Dans la galaxie pop française, il y a des artistes qu’on suit, des artistes qu’on aime et des artistes qu’on admire. Parfois un alignement parfait fait qu’un artiste rentre d’un coup dans ces trois cases pour ne plus jamais en sortir. Cléa Vincent est de ces gens-là. Nuits Sans Sommeil est sorti vendredi dernier, son tant attendu et superbe second album. A cette occasion, on l’a retrouvée pour parler de sa genèse mais aussi de l’évolution de sa musique, des voyages et de la vie d’artiste.
La Vague Parallèle : Bonjour Cléa !
Cléa Vincent : Salut Charles ! (rires)
LVP : La première question que je pose toujours c’est comment ça va ?
C.V : Toujours bien moi, c’est rare que ça aille pas. J’ai des petits moments de doute comme tout le monde qui vont durer entre 1 à 25 min mais globalement sur une journée entière, ça va toujours bien. En même temps, je trouve que je suis très chanceuse donc ça serait dommage de me plaindre.
LVP :Première vraie question : comment t’as trouvé le temps pour sortir un nouvel album ?
C.V : C’est une très bonne question, si je n’avais pas rencontré Raphael Léger en 2014 je pense que je n’aurais pas pu. Autant sur les EP c’était facile car j’avais que ça à faire mais là effectivement c’était plus compliqué. Et j’avoue que notre association à Raph et moi sur l’écriture a fait qu’on a été plus vite et j’ai pris beaucoup de plaisir parce que c’est vachement agréable d’écrire à plusieurs, j’adore ça. Il y a quelque chose d’hyper drôle donc non seulement ça allait plus vite et c’était plus fun.
LVP : Ce qui m’a marqué sur Nuits Sans Sommeil c’est que je le trouve beaucoup plus affirmé et je me demandais comment tu avais travaillé sur l’écriture de l’album ?
C.V : Je crois que l’affirmation vient aussi pas mal de la façon dont l’album est produit. Après il y a aussi une évolution dans l’écriture mais ça c’est lié à mon âge qui évolue aussi, hélas (rires). Non mais tout ça pour dire que c’est forcément un peu plus affirmé car le premier EP je l’ai écrit quand j’avais 20 ans et là je l’ai plutôt écrit à la trentaine. On s’est aussi associé à Clément Roussel pour la production et il a pimpé ça à mort, il a fait ce que nous on ne savait pas faire sur les EP, il a mis tout son professionnalisme et ça donne un disque qui est effectivement plus affirmé aussi dans le son je trouve.
LVP : J’avais cette impression que Retiens Mon Désir est un album adolescent alors que Nuits Sans Sommeil est un album adulte en fait. Même dans la pochette pour Retiens Mon Désir c’était un peu flou, caché et là c’est plus assumé, plus direct comme tout un tas de choses.
C.V : Oui, il y a quelque chose de plus limpide et de plus homogène aussi. De plus cohérent d’une manière générale, que ce soit dans l’image, les sons, les morceaux et tout ça est lié au fait que le travail de cet album a démarré il y a 2 ans on va dire et tout ça a été fait à un âge adulte alors que sur le premier album on trouve des morceaux que j’avais composés il y a 10 ou 15 ans.
LVP : Ça t’a pas donné le vertige ? C’est comme un premier album non ?
C.V : Totalement c’est complètement neuf.
LVP : Le premier album comme tu dis, c’est quelque chose que tu portes avec toi depuis super longtemps…
C.V : J’avais cette envie avec le 2e album d’un live qui va avec, je voulais que ça aille encore plus loin dans le côté dansant, l’éclate, des super sons. Là on a commencé à bosser les chansons pour les adapter au live et c’est vraiment ce que je voulais, je suis trop contente, ça va être super !
LVP : Ça se sent d’ailleurs. Rien que Dans Les Strass que tu jouais avant, elle est complètement différente sur l’album.
C.V : On s’est un peu pris la tête avec Dans Les Strass car l’autre version était un peu plus disco et on ne voulait pas une énième chanson avec une guitare à la Neil Roger, c’est bon y a l’album des Daft Punk qu’est sorti, ils nous ont tous mis une grosse tarte c’est pas la peine de faire pareil donc on s’est dit « ouais c’est trop facile, on est sur un Get Lucky » donc on a cherché à le « froidifier » un peu et j’aime bien comme il sonne maintenant.
LVP : Et ça va bien avec les paroles finalement, le côté un peu plus froid.
C.V : Totalement car c’est un peu la dépression ce morceau (rires).
LVP : Et pourtant, même si les paroles sont plus froides, le rythme donne hyper envie de danser !
C.V : Ça parle de toutes les difficultés qu’amène la lumière, le succès mais pas seulement, ça raconte aussi tous les fantasmes qu’ont les gens sur ce que ça peut être d’être artiste. Il y a beaucoup beaucoup d’idées reçues sur le métier de musicien et de chanteur donc ça parle un peu de ça, qu’on doit toujours avoir l’air content et heureux mais non, on l’est pas forcément même si ça va plutôt bien comme je t’ai dit tout à l’heure. Il y a beaucoup de choses difficiles dans ce métier.
Ce qui a l’air plus difficile dans notre métier et je l’ai pas vécu, c’est le succès pharamineux, quand tu fais une étoile filante, quand ton disque explose et que dès le lendemain tout le monde te veut, ça doit être très compliqué tout ça à gérer psychologiquement. Je me mets à la place de Angèle, ce genre d’artistes tu vois et je les admire beaucoup car c’est le stade du métier où faut être le plus solide .
LVP : Mais je pense que même si ça t’arrivait, tu as un entourage assez solide, que ce soit ton label ou d’autres musiciens…
C.V : L’âge joue aussi, car à 23 ans tu n’as pas la même maturité comme moi 10 ans plus tard. Si mon 2e album m’amenait à une tournée d’enfer et des super trucs partout ça serait le bonheur et je le vivrais très bien. Et encore ça fait toujours peur quand toutes les portes s’ouvrent tu te dis à un moment elles vont se refermer et dans aucune carrière les portes sont restées ouvertes de A à Z. Un mec comme Daho il a connu les traversées du désert …. Ça peut paraître très banal ce que je dis mais c’est la vérité quoi.
LVP : Est-ce que t’es curieuse de l’accueil que les gens vont avoir de cet album qui est finalement très différent du précédent ? Est ce que tu y as pensé ou pas du tout ?
C.V :En fait je suis préparée au retour. Ça va sans doute faire comme Retiens Mon Désir, les choses vont prendre du temps et ça ne me pose pas de problèmes, j’en ai sous la pédale donc je suis prête pour le marathon et s’il y avait quoi que ce soit comme problème je trouverais des solutions.
Je sais que sur Retiens Mon Désir, je peux le dire maintenant car c’est derrière nous, on avait très peu de dates et je les ai trouvées moi même pour démarrer la voiture et après boum c’est parti.
Après pour celui-ci il se trouve qu’on a plein de dates donc c’est assez génial maintenant il va y avoir probablement d’autres choses à gérer. Tout ça pour dire que je suis prête à tout, que ce soit les avis positifs ou négatifs, je sais que j’arriverais par le travail à trouver des dates car c’est mon seul objectif de faire des concerts. Moi faire la une des magazines c’est uniquement dans le but de faire des concerts derrière car le reste ça ne m’intéresse pas trop (rires).
LVP : J’ai trouvé que ton écriture sur les paroles avait beaucoup évoluée, t’es moins dans l’image en fait, t’essaies moins de cacher les choses, je trouve qu’il y a quelque chose de plus frontal. Est ce que c’est venu naturellement ou est ce que c’est quelque chose que t’as trouvé en collaborant avec d’autres personnes ?
C.V : C’est une très bonne question car si tu prends un morceau comme Sexe D’un Garçon c’est un morceau qui parle de ce que c’est d’être une femme et pour le coup je pourrais mettre des images mais le message est effectivement assez clair, Dans Les Strass pareil. Finalement on est plus sur un mini scénario assez facile à comprendre, beaucoup plus que Achète Le moi, qui est un morceau beaucoup plus abstrait, même moi je sais pas trop ce qu’il raconte ce morceau tu vois.(rires) Il est possible qu’on ai un peu plus envie de raconter quelque chose…
LVP : Il y a plus de storytelling en fait ?
C.V : En effet, parce que même un morceau comme Femme Est La Nuit…T’as raison, c’est un peu plus transparent.
LVP : C’est plus cool aussi et même pour toi de pouvoir exprimer les choses comme tu les ressens…
C.V : Peut-être aussi car c’est l’âge qui veut ça toujours, je parle d’âge alors qu’en vrai j’ai que 30 ans, si nos parents nous entendaient ils diraient « non mais ça va quoi… » enfin bref. Tout ça pour dire que je ne suis pas moins pudique mais peut-être je suis moins timide c’est possible. Du coup j’écris des choses qui me représentent un peu plus quoi.
LVP : Tu parlais justement de Sexe D’un Garçon et en tant que femme auteur compositrice interprète, comment tu vois la place de la femme dans le monde de la musique ?
C.V : Tu vois j’ai beaucoup de chance car j’ai jamais eu trop de soucis avec ça car je crois que je suis très garçonne aussi donc je suis pas ultra féminisée et je pense plus à mes copines qui sont plus femme et elles galèrent un peu quoi.
Il y a quelque chose qui est très axé sur le physique car pour être une meuf chanteuse aujourd’hui il faut avoir…enfin tu vois, toutes celles qui cartonnent pourraient être mannequins tu vois…
Après tu as une fille comme Vendredi Sur Mer ou aussi Christine and the queens qui sort un peu, dans une sorte de négation de sa féminité et du coup d’affirmation de sa personnalité. Mais en tout cas oui je suis d’accord que parfois la femme est vraiment utilisée pour son physique et ça fait un peu de la peine.
LVP : C’est vrai et on rattache toujours la validation d’un homme derrière
C.V : Il y a ça aussi . Par exemple ma pote Johanna de Jo Wedin et Jean Felzine, en fait ça a été une très mauvaise expérience ce duo car les gens arrêtaient pas de dire « Ouais c’est Jean qui écrit tout pour toi » et elle disait « non en fait c’est mes chansons » et les gens voulaient pas la croire, ils disaient « la blonde suédoise et Jean qui écrit pour elle ». Et d’ailleurs, je me rend compte qu’une fois je l’avais vu sur scène habillée en costyle et je lui ai dit « putain ça te va trop bien j’adore quand t’es habillée comme ça » et j’ai senti comme un peu une amie, je lui ai dit voilà « peut-être que t’auras la paix » et en effet derrière elle s’est pas mal habillée en mec et je pense que quand t’es une meuf t’as plutôt intérêt d’être garçonne, enfin tomboy ou alors je sais pas, faut faire attention
Alors que tu vois un groupe comme La Femme, Marlon est tout le temps à poil et personne l’emmerde quoi
LVP : Tu as des trucs qu’on laisse faire à un homme et pas forcément à une femme, ce qui est un peu bizarre. Même au niveau des paroles, un mec qui sort des paroles sexualisées ça va être tout à fait normal alors qu’une femme ça va être le scandale tout ça…
C.V : Il y en a une que j’admire beaucoup c’est Yelle car les paroles comme Je Veux Te Voir c’est dingue. Elle arrivée hyper en avance sur son temps avec des paroles à deux doigts du porno tout en restant très drôles. Franchement c’était un bon pied de nez quoi.
LVP : Je vais retourner sur l’album, est ce que tu peux considérer Nuit Sans Sommeil comme un album nocturne finalement ? Au niveau de sa couleur musicale, est ce que tu l’as pensé comme ça ?
C.V : Carrément et y compris dans le live et les lumières, ça va vraiment être une traversée de la nuit. Au départ avec Raph, on avait ce fantasme de faire un disque qui fasse qu’une chanson représente une heure de la nuit, que ça commence au coucher du soleil et que traverse comme ça et que ça fasse 12 chansons 12 heures et en fin de compte on a pas été jusqu’au bout de cette démarche.
Moi j’avais l’idée de faire un clip/film de toute la durée du disque enfin bref, voilà, pour tout te dire la démarche était là mais on n’a pas pu ordonner les choses comme on le voulait. Malgré tout c’est un album extrêmement nocturne car au départ c’était le projet.
LVP : Est ce que tu as retravaillé les chansons de l’album précédent pour leur donner la même couleur sur scène?
C.V : Je pense qu’on va carrément les retravailler, on a des nouveaux claviers, on s’est payés des bonnes bécanes comme on dit et ça va envoyer.(rires) On va adapter les anciens morceaux au nouveau live. Après des chansons comme J’m’y Attendais Pas, Retiens Mon Désir, Château Perdu elles vont pas des masses bouger car faut pas non plus tout révolutionner.
LVP : Ce qui est drôle aussi, c’est qu’il y a beaucoup d’influences sur l’album, autant tu parlais du disco tout à l’heure, t’as des trucs un peu plus pop française actuelle et je trouve qu’il y a des influences reggae par moment et finalement je trouve que l’album est très libre au niveau de la teneur en fait.
C.V : On retrouve des rythmiques assez éclectiques c’est vrai. Il y a une unité quand même électro avec du synthé, une unité dans les sons mais dans les patterns de batterie par exemple il n’y a pas vraiment d’unité et c’est ça que j’aime bien et c’est ça qui fait que ce n’est pas trop uniforme et qu’on va se marrer en concert. On a toujours essayé de garder une homogénéité mais il faut donner aux gens de la matière pour danser, pour qu’ils s’éclatent comme dans un DJ set où finalement le dj il essaie de varier un minimum quoi, pour te tenir en haleine.
LVP : il a une sacrée basse sur l’album je trouve
Ouais on s’est fait plaisir (rires) Il y a beaucoup de synthés basse.
Et tu sais qu’en voyageant un peu avec ma musique, j’ai réalisé que les français sont écoutés pour avoir des putains de basse. En Australie, quand on est arrivés ils ont dit « oh des groupes français, on va encore avoir des super sons de basse », c’est marrant, j’aurais jamais cru que c’était une spécialité locale. (rires)
LVP : Dans la pop française ça se sent vachement que ce soit Yelle ou Clara Luciani où y a une basse assez incroyable et qui donne des grooves de malade où il y en aurait pas forcément sur d’autres
C.V : Je suis d’accord, sans parler de Flavien Berger…
LVP : Ouais mais lui il est loin, il est trop loin pour tout le monde
C.V : Quelle claque il nous a mit avec ses sons, il file des complexes. (rires)
C’est un peu comme Gainsbourg qui a dû foutre les boules à tout le monde à l’époque. Sa musique a une liberté totale et je pense qu’il n’y a même pas pensé, c’est tellement un album spontané, je sais pas s’il a réfléchit à tout ça.
LVP : Ton album parle aussi de beaucoup d’amour et pas forcément de manière très joyeuse tout le temps, est ce que c’est un album de femme amoureuse ?
C.V : Tu penses à quelles chansons ?
LVP : Je pensais à Maldonne mais aussi à Au Phone qui sont pas hyper joyeuses…
C.V: Au Phone parle du coup de téléphone qui fout la merde et de la problématique de la distance avec l’amour. Parce qu’en amour il faut tenir dans la durée et parfois dans la distance et c’est pas évident. Dans nos métiers, on est amené à vachement voyager et tu vois les musiciens avec qui je tourne c’est difficile parfois, ils sont loin de leurs meufs ou de leurs familles pendant 3 semaines et c’est assez dur. C’est un sujet que je trouve intéressant, la patience en amour.
Car parfois il vaut mieux ne pas s’appeler et plutôt écrire car le fait d’entendre la voix de l’autre peut rendre dingue et ça parle vraiment de ça. Le fait d’entendre la voix et comment ça peut être douloureux parfois. Ça vaut pas que pour les couples mais aussi pour les parents avec les enfants et c’est un sujet qui m’intéresse pas mal, le fait d’avoir une vie complètement décalée c’est pas évident de garder ses amitiés, garder un lien avec sa famille car on est tellement pris que c’est quelque chose à gérer. J’ai beaucoup de chance car j’ai vraiment des amis de très longue date qui comprennent très bien mon métier, pareil avec ma famille mais c’est pas le cas de tout le monde.
LVP : Dans Les Strass y a aussi cette forme de relation humaine.
C.V : Dans Les Strass ça peut aussi parler des gens qui veulent toujours montrer que ça va super bien « ouais on est dans une super soirée, allez ça y va les stories tout ça » et au final y en a une qui se prend une cuite et la soirée est pas si ouf que ça et on va pas le montrer sur Instagram. (rires)
LVP : Sauf si tu t’en fous.
C.V : Ouais, voilà (rires). Moi je m’intéresse plus aux instagrams de gens qui montrent que ça se passe mal, c’est plus drôle.
LVP : La dernière fois qu’on s’était parlé tu revenais d’une tournée en Russie. Là t’as tournée un peu partout dans le monde, est ce que t’imaginais que ta musique pouvait s’exporter comme ça ?
C.V : Jamais et on en parlait avec Raf Iton, je lui demandais si enfant il s’imaginait faire le tour du monde comme ça.
Moi quand j’étais enfant je voulais être PDG internationale et il y avait le mot international quand même et je sais pas d’où ça venait . Je pense que je me destinais à voyager mais j’ai vite oublié car quand t’es enfant t’as envie de faire tout un tas de métiers et pour moi c’était ça. Finalement on est assez clairvoyant quand on est enfant. Donc ouais c’est complètement fou, voyager avec de la musique et les paroles en français c’est dingo et j’analyse assez bien ce qui nous est arrivé. Y a deux choses qui font que ça nous est arrivé, d’abord c’est que la french pop a le vent en poupe ces derniers temps, que c’est une musique assez sage donc on a pas peur d’accueillir des artistes de la french pop dans les agences, les instituts et tout.
On va pas se leurrer, c’est un mouvement trendy, on a été dans la presse féminine donc voilà y a quand même une curiosité sur ce mouvement presse féminine. On veut savoir qui sont ces femmes qui font de la french pop donc les pays étrangers veulent voir ça aussi et l’autre chose c’est que notre groupe quand on voyage on est très cool, hyper sympa et facile à accueillir.Je pense que le mot s’est donné dans les différents instituts et tout ça, on est un groupe chouette et nos concerts se passent toujours bien donc y a un espèce de cercle vertueux. Et cette french pop est vachement médiatisée ces derniers temps et plus le fait d’être un groupe sympa …Je pense que tout ça s’est bien mis quoi.
LVP : Tu as fait la Russie, le Brésil, la Chine, la Corée, l’Australie… Est ce que tu vois des différences entre les publics, dans la façon d’envisager ta musique ?
C.V : Ce qui est un peu flippant c’est qu’il y a une universalité qui est de plus en plus réelle, à savoir que les hipsters sont en Chine, en Russie … Je dis hipster car nous on fait une musique assez hipster quoi, non ?
LVP : Moi je pense que ta musique est assez populaire, dans le sens premier du terme avec la pop y a un truc qui peut toucher tout le monde donc je sais pas si c’est hipster au final …
C.V : Il y a un peu des gens branchés quand même dans les concerts mais y a de tout et notre public en fin de compte est toujours un peu pareil, c’est à dire que les gens qui nous aiment sont globalement des gens toujours bienveillants, mignons. J’ai jamais de problèmes, jamais de gens qui mettent un mot plus haut que l’autre, des bastons… Je sais pas c’est toujours bon vivant et sympa, à travers le monde. On a trop de chance, on fait de la musique pour des gens hyper cool.
LVP : Et les gens qui viennent te voir, ils y vont pour la musique, ils ont analysé les paroles… ? T’as des gens qui viennent te voir en disant « j’ai traduit toutes les chansons » ?
C.V : Tu peux avoir des gens comme ça, qui s’intéressent aux paroles et tout mais souvent ce qui revient c’est « je comprends rien aux paroles mais j’adore ta musique »
Et c’est finalement ce qu’on fait un peu nous avec les groupes anglais. Souvent, moi je comprends jamais trop les paroles des groupes que j’écoute au final. Mac Demarco je comprends rien, enfin je sais qu’il parle d’amour parfois, qu’il s’est fait larguer mais je vais pas non plus trop dans les détails mais je kiffe grave le mood.
LVP : C’est peut-être la meilleure manière de prendre la musique, sans le vecteur de l’émotion…
C.V :D’ailleurs j’avais une expérience assez originale avec Kim Giani, on avait fait des ateliers de musique avec des enfants et on avait fait écouter une chanson de Kim en anglais qui s’appelle Soldiers Of Creation et ça parle grosso modo d’un mec qui s’est fait voler tout son pognon par son manager et on dit aux enfants « à votre avis, vous allez essayer de deviner de quoi parle la chanson ». On a demandé c’est une chanson triste, gaie…Ils disaient « triste », on disait »qu’est ce qu’il se passe ? », « y a un monsieur il est triste », »et pourquoi ? » et en 2 secondes ils ont trouvé le scénario alors qu’ils parlaient pas un mot d’anglais. Alors ouais franchement des fois sans les paroles tu comprends le propos
LVP : Et justement c’est pas plus cool pour toi justement de jouer à l’étranger où les gens n’essaient pas forcément d’intellectualiser tes paroles ?
C.V : C’est ce que je préfère finalement, j’ai pas de pudeur. C’est un kiffe de joueur à l’étranger, ça apprend beaucoup de choses sur soi et personnellement je m’émancipe beaucoup depuis que je voyage car comme t’es pas chez toi, tu te permets un peu plus de trucs, t’as pas peur d’être jugé, pas comme quand t’as ta grand mère ou ton voisin dans la salle , tu vois ce que je veux dire ? (rires)
C’est marrant quand je joue en France je connais toujours plein de gens qui sont là et t’as un peu plus peur de montrer qui t’es vraiment
LVP : Et t’as un peu la validation de l’efficacité de ta musique quoi car si ça marche avec des brésiliens, russes ou..
C.V : Ce qui est intéressant quand tu joues à l’ étranger avec des groupes qui sont beaucoup plus connus que toi, d’autres beaucoup moins connus et au final à l’étranger tout le monde repart à zéro et c’est ça qui est génial. C’est super, j’adore ça, c’est un bon test et beaucoup de fun. Tu vis un truc fort avec les musiciens avec qui tu tournes et quand tu t’éclates le concert est encore plus fun, y a pas la même saveur. Mais je dis ça mais quand on va jouer à La Cigale, on va kiffer de ouf, je dis ça pour pas que les gens me sifflent (rires)
Ce qui se passe c’est qu’on joue à l’étranger dans le but d’être encore meilleur chez nous, l’idée c’est pas de snober notre pays, c’est d’arriver et d’être encore meilleur pour continuer à grandir à la maison. Je veux pas du tout vivre à l’étranger, j’aime trop ma ville et mon pays, j’aimerais pas faire partie de ces groupes qui marchent que à l’étranger.
LVP : Tu as récemment ajouté une corde à ton arc en faisant présentatrice (rires) télé, est ce que ça te fait analyser différemment le fait de faire de la promo ?
C.V :Oui, je me rends compte à quel point c’est stressant. C’est hyper dur de recevoir un artiste, t’as peur qu’il se sente mal. Je crois que j’ai jamais autant stressé qu’en faisant Sooo pop, c’est vachement intéressant et puis de toute façon quand on prend des risques dans la vie, ça rend plus fort, ça surprend et puis j’aime l’idée de faire des trucs différents. Je comprends aussi que la promo c’est super dur en fait, de rebondir sur les questions et c’est intimidant.
LVP : Et justement est ce que t’es plus cool, plus patiente depuis que tu fais ça ?
C.V : Non car j’ai toujours adoré faire des interviews et j’ai beaucoup de respect pour les gens d’une manière générale donc je vais jamais être désagréable. Par contre, j’admire les artistes que j’ai accueilli, comment ils se démerdent en interview, comment ils gèrent les interviews…Je me rends compte que je suis toujours hyper insouciante et émerveillée par les artistes même si moi même j’en suis une. Globalement, j’ai beaucoup de chance d’être dans ce milieu car on croise des êtres extraordinaires. Tu vois en Australie, le fait d’être aux côtes de Camille, Yelle, et Clara c’était hyper fort, c’est des personnalités magnifiques, tout ce qu’elles donnent sur scène et finalement faire ma petite émission ça me permet de passer du temps avec d’autres artistes et j’adore ça.
LVP : Quels sont tes coups de cœur récents ?
C.V : J’ai découvert Sally Shapiro, c’est une fille qui fait de l’électro et j’adore sa voix. J’ai vu Parcels en concert, j’ai pris une claque, c’était dingue, juste fabuleux. Altın Gün sinon, c’est un groupe qui reprend des standards turcs et ils viennent d’Europe du nord et je les ai vu en concert quand j’ai joué à Bilbao, c’est assez rock, c’est de la musique traditionnelle mais y a aussi des synthés, ils mélangent un peu toutes les générations et le morceau qu’est génial c’est Goca Dünya. Laure Briard qui a sorti un album qui défonce et je dis pas ça car elle est sur mon label hein (rires)
Et tous les groupes que j’ai vu sur scène en Australie, j’ai adoré. Et Camille ! Énorme claque, je savais qu’elle était bonne car je l’avais vu mais elle se bonifie, je sais que y a un côté hyper chelou, médiéval, elle danse la bourrée sur scène et pourtant c’est hyper cool. C’est la reine.
LVP : Est ce que t’as une question pour La Vague Parallèle ?
C.V : Comment est ce que vous arrivez à chaque fois que vous écoutez un disque, car à force vous comprenez comment ça fonctionne, les artistes, y a pas mal de répétition au final … Tu me disais que cet album est plus affirmé mais c’est un peu toujours ça et donc est ce que vous arrivez à kiffer et à pas rentrer dans une routine ?
LVP : Ça va en fait (rires), J’essaie de garder une oreille d’enfant on va dire, être un peu naïf et pas trop réfléchir, j’écoute beaucoup de jeunes projets moi et c’est ça qui me botte, essayer de découvrir des trucs. En ce moment j’aime beaucoup Silly Boy Blue, j’aurais plus tendance à aller pousser sur des trucs qui auraient moins facilement trouvé leur chemin avec les médias par rapport à d’autres
C.V : C’est sûr quand on a cette capacité à diguer..Y a toujours beaucoup de nouveaux projets qui naissent. Et moi je me rends compte en ayant la casquette de présentatrice que la musique c’est tellement mon truc que les questions semblent les mêmes mais la musique n’est pas la même et les réponses ne sont pas les mêmes. Je vois un mec un comme Vincent Delerm, son dernier album j’ai adoré et j’ai posé que des questions sincères, je pense que vous c’est pareil, vous gardez une forme de sincérité, vous interviewez des artistes que vous aimez et ça se sent. C’est vraiment trop bien La Vague Parallèle. (rires)