Alors qu’ils sortaient leur EP Loonie à l’automne dernier, Clay and Friends nous revient avec STUNT, un album encore plus éclectique que les opus précédent. A l’occasion de leur concert sold-out à la Boule Noire en octobre, nous les avons rencontrés.
La Face B : Ça va bien ?
Clay and Friends : Ouais, ça va super bien !
La Face B : Vous jouez à la Boule Noire ce soir, mous avez fait d’autres dates avant, non ?
Clay and Friends : C’est notre 4e date. On a joué en Suisse pour la première fois aussi, dans cette tournée-là, donc feeling good ! On a une espèce de plan de conquète du monde, puis ça s’en va dans la bonne direction.
La Face B : Ben oui, puisque vous étiez déjà là au printemps !
Clay and Friends : Oui et en mars, on revient. Cet été, on revient. Puis, y a plein de nouvelles musiques qui s’en viennent aussi. Exciting time !
La Face B : Vous avez sorti un nouvel EP complètement anglophone cette fois-ci, est-ce que c’était un choix conscient ?
Clay and Friends : Ouais. On s’en va dans cette direction-là en ce moment mais c’est l’apéritif pour ce qui est à venir. L’anglais c’est ce qui vient naturellement en ce moment. On fait des beats, pis moi, si ça vient en français, ça vient en français, si ça vient en anglais, ça vient en anglais. Pis ça vient souvent avec tout ce que je consomme, tu sais. Je consomme en français, du français je sors et vice-versa. Et en ce moment, je pense aussi à l’espèce d’idée de vouloir conquérir le monde avec l’anglais… Mais aussi on vient de Montréal donc dans nos chansons, on chante en anglais, mais il y a du français, il y a de l’espagnol, il y a du portugais. C’est la source de la musique populaire de Verdun. Verdun, toujours, you know it. On oublie pas d’où on vient.
La Face B : Tu parlais de l’influence des musiques que vous écoutez sur ce que vous faites. Je trouve que là, pour le coup, cet EP là, c’est peut-être le plus éclectique…
Clay and Friends : Ouais, et t’as pas entendu qu’est-ce qu’il s’en vient (rires). On écoute des groupes comme Gorillaz, you know, juste des groupes qui peuvent se permettre de faire ce qu’ils veulent, de collaborer, puis d’aller toucher tout un peu comme dans un buffet. Aller écouter plein de choses différentes puis essayer d’en faire quelque chose de cool. Je pense que nous, vu qu’on est cinq têtes, on peut se permettre ça sans trop surprendre nécessairement ou dégoûter personne.
La Face B : En vrai, pour reprendre votre métaphore de buffet, le clip promotionnel de l’EP c’est un peu comme des tapas !
Clay and Friends : Oui, chaque morceau est un petit tapas. C’est Xavier MC qui a réalisé tous nos autres clips, qui a réalisé celui-là, puis on lui a vraiment donné carte blanche. On lui a demandé de faire quelque chose à la hauteur de son imagination et il a lui-même livré la marchandise. On l’a tourné en deux et pour la première fois on avait de vrais personnages à jouer.
La Face B : Ce qui est drôle justement par rapport à l’éclectisme qu’il y a dans le clip mais aussi dans tout l’EP, c’est que finalement le sujet reste plus ou moins le même, tout tourne autour de l’argent. Pourquoi est-ce que vous avez choisi spécifiquement ce sujet-là ?
Clay and Friend’s : Tu sais, parler d’argent au Québec, peu importe qui t’en parle, il y a comme un mur. Nous, on a un chemin assez atypique dans l’industrie de la musique. Ce qui est drôle parce que cette année, on est nominés au Gala de l’Adisq, autant en tant que groupe que dans nos projets personnels. Ça fait que c’est cool, on a un beau pied dans la porte. Et on a tous des maisons, on fait une belle carrière, on fait le tour du monde avec de la musique comme un groupe indépendant. Pourtant, dès qu’on sort de l’espèce d’image de « on est des bohèmes qui se promènent pieds-nus, ah la poésie… » les gens sont comme « non, non, non, non, non, non, non, non. » Tu sais, nous, oui, on est des musiciens, on est des artistes, mais on est aussi des entrepreneurs.
Comme on disait avant l’entrevue, on a joué dans la rue, on a joué dans le métro à New York pendant un été au complet, couvert de sueur, dégueulasses. Tu prends une douche, t’es aussi sale que avant. Puis là, après ça, de voyager, de conquérir le monde… On a travaillé fort et il y a eu le gain qui est venu avec et ça a créé des illusions aussi par rapport à l’argent. « Money is everything ». Tu veux l’argent, tu fais ta montagne d’argent. Tu peux tout t’acheter. Puis ensuite, dans le cycle de la vie, tu réalises que tu ne peux pas t’acheter des homies et des bons moments. Ce ne sont pas des connexions qui peuvent s’acheter. Ça fait que tu retombes au début du cycle. « I took the money from the money tree« , c’est lui, tu sais, il vit pour l’argent et il devient le money man. Une fois qu’il a tout son argent, il veut tout dépenser, le flamber, puis il perd tous ses amis. Il est comme « shit, fuck all the money ». You know what I mean ?
La Face B : Puis est-ce que ça, c’est parti de la chanson qui est en collaboration avec Naaman ? Ou est-ce que cette idée était déjà là avant ?
Clay and Friends : Ben tu sais, oui, puis non. C’est sûr que je pense que tous nos projets ont comme des concepts forts. Il y a eu Agua, Grouillades, puis on a une espèce d’univers. C’est sûr que l’image du money tree, c’est vraiment un arbre d’argent et je pense que c’est une image qui nous a tous marqués.
Puis quand on a fait Money Man, qui était la deuxième chanson qu’on a fait, une espèce de chemin a commencé à se dessiner par soi-même. C’est comme « Ah, comment est-ce qu’on peut boucler la boucle ? », puis, veux, veux pas, moi, quand j’ai écrit la dernière chanson « Fuck all the money », je me sentais vraiment comme ça, tu sais, parce qu’on est constamment en tournée. On reçoit tellement de belles propositions, qu’on n’a pas le temps de voir nos autres amis à l’extérieur du groupe, nos copines. Moi, c’est pour te dire, j’ai acheté une maison, puis j’ai à peine dormi dans mon lit, tu sais.
Ça fait que c’est comme une espèce de chanson où tu réalise qu’on peut se tuer à la tâche, ou on peut bénéficier en ce moment de ce pour quoi on a travaillé, trouver un meilleur équilibre à la fin de la journée. Il y a de la beauté dans tout ça. Ça fait que, oui, je pense que, un peu comme tous les autres albums, c’est vraiment une réflexion de où est-ce qu’on est, puis on est chanceux de pouvoir avoir ce point de vue-là. On est chanceux de pouvoir repartir à la quête d’un… pas d’un Money Tree. Tu sais, je dis, comme « Money isn’t the goal, it’s just a part of the whole thing ». L’argent, c’est pas tout ce qui compte, mais c’est quand même ce qui nous permet de venir ici, puis de pouvoir tourner… Tu sais, ça coûte cher, des billets d’avion pour venir ici et tout. Donc, on est chanceux d’avoir des gens qui écoutent notre musique, qui nous permettent de, justement, avoir l’opportunité de venir ici. Ça serait pas possible sans l’argent. Mais en même temps, les expériences qu’on passe entre nous, avec les fans, c’est priceless. Puis, tu sais, la pièce d’un dollar, c’est le « Loonie ». Mais Loonie, ça veut aussi dire « fou ». « He’s a looney, like, this person’s a crazy person ». Puis, l’argent peut te rendre fou, tu sais, tu peux être obnubilé par l’argent.
La Face B : Comme vous l’avez souligné, votre musique est très éclectique. Est-ce que c’est difficile de défendre un projet comme ça en Europe .?
Clay and Friends : On a sorti un album, puis c’était tellement des styles différents que le label avait de la misère à nous mettre dans une boîte d’un style pour pouvoir vendre notre musique. Mais c’est leur job. Je pense qu’il n’y a personne d’autre que nous qui est capable d’avoir le goût sur le genre de musique qu’on fait pour pouvoir la faire et la vendre. Pour nous, c’est simple. Est-ce qu’on aime ça ? Oui. C’est notre son. C’est ça l’ADN de la musique populaire de Verdun. C’est pour ça qu’on a cette espèce de slogan, de tag, tu sais. C’est inspiré de la musique populaire du Brésil qui est un amalgame de plein de styles. Une espèce de best-of. Ça passe de l’orchestral au funk à la pop au rock. Tant que c’est la musique du peuple, ils sont capables de le chanter, de s’en rappeler. C’est quelque chose qui fait partie de leur identité, qui coule dans leurs veines. Puis nous, on a l’impression, je pense, de faire ça. En faisant de la musique en français, en anglais, c’est aussi se donner une chance que ça soit possible à une grande échelle.
La Face B : C’est fou de voir à quel point le fait de mettre des étiquettes sur les musique à l’air essentiel dans l’industrie…
Clay and Friends : Je pense que dépendant de quel genre de consommateur de musique, t’sais, ça peut aider à guider le consommateur, tout simplement. Les gens n’ont pas forcément de temps comme moi ou toi à fouiller puis à aller dig, mais je pense que, justement, aujourd’hui, on a une époque où la musique est tellement accessible que tu peux juste, tout simplement, aller sur les plateformes de l’artiste, écouter la musique, et puis savoir exactement si ça te rejoint ou si ça te rejoint pas. Ça me rappelle le temps du vinyle, genre. Parce qu’avant, c’était difficile de pouvoir écouter de la musique. C’était impossible d’écouter de la musique sur ton téléphone. Il fallait aller acheter un vinyle. Puis quand t’as acheté un vinyle, il fallait exactement que tu saches c’est quel genre de musique.
La Face B : Est-ce que vous avez comme un ressenti spécial par rapport au fait d’être programmé en première partie où sur des petites scène ici alors qu’au Québec vous êtes plutôt en headline ?
Clay and Friends : Hier, on est allés au Paname Comedy club à Paris. Et à chaque fois qu’on est au Paris, on va au Paname. Et qui voit-on, on voit Mehdi Bousaidan, qui est super connu au Québec. Pis là on le voit jouer ici dans une petite salle. Nous, on a réagi, t’sais, c’est une star au Québec. Les Français ont aucune idée de qui c’est. Puis, t’sais, il fait son rodage pendant, quoi, 10 minutes. Il fait ses blagues. C’était le meilleur jusqu’à ce moment-là dans la soirée. Puis il vient nous dire « Allô » après le spectacle. « Hey, les gars, ça va ? » Et je pense qu’il nous a peut-être reconnus. Puis une des questions qu’on voulait vraiment lui demander, c’était de savoir comment il se sentait quand il joue ici alors qu’il remplit des salles de 1000 personnes au Québec. Chez nous, il pourrait juste dire « pipi, caca » et tout le monde va te faire « Ha ha ! Incroyable ! Génie ! ». Mais t’sais, il nous disait que ça faisait 3-4 mois qu’il était ici, puis la façon dont il en parlait, c’était « Allez, ouais, je suis pas de retour à la case départ, mais ça me ramène un peu à la source. » C’est-à-dire, la raison de pourquoi je fais ce métier. Puis nous, nous, on doit aller prouver, justement, à Terres du Son par exemple, devant 4 000 personnes qui ont aucune idée de qui on est, qu’on fait de la musique qui peut leur plaire.
Même si jouer à la maison c’est rassurant, je trouve, à un certain point, de jouer devant du monde qu’ils nous connaissent pas, puis de les voir triper, puis embarquer avec nous, ça fait du bien parce qu’au Québec, c’est acquis, mais ici, ça fait du bien de voir que des gens aiment notre musique en France, n’importe où, Belgique, Suisse, c’est ce dont on a besoin, le groupe. C’est d’avoir l’opportunité de jouer devant beaucoup de monde qui ne nous connaissent pas, puis ensuite les convaincre qu’on en vaut la peine.
C’est sûr, ouais, que ça serait cool de jouer devant 15 000 personnes en Europe qui nous connaissent, on n’est pas encore rendu là, mais de jouer devant 5 000 personnes qui nous connaissent pas, puis qu’à la fin, on voit sur les réseaux que ça les a rejoints, ils nous connaissaient pas du tout, puis ils viennent nous voir ensuite à Paris et ils paient des billets pour notre show, c’est comme… « Wow ! Ça a touché des gens »
Le plus beau sentiment, c’est de voir les gens qui, au début, sont pas là pour nous voir et puis qui pendant le show se mettent à danser puis à embarquer dans notre trip. Vraiment, on veut continuer à s’exporter, puis, hopefully, ne pas recommencer à la case zéro.
Photos : Zoé Renard