La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Voici la deuxième partie de notre 216ème sélection.
Corridor – Jump Cut
Vendredi, Corridor a dévoilé son très attendu quatrième album, Mimi. Cinq ans après l’excellent Junior, les montréalais sont de retour plus en forme que jamais avec un album qui prolonge et approfondit leur exigence musicale, gagnant à la fois en maturité et en liberté.
La preuve avec Jump Cut, morceau lancé en éclaireur plus tôt dans la semaine. Guitare acérée, rythme qui ne faiblit jamais, le morceau s’offre le luxe d’un immense pont musical transformant le morceau en véritable expérience psychédélique à l’intensité perpetuelle.
Jump Cut c’est aussi un morceau sur notre rapport à la technologie, l’influence qu’elle prend de plus en plus dans nos existences et le feeling qu’on peut souvent ressentir d’être parfois dépassé et étranger à l’époque dans laquelle on vit.
Pour mettre cette idée en images, le groupe a fait confiance à Winston Hacking, réalisateur dont le talent nous avait déjà bluffé, notamment pour le clip de The Magican pour Andy Shauf ou Ju$t de Run The Jewels.
Proposant comme toujours un univers très graphique mêlant à merveille collage, animation et prises de vue réellees, le clip nous entraîne dans un flot ininterrompu d’images retro-futuristes qui mettent en avant un monde irréel dans lequel on se perd jusqu’à laisser poindre une certaine angoisse.
Corridor sera de passage en Europe en ce mois de mai, avec notamment un show aux incontournables Nuits Botanique. Pour la France, il faudra attendre l’automne avec des concerts prévus un peu partout, notamment à La Maroquinerie, La Lune Des Pirates et l’Aéronef !
DOPAMOON – Chat Dans La Nuit ft. Romain Muller
La nuit, tous les chats sont gris. La nuit, DOPAMOON s’associe à Romain Muller pour nous faire danser comme jamais.
Basse incandescente, percussion au diapason et guitare rythmique parfaite, Chat Dans La Nuit est addictif dès la première écoute et la sensation se renforce au fur et à mesure des écoutes. Comme toujours, il est difficile de résister aux rythmes nonchalants de DOPAMOON et leur manière toujours parfaite de s’associer avec des voix aussi diverses.
Ici, avec Romain Muller, la nuit se transforme en chat, sombre, discrète, se mouvant comme jamais sous les lumières des néons ou les étoiles qui brillent dans le ciel. On laisse nos inhibitions de côté et on part avec ces trois là direction la piste de danse pour y poser nos meilleurs pas de danse, sans se soucier du monde autour de nous.
Cette confiance incandescente, qui pourrait par moment tourner au ridicule, on la ressent parfaitement dans la vidéo de Maëldan Delpy.
Une promenade nocturne et solitaire qui laisse à notre héros la possibilité de se lâcher complétement, d’embrasser complètement la nuit et ce qu’elle nous apporte. Des moments de plaisir simples et directs qu’on a tous vécus (et qu’on risque de vivre à nouveau en écoutant encore et encore Chat dans la nuit)
MARTIN LUMINET – PARDON
Cela faisait longtemps qu’on ne vous avait pas parlé de Martin Luminet. Ca vous avait manqué ? Soyez rassuré, le garçon est de retour, il vient même d’annoncer un Olympia pour le mois de mars 2025 !
Et pour que la fête soit total, il nous dévoile un morceau inédit d’APRÈS DEUIL(S), la réédition de son premier album attendue pour le mois de juin prochain.
Pardon mais parlons, telle est la maxime qui continue de guider la musique de Martin Luminet. Montrer les choses sans jamais les juger, s’inclure dans les problèmes tout en cherchant à être un acteur de la solution. Pardon, c’est un cri d’alerte, une vision de notre époque dans laquelle les curseurs tirent tous vers le pire, comme si on se trouvait des excuses pour tout, dans l’amour, dans la haine, dans l’inaction.
Mais les pardons, comme souvent, perdent de leur puissance à mesure qu’ils se répètent. C’est aussi ça que montre Martin, de manière subtile et ironique, enrobant son message dans un format pop bien senti et superbement produit où la basse fera sans doute bouger les masses mais où les mots viendront frapper les esprits.
Metronomy x Naima Bock x Joshua Idehen – With Balance
Depuis quelques temps, la carrière de Joseph Mount a pris un petit tournant. Il faut dire que le garçon n’a plus grand-chose à prouver, l’exceptionnelle carrière de Metronomy parle pour elle même et lui permet de se libérer et de proposer des choses différentes.
Alors désormais, c’est avec les autres qu’il partage sa musique. C’était déjà le cas avec l’excellent Posse Vol.1 et il faut croire que l’expérience lui a plu puisqu’il vient d’annoncer l’arriver de Posse Vol.2 au mois de juillet, cette fois-ci chez Ninja Tune.
Et un mois après un premier extrait, Metronomy est de retour cette semaine, accompagné de Naima Bock et Joshua Idehen, pour nous offrir le superbe With Balance.
Un morceau faussement apaisé, car si musicalement le morceau joue la carte de la douceur et de la discrétion, il y a des tempêtes qui se jouent dans les paroles. With Balance, c’est une recherche de calme et de paix, d’acceptation et de sentiments qui permettent d’avancer.
Tout le talent de producteur de Mount se joue dans la manière qu’il a d’assembler des univers qui pourraient paraître incompatibles pour certains mais qui se mouvent et s’associent pour former un tout unique dans l’univers de Metronomy.
Une recherche de balance parfaite que l’on retrouve dans ce morceau et dans son clip et son monde en mouvement permanent alors que les personnages qui l’habitent se retrouvent sur une balançoire qui bouge, les entraîne et les apaise, comme un retour à l’enfance et à des sentiments plus simples et purs.
Crumb – The Bug
L’inspiration peut venir de partout, même d’une expérience désagréable avec des punaises de lit … La preuve cette semaine avec le nouveau titre de Crumb, forcément intitulé The Bug.
De cette mésaventure, Lila Ramani a tiré un morceau bien plus tendre, qui vient parler de ces choses qui nous réveillent par surprise dans la nuit, des émotions trop grandes qui se bousculent et foutent un peu le bordel dans nos têtes au point de ne plus vouloir en sortir.
La construction du morceau est complètement centrée autour des rythmes de batteries autour desquelles Crumb construit son morceau pour nous offrir un petit bonheur de pop psychédélique, enivrante et superbement produit.
La vidéo qui l’accompagne met bien entendu l’accent sur les vilaines bébêtes diverses et variées qui habitent notre planète. Le tout est un délire parfois un peu dégoutant et étrange mais qui permet à Crumb de s’amuser visuellement, notamment dans les parties qui multiplient les images comme les yeux où qui prennent des couleurs et des rendus particulier.
Toujours aussi fascinant, Crumb pose tranquillement les briques de son nouvel album attendu pour le 17 mai prochain.
Big Special – Black Dog/White Horse
Black Dog / White Horse est le nouveau single de Big Special ( Chez Silvia Screen Records Ltd), duo britannique ( Joe Hicklin aux paroles et Callum Molonet a la composition musique). Black Dog / White Horse est le second titre du prochain album intitulé Postindustrial Hometown Blues, qui sortira le 10 mai 2024.
Big Special a un style brut qui mélange le rap au post-punk. Black Dog / White Horse est un morceau fort et sombre avec une mélodie rythmée par une introduction percutantes en cordes graves puis arrive la voix envoûtante et émouvante de Joe Hicklin. Black Dog / White Horse trace le chemin de la peur au salut. Joe Hicklin définit Black Dog / White Horse comme une chanson qui parle de la peur, de la rumination, des pensées intrusives et des cycles de dépression.
Le clip Black Dog / White Horse, produit par Big Special met en scène en huis clos l’actrice Kate Dickie (Game of Thrones, Star Wars). Le clip en noir et blanc commence par un plan large de l’actrice qui se resserre progressivement et lentement tel un étau asphyxiant jusqu’à ce plan serré de Kate Dickie qui hurle en silence.
Bonnie Banane – Sacha / Toi Ou Moi?
Tic, tac.. La salle est comble. On retient notre respiration, et, sans plus attendre, le rideau se lève sur le dernier clip de Bonnie Banane, Sacha / Toi Ou Moi?. Une vidéo qui réunit deux singles extraits de Nini, le dernier album de Bonnie. 2 en 1 vous avez dit ?
Le clip, réalisé par Elisa Ribeiro, se dessine dans un univers tout rose, des plumes, avec un petit côté années 20 (même si on s’en souvient peu). Bonnie Banane est le personnage principal, ou plutôt les personnages principaux ! Elle les incarne et les fait vivre à sa manière. La scène est son terrain de jeu. Sur un rythme épuré, quelques percussions et des silences, on découvre « l’amour » en première partie. Elle nous lance un regard perçant, voici Sacha. Celui-ci précède de peu Toi ou Moi?. Aïe alors l’amour n’est pas toujours tout rose ? Qui de nous deux partira le premier ?
Le rythme se transforme et Bonnie Banane apparaît dans l’obscurité. On relève cette habilité, le pont que l’artiste et son équipe parviennent à créer d’un titre à l’autre. Le clip est teinté de malice. On apprécie toutes ces astuces et changements de rythme, le jeu. On est plongé dans une véritable petite histoire. Ainsi, à l’image de Nini et si ce n’est pas déjà fait, on ne peut que vous recommander d’aller écouter le dernier album de Bonnie Banane !
Sydney Sprague – the cards
The Cards est le dernier single de Sydney Sprague de chez Rude Records. Extrait de l’Album « omebody in Hell loves you sorti l’an dernier, The Cards est une jolie chanson mélancolique sur les hauts et les bas de la vie. Ce passage encapsule bien l’essence du titre « There is so much tragedy in the world and it can be hard to make the best of it sometimes, but really all you can do is try. It’s basically just my long-winded way of saying ‘it is what it is » . La mélodie aux airs enfantins et la voix fragile de Sydney Sprague rappelle beaucoup Neopolitan Dreams de Lisa Mitchell.
Le clip est dirigé et filmé par Sébastien Deramat, vidéaste et guitariste de Sydney Sprague. Un clip simple et intimiste en huis clos ou on observe tout le long de la chanson Sydney Sprague assise sur une chaise qui fabrique un château de cartes sur une petite table ronde.
Cassandra Jenkins – Only One
Serait-ce un signe ? Une vague de douceur nous entraîne vers le dernier clip de Cassandra Jenkins, Only One. Cette artiste originaire de New York nous avait séduit par ses sons pops, teintés de folk, tout en légèreté. Only One ne déroge pas à la règle.
Au beau milieu de la ville, il nous arrive parfois de déceler des messages nous rappelant un être cher, ou du passé. C’est ce que nous raconte Cassandra Jenkins à travers ce morceau. Comme si tout nous ramenait à cette personne. Sur un rythme un peu jazz, il y a quelque chose de lumineux et d’évanescent, qui se dessine au fil de l’histoire. L’artiste nous guide, au croisement de deux passages piétons, et on s’arrête sur quelques détails.
3 ans après An Overview on Phenomenal Nature, voilà un nouveau point de convergence. De quoi bien commencer la journée, on apprécie ce dernier projet pour ses belles images et sa douceur.
Emma Peters – Les Armes
Avec des rimes parfois simplistes mais efficace, Emma Peters revient avec Les Armes. Une chanson à toute allure qui évoque l’amour comme protection — au plutôt comme bouclier, pour reprendre la métaphore guerrière — face au monde parfois trop dur. La jeune artiste y évoque les tourments et incertitude de son époque.
Emma Peters évoque aussi sa carrière de chanteuse. Une évocation que les réalisateurs Charlotte Jallat et PH Souquet mettent an avant dans le clip. On y voit Emma Peters en coulisse, s’entrainant à jouer des airs à la guitare, enregistrant au studio ou bien prenant le métro.
Les Armes fait partie des premiers extrait de Toute suite, le prochain album de l’artiste IL sort le 7 juin prochain.
Charles-Baptiste – Grande fille suivi de Grand Garçons
Dernier et double extrait de son très sensible album Grand Enfant, Grande Fille et Grand Garçon explore les liens familiaux, amoureux ou amicaux qui structurent et parfois désorientent nos vies. En s’appuyant sur une ligne mélodique d’une chanson française presque réaliste, édulcorée par les effluves d’une pop romantique, Charles-Baptiste nous fait voyager dans son intimité.
Une scène de théâtre dont on imagine fouler le plancher en incarnant un personnage à moitié nous, à moitié celui que l’on s’imagine être. Un sentiment mélancolique s’immisce inexorablement entre ces deux chansons liées par la mémoire plus implicite qu’explicite d’un poisson rouge. « À qui je manquerais quand je ne serais plus là ? Le poisson rouge se souviendra ».
Charlotte KJ Fox a réussi à mettre en images cette double chanson en captant les émotions qu’elle porte. Un ballet de jeux de regards qui presque jamais ne se croisent, que l’on sent profonds (aiguisés par le désir) et désemparés (frappés de la solitude).