La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Sans plus attendre voici notre 200ème sélection.
The Lemon Twigs – My Golden Years
Il y a quelques mois, on avait eu le plaisir de rencontrer les frangins d’Addario lors de leur tournée française. À l’époque, ils nous avaient confié que leur futur album était déjà sur les rails et qu’il serait plus léger et pop.
Force est de constater qu’ils ne nous avaient pas menti puisque les Lemon Twigs sont déjà de retour en ce début d’année avec My Golden Years, hymne pop entêtant qui nous invite à vivre notre vie au maximum.
On retrouve la patte du duo, cette envie permanente de faire vivre de manière moderne une esthétique passée, des harmonies vocales géniales et un talent de compositeur qui place chaque single directement dans nos esprit.
À l’image du morceau, le clip de Ambar Navarro place The Lemon Twigs dans la peau d’un jeune groupe qui vit ses premières émotions musicales. Une vidéo intemporelle qui place le groupe en tant que quatuor, se promenant dans un Los Angeles fantasmé entre petites combines et solidarité fraternelle d’un gang remplit de rêves.
De bon augure en attendant l’arrivée de ce nouvel album prévu pour le printemps.
JeuneLux – Sinatra
Après avoir vécu à New York, JeuneLux y a puisé le renouveau de sa musique. Actif depuis un petit moment sur la scène rap belge, il a pris le temps de faire mûrir sa musique et ses influences pour progressivement évoluer.
En sortant de ses frontières pour arpenter les rues de la mégalopole américaine, le jeune rappeur s’est étonnement trouvé. Un lifestyle qu’il a compilé dans le clip de son nouveau single Sinatra. Un visuel au montage dynamique réalisé par @sharkyvisu et @4ska qui accompagne parfaitement les basses de la production signée par @slomo2x.
Des rues parisiennes à celle de New York, c’est dans ces grands ensembles urbains qu’il se sent le plus à l’aise, le confirmant de par son flow singulier appuyé par le charisme de sa voix. En terminant 2023 sur cette note, il donne l’impression que 2024 sera celle de son épanouissement musical.
Charly Marty – Pour toujours
La plongée dans le grand bain de Charly Marty arrive bientôt ! Dans 19 jours, l’EP Pensées-Piscines sera disponible partout et ça c’est bien coo(u)l(e). En attendant, retour sur un nouveau single : Pour toujours.
Notre gus desperado bien aimé nous embarque dans un champs de talus, c’est l’heure du karaoké champêtre ! L’image joue sur deux colorimétries, la première très vive, la seconde plus graineuse plus ancienne. Et pourtant c’est tourné au même moment !
Charly Marty chante l’ivresse heureuse, le bourré d’amour. Tel Pierrot le clown, il porte une fraise rose pâle en tulle et se déplace tant bien que mal dans le champs jaune. On aime tant la fantaisie Marty !
Kay The Prodigy x Mezzo Millo – Dumb
Si la foudre ne frappe pas deux fois au même endroit, le vent de l’est lui bien ! Après avoir soufflé l’hiver dernier, pointé le bout de son nez brièvement en avril, il fut de retour en cette fin d’année pour accompagner une nouvelle fois notre hiver. La cause de ce vent tient en l’association entre la rappeuse Kay The Prodigy et le producteur Mezzo Millo tous deux issus du Grand Est.
Après avoir montré qu’elle pouvait être aussi incisive sur de la trap que sur des ambiances plus planantes, la jeune rappeuse revient plus percutante que jamais sur les instrumentaux atmosphériques de son collègue. Ce qu’illustre à merveille Dumb et son clip brumeux réalisé par @youcef_kr.
Son grain de voix et l’ambiance de groupe émanant du visuel confère à la musique de Kay The Prodigy une chaleur naturelle qui transpire également dans son écriture. Et si le vent de l’est apportait la chaleur qui manquait à cet hiver ?
BLOWSOM- HOPE YOU’LL FIND OUT
Alors que son premier album sortira le 9 février prochain, BLOWSOM commence ce mois de janvier en dévoilant un nouveau morceau : HOPE YOU’LL FIND OUT, accompagné de son clip. Dans celui-ci, on suit l’artiste après une désillusion amoureuse. Alors qu’il semble vouloir avancer, il ne peut s’y résoudre face à toutes les espoirs portés dans sa relation passée et le manque lié. Commencée entre amis, la soirée tourne court et l’artiste erre dans Paris, une bouteille et une cigarette à la main. Tout ce qu’il entreprend semble être un coup porté à lui-même, comme s’il se punissait de l’échec de sa relation.
Avec ce nouveau titre, BLOWSOM utilise sa pop rythmée pour traiter une nouvelle fois des rapports affectifs amoureux et de leurs impacts possibles sur nous-mêmes. Ce qui nous fait attendre avec encore plus d’impatience la sortie de son futur projet le mois prochain.
Killer Mike – RUN ft. Damian « Jr. Gong » Marley
Damian Marley remplace pas moins que Young Thug dans une nouvelle version du titre RUN de Killer Mike. Sorti durant l’été 2023, on a eu le plaisir de retrouver son album MICHAEL dans tous les tops albums de fin d’année, et la course ne semble pas encore finie car l’album lui a fait décrocher 3 nominations aux Grammy (Best Rap Album – Best Rap Song et Best Rap Performance pour Scientists and Engineers).
« Hip Hop and Reggae are both People’s Music. People’s Music speaks for the salt of the earth, the worker class that toils and constitutes the masses” – Killer Mike. Un autre sommet de MICHAEL est le titre RUN, où Damian Marley est venu lui insuffler un nouveau flow reggae.
Et l’alchimie opère à merveille, et l’union est d’autant plus symbolique sur ce titre devenant un hymne à la persévérance.
L’alchimie est d’autant plus mise en avant dans le clip, tourné à Miami, qui emprunte à part égale aux codes des clips de rap de la côte ouest – y voir la belle Dodge devant la supérette du coin – et aux codes du reggae. Le résultat est savoureux, à la fois décomplexé et bienveillant !
SÜEÜR – WhoHeyHoHeyHo
En fin d’année, Théo Cholbi, aka SÜEÜR, nous a déposé un petit cadeau sonore sous le sapin, logiquement intitulé WhoHeyHoHeyHo.
Bien sûr, avec Théo, on n’est pas dans la gentille comptine de Noël mais bien un nouvel uppercut pour les esseulés de Décembre, période joyeuse pour certains et bien plus compliqué pour d’autres.
On retrouve toute la rage du garçon, une écriture forte, directe, intense qui nous fait vibrer comme toujours sur une production aux allures chamaniques qui s’élèvent au moment du refrain balancé comme une incantation.
Pour l’accompagner, Théo Cholbi se transforme en Père Noël un peu déglingue, perdu et seul, qui se prend porte fermée sur porte fermée et décide de s’évader comme il le peut.
Un morceau libre et puissant qui annonce une suite musicale toute proche pour SÜEÜR .
Erick the Architect – Ezekiel’s Wheel ft. George Clinton
La hype autour de l’album solo de la moitié du mythique duo New Yorkais Flatbush Zombies ne fait que monter de notre côté ! « Had to pen the verse proper, so they can’t deny the shit » Ce nouvel extrait de I’ve never been here before (album prévu pour le 23 février) démontre une nouvelle fois le flow et les textes intemporels d’Erick the Architect sur ce titre d’une sincérité intense.
Rejoint par la légende de la funk George Clinton, Ezekiel’s Wheel n’est qu’une démonstration d’un style hautement peaufiné sur une prod savoureusement groovy. À l’image du visualizer qui accompagne la sortie du single, ici pas d’artifice mais juste la mise en images d’un style qui déborde d’assurance, et c’est mérité ! Après plusieurs singles réussis, dont Ambrosia avec Channel Tres et Shook Up avec Joey Bada$$, on attend l’album avec impatience.
SLIFT – Weavers’ Weft
Parfois, il faut prendre le temps. Laisser à la Pop ses standards de 3 minutes 30 et le chant dans les 20 premières secondes du morceau. Partir à l’opposé, et construire un monolithe, une pièce qui soit un défi à appréhender pour le commun des mortels.
C’est ce que nous propose SLIFT dans ce single, sans doute le dernier avant la sortie le 19 Janvier de leur nouvel album ILION. On part donc pour dix minutes de voyage, dans une épopée digne de Dune (celui de Lynch en 1984 évidemment, celui qui semble durer huit heures quand on le regarde de nos jours), grâce à un clip dont les ressemblances sont frappantes en termes d’imagerie. Il manque juste un gros aquarium en forme d’aspirateur géant mais sinon on s’y croirait.
Côté musique, il s’agit là du morceau principal de l’album et on le comprend vite : c’est grandiose, c’est dense, c’est puissant. On se laisse très facilement emporter par la combinaison entre le morceau et son clip et on ne peut que saluer le travail réalisé. Vivement donc la sortie de ce nouvel album, qu’on attend de pied ferme.
Buck Meek – Cuero Dudes
Saisi par le froid et quelque peu déprimé par le ciel gris de Paris, on découvre avec bonheur le dernier single de Buck Meek. Cet artiste américain au style folk et accents rock, a enregistré il y a peu l’album Haunted Montain. Le single Cuero Dudes en est un bonus, voilà de quoi égailler notre journée.
Comme plongé dans leur studio d’enregistrement, invité à un concert intimiste en plein milieu d’après-midi, on découvre une bande de copains en train de faire de la musique. Du grain, une lumière chaude et réconfortante, les motifs aux couleurs désaturées.. On se sent bien là, presque installé sur un canapé d’un cuir un peu délavé, vieilli par le temps. On s’approche des musiciens. Il y a un sentiment de déjà vu, un environnement familier. À travers ce titre, Buck Meek nous conte ses souvenirs, la joie et simplicité du moment présent remplacent rapidement la nostalgie.
Irène Drésel – Glam
Irène Drésel a su développer une esthétique particulière. Une identité florale, puisque des fleurs, en particulier des roses décorent ses sets. Comme un hommage, le dernier clip de l’artiste électro met à l’honneur une rose. Zélie Durand-Khalifat réalise le clip de Glam. L’illustratrice avait précédemment animé la lyrics video du titre Néant, du duo Bandit Bandit.
On retrouve la patte de l’artiste : une atmosphère mystérieuse, énigmatique, créée par des clairs-obscurs et des halos de lumières. Que vient intensifier le morceau de la première femme a avoir remporté un César de la meilleure musique originale. Glam porte en lui le chic d’une épopée électronique. La scène se déroule dans le Nord de Paris.
Une rose s’échappe de la chapelle Sainte-Rita – icône des causes perdues, abordant sans cesse une rose. Déambulant entre les néons des sex shop, elle se retrouve à un concert d’Irène Drésel, au Trianon. La boucle semble bouclée… ce clip étant le premier d’une trilogie. Affaire à suivre et à regarder de près.
Oaio – Bonbon
Un an après la sortie de son premier album Bizarre Monde, Leslie Ohayon aka Oaio nous dévoile ses souvenirs enfouis au plus profond de sa mémoire. Bonbon a la saveur douce et acidulée du passé qui nous a construit. Une lettre, un petit mot, un dessin, un ancien ticket de cinéma, une entrée pour assister à un combat de catch (Killy contre Demona), un passeport périmé, un flot rose noué, une photo décolorée, autant de babioles accumulées au fil des années dans lesquelles on aime plonger et se ressourcer. Nostalgique et aussi cathartique, la mélodie folk à la guitare égayée par les notes d’un banjo grave en taille-douce nos souvenirs, pour toujours. Kiki Bronx a su mettre en images ce voyage intérieur avec douceur et poésie. Juliette Baron a donné vie aux émotions pour que résonne encore « I Still Love You The Same ». Nous, on apprécie.
Lothar – Via
Alors que les tempêtes Elisa, Frederico ou Géraldine frappent les côtes françaises, Lothar se remémore à notre bon souvenir. Avec Via – dernier single sorti et qui en appellera prochainement d’autres – il continue à avancer inexorablement au milieu du chaos ambiant. Entre un sentiment de révolte et une volonté de résilience face à ce que l’on ne peut maîtriser, il trouve l’espace pour donner de la voix. Via se nourrit de flux sonores qui se rapprochent, s’entrecroisent et s’éloignent, toujours plus rapidement jusqu’à ce qu’ils se superposent et se confondent. Dans le chant de Lothar se tapissent les nombreux personnages qui s’expriment à travers lui.
Tourné sur les dalles de la place de la République à Paris – haut lieu des contestations toujours plus nombreuses et qui se délite au fil des années – le clip suit les figures inabouties d’un skateur. Métaphore des obstacles que l’on rencontre et de la non-renonciation qu’on leur oppose. Des messages subliminaux de plus en plus nombreux percutent les images – « Fuyez le cynisme », « Mangez des légumes », « Respectez vos émotions », « Surfez le chaos » … – pour qu’une prise de conscience salvatrice opère et que l’on puisse regarder « avancer la grande armée des ombres ». Via est le reflet d’une radicalité ancrée dans la volonté profonde de contrôler son destin « Ne croyez pas en l’immuabilité du monde, c’est de la connerie ».
Structures – Strange Feeling
Pourquoi les clips de Structures ont-ils toujours bonne place dans nos sélections ? Sans doute parce qu’il y a un grand soin apporté, la volonté de proposer autre chose, d’offrir des mini-films étranges et sauvages, le genre d’images qui marquent.
Parce que la réalisation de Mladen Teofilović colle parfaitement à la musique du duo; un côté froid, clinique, qui finit fatalement par exploser pour mieux nous surprendre.
Strange Feeling est un morceau qui porte une rage en lui, un monde qui ne correspond à personne et le besoin de trouver une place malgré tout.
Visuellement, on se retrouve à suivre un sosie Est-Européen de Dwight Schrute à la recherche d’un endroit où pouvoir soulager une envie pressante… oui c’est complètement barré et loufoque mais le tout est visuellement impressionnant. Entre la métaphore permanente et le cynisme absolu, on regarde cet étrange histoire se dérouler devant nous en la laissant nous emmener où elle le souhaite.