Tea Eater nous sert de son thé surexcitant

Le groupe d’Art-Punk new-yorkais Tea Eater nous a offert en ce début d’automne un premier album absolument fracassant. Obsession est un condensé d’influences variées allant autant piocher dans le surf-rock des sixties que dans un punk des plus abrasifs lui-même en grand écart entre la fin des seventies et le début des nineties. Tout ça afin de nous livrer une vision éclatante du Riot Grrrl d’aujourd’hui.

Tea Eater est le side-project de Tarra Thiersen, membre de Gustaf, groupe de Punk qui avait connu une ascension fracassante grâce à la sortie en 2021 de Audio Drag For Ego Slobs. Punk un jour Punk toujours, dans les faits on ne s’éloigne pas fondamentalement de la musique abrasive et déjantée que Gustaf nous avait envoyé en plein dans les dents. Cependant, on trouvera chez Tea Eater une musicalité plus étoffée, une grande liberté dans les compostions, sans rien perdre de l’efficacité foudroyante d’un Punk-Rock tout à fait galvanisant. C’est parti pour 26 minutes de pur kiffe à consommer quand vous le souhaitez pour choper une bonne dose de dopamine.

Le disque s’ouvre sur Double, un déferlement d’énergie qui fera décoller vos pieds du sol et débloquera vos épaules. Véritable pièce Garage-Surf sous amphétamines, le rythme est hautement entraînant, les riffs sont abrasifs et les harmonies sont totalement délurées. Ça rentre dans la tête, ça prend possession de vos membres, tout cela sur un texte délicieusement macabre. Le décors semble posé.

Et pourtant, on enchaîne déjà avec le titre éponyme qui lui vient vous balayer en vagues de chaleurs psychédéliques. Absolument magnétisante, Obsession fait la part-belle aux blips de synthés qui viennent se balader sur des nappes oniriques de guitare slide. Hypnotique à souhait. Les épaules dandinent toujours mais les yeux se ferment et les pieds restent bien ancrés dans le sol pour ne pas tomber à la renverse. Tarra Thiersen chante des louanges à l’obsession, qui ici nourrit la passion, et donc le bonheur. Un good mood qui se fait fortement ressentir sur tout le disque.

Mais ne nous égarons pas trop en rêveries. Fuck the DMV vient coller un électrochoc au tempo avec un nouveau riff de guitare décapant. Un coup de gueule fleuri adressé au Department of Motor Vehicles (l’agence gouvernementale qui s’occupe de délivrer et de… suspendre les permis de conduire aux États-Unis). Une protestation publique causée par un litige entre Tarra et cet organisme gouvernemental qui parviendrait presque à redorer la réputation de nos infrastructures publiques ici en France. Tout cela avec un texte ultra-corrosif qui, en vrai, nous a fait beaucoup sourire. Quoi de mieux pour une bonne protestation qu’un bon punk-rock de la plus pure tradition ? Une minute à plus de 200 bpm, c’est ça qu’on aime !

Là-dessus, Jack Nicholson arrive pour nous surprendre. Un mélange subtil de Punk-Rock haletant et de mélodies purement nineties. On pense à Hole bien-sur, les notes se tendent et se détendent, des petits larsens contrôlés viennent créer un soundscape sur lequel Tarra s’étend en mélodies capiteuses. C’est ensuite au tour de Has Been d’aller piocher dans les mêmes inspirations.

On plonge davantage dans l’alternatif des nineties avec The Taste, à tel point qu’on se croirait expédié trente ans en arrière. C’est très plaisant, puisque très bien fait. On peut penser à un hommage, ou une obsession pour cette période et Hole, encore. Mais peu importe ce qu’il en est réellement, The Taste est incroyable. Mélodiquement dense et élaboré, asséné des riffs lourds, de petits solos no wave et d’harmonies vocales puissantes. Ce titre est parmi les plus longs de l’album avec ses 3:30 minutes, et c’est tant mieux puisqu’une fois qu’on l’a dans les oreilles, on voudrait qu’il y reste toujours un peu plus.

Une fois installé, on a le sentiment que cette esthétique 90’s est partie pour rester. Pickup Truck le prouve effectivement. Mis à part le fait que cette fois le son de Tea Eater semble s’inscrire dans quelque chose qui leur est propre. Les guitares créent des nappes perçantes, le rythme est entraînant mais également massif. Un petit côté Melvins qu’on ne saurait s’expliquer nous vient en tête. Capiteux, le titre semble couler et nous emporte avec lui sans difficulté.

En dépit de ce qu’on pensait une fois arrivé à Pickup Truck, le Punk déluré revient en force avec Respect the Wheel. Un banger incontestable au rythme dévastateur et au chant effronté. Une bonne dose d’adrénaline sur des paroles un poil fatalistes, qui pourtant ne nous atterrent pas tant on se sent de tout envoyer se faire f*****. L’une des grandes forces du Punk en somme. File Not Found nous esquisse l’idée de ce qu’aurait pu donner Violent Femmes s’ils avaient utilisé des guitares électriques et, blague à part, est un très bon titre au texte finalement assez touchant. Saint Sardine vient calmer le jeu à nouveau avec des mélodies plus douces et un rythme apaisé. La basse prend les devants, nous offre un joli groove pour le plus grand plaisir de nos oreilles.

Obsession se termine en beauté sur Cosmic Coconut. Une Surf-Music hantée, ardente. Toute la bande s’en donne à cœur joie et très vite la guitare devient ingérable. La section rythmique, elle, garde son rythme effréné à nous en faire perdre haleine. Impeccablement hallucinogène et entraînant, le titre se termine en un joyeux bordel bruitiste. Lorsque le disque s’arrête de tourner, le silence n’en est que plus pesant.

On se surprend alors à vouloir se le relancer sans attendre. L’expérience musicale que nous offre Tea Eater avec Obsession est proprement obsédante. Délivré de tous les codes, en usant à sa guise et à sa manière, le groupe New-Yorkais réalise avec brio l’exploit de briller dans un genre déjà pas mal usé pourtant. On y trouve de la légèreté et de la profondeur, pas toujours là où on les attend, mais toujours amenées avec un équilibre remarquable. On espère déjà pouvoir en entendre plus de ce projet plus que prometteur et exaltant.

En attendant, vous pouvez retrouver les influences musicales du groupe dans l’ADN qu’il nous a fourni.

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