’est plus dans le game mais on l’aime encore, cette planète naine. 

Félix : Ouais Pluton ! Même si elle est petite. Et le soleil ? 

Marc Antoine : Ca c’est une étoile…! 

Félix : J’aime bien le soleil, c’est à la fois le chaos et ce qui donne la vie. 

Marc Antoine : Et c’est laquelle qui est full de gaz ? Mercure ? 

Félix : Mercure et le soleil c’est toxique comme relation, c’est comme ton ami qui te doit toujours de l’argent… 

Marc Antoine : On n’avait pas une seule réponse pour toi… 

Marc Antoine : Clap de fin !