La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont à la fois fait vibrer ses yeux et trembler ses oreilles. Le neuvième épisode, c’est maintenant.
Ryder the eagle – Free porn
Il se décrit comme un « dirty crooner, restless biker, dedicated lover ». Ce french cowboy se plaît en effet à jouer avec le cliché du crooner en combinant à son image sexy celle de l’amoureux malheureux et du rider perdu. S’il affirmait à travers le deux-titres S.A.W.M.H (pour She’s already won my heart) sorti en 2017 It’s all about the music, Ryder the Eagle semble se raviser dans ses morceaux plus récents, gravitant davantage autour des thématiques des relations sentimentales et contacts sensuels. À travers ses opus S.A.W.M.H, The Ride of Love et Free porn, il nous conte des histoires d’amours torturées dans lesquelles il se met à nu sans complexe, comme autant de chapitres d’un roman initiatique contemporain. On suit Ryder the Eagle sur la route dans sa quête identitaire, se livrant tout entier dans des compositions ayant pour sujets récurrents l’amour et le sexe. Avec Free Porn, c’est cette fois littéralement qu’il se met à nu. Ici, il se confronte à sa solitude et, seul dans son van et sans argent, le rider vagabond trouve comme consolation la pornographie, évoquant les plaisirs solitaires en rempart aux errances solitaires. Le showman aux allures de cowboy explique effectivement en accompagnement du clip, dirigé par Rodrigue Huart, qu’il s’est mis à nu dans sa musique face à des salles parfois à demi remplies ou peu réceptives en évoquant l’amour et le sexe, et plaisante en disant avoir décidé de se mettre au porno. Dans une vidéo crue, il se met en scène dans un casting pour film X, la ponctuant de danses comiques illustrant son autodérision. Fougueux et décomplexé, Ryder the Eagle rappelle dans ses chansons que la vie ne se résume pas aux douces idylles, mais également aux ardeurs charnelles et à la violence des sentiments.
Bakari – Mélodie
Bakari, c’est encore un des nombreux talents émergents de la scène rap belge. À seulement 23 ans, il est signé chez Columbia et son nom commence à se répandre un peu partout. Il a à son actif seulement un EP, et est revenu cette semaine avec le clip de Mélodie. Vidéo aux allures street mais chargée de bonne humeur, représentant l’univers du rappeur. Le son est quant à lui plus mélodieux, ce qui tranche avec l’atmosphère « bon enfant » du visuel. Le montage apporte une touche plus réelle au clip, avec des effets de caméra bien gérés. Amateur de drogues douces, on ressent bien à travers les lyrics et le clip le rôle central de l’herbe dans la vie du Liégeois. Le clip et le morceau collent à la perfection entre eux, en nous plongeant dans la vie de l’artiste. Maintenant qu’on sait de quoi il est capable, le futur nous dira si cela lui réussira.
Marty De Lutèce – Comment Faire
Artiste Lyonnais, issu du groupe Lutèce (d’où son nom en solo, NDLR), Marty c’est un de ces rappeurs ne se limitant pas aux codes du rap mais qui aime aller creuser dans divers styles musicaux comme la pop et même les sonorités garage, propres à la musique anglaise. Ce qui est le cas dans son dernier clip Comment Faire, réalisé par Guillaume Doubet, réalisateur du clip de Shay et Niska. Il a ici signé un clip au grain, et pas seulement parce que le visuel vintage a été employé durant tout le clip mais aussi parce que l’esthétisme de cette vidéo est à souligner. Mis dans la peau d’un photographe, l’artiste est tour à tour en plein shooting et en train d’analyser ses clichés, montrant ainsi le métier de photographe sous différentes facettes. Morceau tourné vers l’amour, ce qui est aussi représenté dans le clip, l’artiste étant assez proche de son modèle. Alors la photo c’est quoi, juste un thème de clip, une passion, un futur projet, dis-nous Marty !
Coldplay – Orphans
Depuis maintenant plusieurs années, Coldplay divise. Pour autant, le groupe s’est gardé un public assez fidèle. De notre côté, chaque nouveau titre de Chris Martin et sa bande nous laisse indécis et dans une ambivalence monstrueuse. D’un côté, on ne peut renier le groupe qui nous a fait tomber amoureux de la musique avec des Trouble ou encore The Scientist qui tournaient en boucle sur notre walkman, effet madeleine de Proust à la moindre écoute. De l’autre côté, on ne peut s’empêcher d’avoir le poil qui se hérisse (et pas dans le bon sens du terme) à l’écoute de leurs derniers titres beaucoup plus pop-commerciale qui n’ont de cesse de nous décevoir mais que l’on a pourtant acclamé et chanté en live au Stade de France… Orphans, titre du prochain album Everyday Life prévu pour le 22 novembre, remplit ici toutes les cases de cette ambivalence. On découvre avec plaisir la voix si caractéristique de Chris Martin qui pose les premières notes du titre sur un fond de guitare acoustique. Puis, à la fin du clip, toute la production pop retentit et le cœur n’y est plus. On vous laisse choisir votre camp, on reste quant à nous dans l’angoisse de l’entre-deux.
Euphonik – Deuxième Sexe
Deuxième sexe, le dernier clip d’Euphonik ou comment par de vieux discours sur ce qu’est la femme sur fond des portraits de trois jeunes femmes le rappeur déclame un texte où il prend la place d’une femme dans notre société actuelle. Énumérant tous les problèmes, stéréotypes et injustices liés à la condition de femme. Le clip est malheureusement purement esthétique, mettant en scène 3 jeunes femmes qu’on suit sur plusieurs moments du clips, qui s’amusent en faisant des “trucs de garçon”, bras de fer, pisser dans des urinoirs, le reste n’étant que des plans courts sur des femmes aux allures de mannequins. Un peu dommage tant il fait plaisir de voir un homme écrire si bien un texte où toute femme réussira à se retrouver dans plusieurs passages. Un texte fort et féministe. Comme il conclut lui-même, on retiendra “qu’il y a des hommes qui luttent pour le deuxième sexe”.
Saintard – Je ne suis pas américain
Saintard, on l’aime bien, on aime bien son univers et surtout son humour. Tourner le clip de Je ne suis pas américain dans un blockhaus de la seconde guerre mondiale a quand même tout de la farce du sale gosse. Mais le clip de Nicolas Pidoux et Datis Balaï est bien plus malin que ça, jouant avec une pointe de surréalisme sur les clichés et fantasmes pour nous emmener dans un univers à mi-chemin entre le rêve et la réalité. Des ambiances folles qui collent parfaitement à ce titre tout en mouvement, qui donne une pêche absolument dingue entre sa guitare qui groove et ce saxophone qui fait tout le sel de la musique de Saintard. Calor, son EP, est sorti ce vendredi et il risque bien de réchauffer tout notre automne.
VIMALA – Spectre
Nous avons tous un spectre qui vit avec nous. Il s’étend dans notre ombre, il se cache dans la pénombre, mais il existe, présent derrière notre épaule, susurrant par moment des mots de réconfort ou de haine, selon notre état. Une partie de nous, distante mais présente qui influe de manière indirecte sur notre quotidien. C’est cette idée qu’à voulu transmettre VIMALA avec son nouveau titre Spectre, ballade atmosphérique, vaporeuse et nocturne qui nous entraîne dans des territoires mentaux et doux, portée par une voix proche de la soul planant sur des nappes électroniques cotonneuses . Cette idée se renforce avec les images d’Adrien Casalis, filmées au drone comme une balade étrange au-dessus de territoires désolés, comme la découverte d’une nouvelle planète au-dessus de laquelle on plane tel un spectre, nous rendant spectateur et observateur des événements qui nous entourent. VIMALA a annoncé son nouvel EP Stromboli qui ne devrait pas tarder à débarqué dans vos oreilles. En attendant, on vous laisse avec votre spectre.
Aedan – HORIZON
Est-ce la terre ? Est-ce un monde éloigné ? Nous ne le savons pas, mais Aedan nous plonge en moins de 3 minutes dans un univers futuriste et à la puissance visuelle très évocatrice où l’on suit un personnage féminin dont on ne sait que peu de choses et aux pouvoirs étranges qui se promène dans des terres où la nature a repris ses droits et l’humanité (si c’est la Terre dont on parle) semble avoir disparu. Un clip sublime tout en animation de Pierre Forestier & Gregory Lozach qui permet de mettre en avant le nouveau titre d’Aedan, Horizon, ode électronique et instrumentale qui n’hésite pas à virer vers l’épique et qui colle à la perfection à ces images spatiales et puissantes. Une première vidéo d’un projet plus large ? L’artiste vient de dévoiler son nouvel EP Microclimat et on le voit parfaitement continuer à raconter l’histoire de ce personnage énigmatique à travers de futures vidéos.
Arche – Back To The Sun
L’automne est bien installé, pourtant une bande de petits chenapans résiste et veut encore et toujours prolonger l’été, pour notre plus grand plaisir avouons-le. Ces petits voyous météorologiques se nomment Arche, ils sont quatre et ils sont bien décidés à nous faire danser et à ramener le soleil, un peu logique quand on sort un titre qui s’appelle Back To The Sun. La pop de ces lyonnais ravit nos cœurs mélancoliques avec des arrangements entre guitare et synthétiseurs qui nous font sévèrement bouger les pieds et la tête. Pour leur vidéo, ils nous emmènent dans le sud de la France en mode plage et pédalo, chemise ouverte et petite chorégraphie, le tout filmé par Arthur Moget déjà à la réalisation pour My Only. Une manière idéale de nous faire patienter jusqu’au 29 novembre, date de sortie de Le A, leur premier EP.
Leonard Cohen – Happens to the Heart
Une vie entière n’était pas suffisante pour partager toutes les merveilles que Leonard Cohen avait à nous proposer. Happens to the Heart apparaîtra ainsi sur l’album posthume de l’artiste : Thanks for the Dance. Il s’agit d’un projet mis en place par le fils du défunt chanteur, Adam Cohen, dans lequel nous retrouverons beaucoup de collaborations avec de grands noms tels que Damien Rice, Bryce Dessner (The National)… Une fois de plus, on se retrouve bercé voire hanté par la voix sombre du chanteur. Ici, le rythme de croisière de la chanson est si lent qu’il semble presque parler, comme s’il nous racontait une histoire, un poème. Le clip, réalisé par Daniel Askill, s’inspire de l’expérience de Cohen en tant que moine bouddhiste.
Theo Lawrence – Prairie Fire
Le jeune chanteur franco-canadien ne cesse de nous séduire avec sa voix de crooner. Il nous propose ici une alliance entre folk, country et bluegrass dans un titre qui sonne très américain : Prairie Fire. C’est pourtant en Corée du Sud qu’il a choisi d’illustrer cette ambiance américaine. Issu de son nouvel album, Sauce Piquante, qui est sorti ce 25 octobre, Prarie Fire raconte l’histoire d’une vengeance, une « murder ballad ». Un mec au cœur brisé, prêt à tout pour détruire ceux qui l’ont détruit, allant même jusqu’à brûler son ancien chez-soi. Theo Lawrence était de passage ce lundi à Paris, mais pas de panique, si vous êtes passés à côté de la date, il revient fin janvier à La Maroquinerie !
Godzilla Overkill – Comme un amour krokodil
Songe d’une nuit d’automne. Dans la chambre d’un couvent, un homme fait face à l’image d’une vierge. Son esprit divague et l’emmène vers un monde de fantasme où le feu et les éclairs se mélangent à des images de plus en plus lentes, de plus en plus floues. L’onirisme et le religieux se mélangent, se confrontent à la crudité du monde pour se transformer en espoir lumineux d’un amour impossible qui finit pourtant par se réaliser. Cette idée, cette photographie sublime, réalisée par Lola Margrain pour le titre Comme un amour krokodil, Godzilla Overkill a pu la réaliser grâce au financement participatif (on a mis des billes et on ne le regrette vraiment pas). Comme un amour krokodil, pièce finale et superbe de son intense Padre Pio, est un titre rempli d’espoir, cru mais jamais vulgaire qui donne l’envie d’aimer et de se battre face à la saloperie du monde. Car si l’amour tue, il sauve aussi. Et c’est cette seconde idée qu’on a envie de retenir.
Pethrol – Corps-eau
Quand on est différent, on est toujours seul. On a beau chercher encore et encore, tenter de s’approcher, rêver d’une rencontre, quand on est ailleurs, on finit toujours par se retrouver rejeté et on finit par errer à la recherche de quelqu’un qui finira par nous accepter tel que l’on est, qui finira par voir en nous l’humanité qu’on cherche en vain à faire exister. On n’est pas sûr que c’est ce que Pethrol a voulu développer dans son Corps-eau, mais c’est en tout cas ce que la vidéo d’Emma Leroux nous a fait ressentir. Un sentiment profond de solitude et de mélancolie, sans doute un reflet de ce que l’on peut vivre nous-même, pas forcément à la plage mais dans une grande ville qui ne veut pas de nous et qui finit par nous faire sentir comme une pierre qui devrait tomber dans l’eau ou comme une bête de foire que l’on capture jusqu’à chercher à s’en débarrasser, lorsque l’on a fini de s’amuser avec elle. Musicalement, le duo développe une dream-pop aérienne subtile, où les voix se mêlent, où la douceur se diffuse sur une guitare légère et des beats cajoleurs pour une porte ouverte à Terre, nouvel album à paraître en 2020.
JAFFNA – Playground
La quête de soi semble être une thématique porteuse cette semaine. Chez JAFFNA, elle revêt un côté plus lumineux à travers l’histoire de Mihiran, jeune garçon passionné par la danse traditionnelle de son pays, danse normalement réservée aux femmes car elle nécessite le port de maquillage et de bijoux. Face au poids des traditions et à la désapprobation familiale, Mihiran s’enfuit et s’éloigne du poids de son entourage pour vivre sa passion partout où il le peut, entraînant avec lui les rencontres qu’il fait au fur et à mesure de sa balade. Alexandre Degardin transforme ainsi Playground en ode à l’humanité, à l’acceptation et au vivre ensemble, pour une vidéo remplie de sincérité et de lumière à l’image du titre qu’elle met en image.
Toukan Toukän – C’est Merveilleux
Voyage-voyage avec Toukan Toukän. Direction Singapour pour le clip de C’est Merveilleux. Réalisé par Geoffroy Virgery, la vidéo suit les pérégrinations du duo dans la cité-état pour un résultat à l’image de leur musique : pétillant, coloré et qui fait vibrer la vie du meilleur côté possible. En anglais et en français, le duo s’évade et nous emmène avec lui dans son petit monde joyeux (quoique si l’on écoute bien le refrain…) qui nous permet pendant trois minutes de laisser de côté les soucis de l’existence, de voir le sourire grandir sur notre visage. Après tout, n’est-ce pas ce qu’on demande à une bonne pop song ? Avec Toukan Toukän, la vie c’est merveilleux.
Buvette – True Stories
Buvette c’est un ami intime qu’on aime retrouver au détour de ses clips tous aussi loufoques les uns que les autres, comme un rendez-vous bizarre et chaleureux venant briser notre routine. Dans True Stories, il est question de miracle, de changer de l’eau en vin, d’un homme aveugle qui retrouve la vision. Alors imaginez-vous le miracle de retrouver la vision et tomber sur ce clip comme première image après le noir abyssal de la cécité, eh bien vous allez tout simplement penser être devenu fou. C’est dans un hôtel dans lequel ne réside aucune âme que l’on assiste aux apparitions multiples de l’artiste, aussi bien dans un café que dans une poire, au bord d’une piscine dans des fleurs, dans un ventilateur et des magazines ou encore sur des portes de garages. Ces apparitions succinctes, c’est Charles Negre qui les a orchestrées, l’on s’habituerait presque à vivre en permanence avec ce visage mystique, nous accompagnant dans chacune de nos actions. On est bien content de retrouver l’excellent Buvette plusieurs mois après la sortie de son EP Life, et on aimerait croire au miracle d’un nouvel album en préparation. Alors, vous prendrez bien un peu de Buvette dans vos oeufs au plat ?
Cavale – Future
Le noir complet, des formes étranges, une respiration inquiètante puis le silence… avant l’explosion. Ainsi démarre l’aventure Cavale qui a dévoilé cette semaine son première titre Future. Le pied sur la pédale de l’accélérateur, Cavale fonce à toute blinde dans une indie-pop qui n’oublie jamais les guitares qui claquent, les rythmes puissants et surtout le besoin impérieux de nous faire danser. Un titre qui invite au relâchement et à l’osmose avec la musique qui nous entoure. Le clip de Claudia Bortolino nous emmène dans un hôtel étrange, où les bouches sont grandes et les yeux immenses, où le dancefloor nous entraîne dans cet univers fantasmagorique aussi étrange qu’attirant. Cavale nous prévient, elle nous le répète, le futur sera sien. On a bien envie de la croire et on est certain que son premier album nous le démontrera définitivement.
Milky Chance – Rush feat. Témé Tan
Après Coldplay, c’est un autre groupe surprenant qui viendra conclure notre sélection des clips de la semaine. Il faut dire qu’on avait un peu oublié Milky Chance et que c’est plutôt la mention d’un featuring avec Témé Tan qui nous aura attiré vers leur Rush. Même si le featuring tant attendu ne dure qu’une dizaine de secondes, les allemands auront réussi à nous surprendre et à nous ramener vers leur univers qui a bien évolué, loin de la folk dans laquelle on voulait les coller. Le duo propose une power-pop rythmée et entêtante avec un refrain qui s’accroche dès les premières écoutes à nos oreilles pour ne plus les quitter. Surtout, ils offrent à leur titre une sublime vidéo réalisée par Fabian Podeszwa qui joue du stop-motion et des animations pour un résultat qui n’est pas sans rappeler le travail de Michel Gondry. De quoi nous donner envie de découvrir Mind The Moon prévu pour le 15 novembre et de les retrouver à l’Olympia en février 2020.