Quatre ans après Orages, Anne-Claire Ducoudray alias Clou revient avec A l’évidence. La tempête est passée, le ciel s’est éclairci et l’horizon s’est dégagé pour Clou qui nous dévoile un album empli de douceur et de lumière, même dans les heures sombres. Un soleil à minuit qui viendra tôt ou tard vous réchauffer le cœur.
On suit Clou depuis le début de sa carrière musicale. Ses 2 EP et son premier album Orages nous avaient conquis, alors on attendait évidemment la suite, comme esquissée dans Tomorrow, le magnifique dernier titre d’Orages. Clou semblait avoir trouvé le calme après la tempête et, rappelez-vous, terminait l’album par l’adage Ad augusta per angusta, qu’on peut traduire par « vers les sommets, les petits chemins ».
Du chemin, Clou en a beaucoup parcouru en 4 ans, au gré des différents projets et rencontres dont elle a pu se nourrir. Du chemin qui la rapproche tranquillement, patiemment et logiquement des sommets en nous livrant un nouvel album qui, à n’en pas douter, marquera le paysage de la chanson française.
Transcender la réalité pour en faire émerger la beauté
L’artiste continue de se dévoiler tout au long des 11 morceaux qui composent A l’évidence. Des textes intimes, vrais et sincères, sur des sujets parfois difficiles mais qui ne tombent jamais dans le pathos. Clou ne s’apitoie pas, elle avance en transcendant ses maux et ses blessures pour aller vers le beau. Les textes sont magnifiés par les sons pop essentiellement acoustiques et cousus main de Stan Neff, le réalisateur de l’album.
Les 3 premiers extraits de l’album en ont dévoilé l’ADN, assez solaire. Mon épaule, le premier single, ouvre l’album par la voix cristalline de Clou accompagnée d’une guitare, l’instrument dominant du morceau. Viennent ensuite une batterie aussi discrète que le piano, puis un violoncelle enveloppant. Mon épaule – petit clin d’œil à Albin de la Simone – est une ode à l’amitié, une valeur cardinale pour Clou. « C’est une chanson qui faisait l’unanimité parce que le message était limpide, à la fois très positif et très vrai. Sans mes amis, j’aurais pas pu faire l’album, j’aurais pas pu faire ce métier. »
Des bleus invisibles qu’il faut dépasser
A l’évidence, le 2e extrait dévoilé qui a aussi donné son nom à l’album, nous embarque dans des sonorités très bossa nova. Les voix de Clou nous donnent instantanément envie de nous déhancher au son de la guitare, de la batterie et du piano. Clou y parle des rencontres : « Dans un premier rendez-vous, tu sais dans les 30 premières secondes, dans les 10 secondes, si oui ou non ça va bien se passer ou pas. C’est très bizarre. Y a une alchimie qui se crée ou pas. Je trouve ça assez beau parce que ça nous échappe complètement. »
Bleus, le troisième extrait, est le morceau le plus intime de l’album. Le piano et les cordes viennent compléter la mélancolie des paroles et nous rappellent l’univers d’Alain Souchon. « C’est une chanson qui n’est pas facile, je sais pas comment je vais la chanter en live ! Ça vient d’une expression de ma mère qui disait que j’étais couverte de bleus invisibles. Ça se voit pas de prime abord, mais j’en ai pas mal et il faut les dépasser. Parfois d’en parler, ça fait du bien aussi. »
Chant de Noël, le cantique cathartique
Une écriture cathartique, comme dans A l’arrière où il est question de son enfance et de la violence ordinaire instillée par son père. Ou encore dans Chant de noël, un morceau épique écrit au départ comme un cantique, dans lequel Clou trouve le courage salvateur de refuser de passer Noël en famille, même si cela signifie être seule. Les oreilles affûtées repèreront une référence à Régina Spektor dans les alléluias qui ponctuent le morceau. Retravaillée sur des rythmes reggae, la chanson a changé de perspective est devenue une farce sérieuse, légère mais lourde de sens, d’une franche délicatesse.
L’art du contraste, Clou le manie presque inconsciemment : « On a tous un combat qu’on mène contre quelque chose d’un peu sombre. Et j’ai pas du tout envie que ça pèse, et ma manière à moi de raconter tout ça c’est de faire des mélodies assez enjouées, positives, rythmées, parce que c’est ce que j’aime aussi. »
Un rapport très anglo-saxon à l’écriture
La force de Clou, c’est aussi son écriture ciselée, même si elle entretient un rapport très anglo-saxon aux mots, à leurs sonorités et à leur manière de danser ensemble, un peu à la façon de Gainsbourg. Les mots sonnent précisément, la musique danse et les images défilent, comme au cinéma. On imagine et on voyage : une plage inondée de soleil avec une légère brise dans Laisser l’été, au coin du feu pelotonné dans un pull à la douceur réconfortante avec Cardigan, au milieu des voyageurs affairés dans Gare de Lyon, dans un film de Despleschin avec Chant de Noël.
Cette capacité à faire naître les images vient sans doute en partie de sa passion pour le dessin. On en retrouve d’ailleurs beaucoup dans la pochette, comme c’était déjà le cas dans Orages : le studio de Stan Neff, la vue depuis une fenêtre de son appartement… Clou croque des scènes de vie, des rêves, des sentiments. Le trait est minutieux, détaillé, avec une certaine rondeur, à l’image de ses chansons. Tout comme la musique, l’écriture et le théâtre, le dessin fait partie intégrante de son art. Le choix de l’encre de Chine, indélébile, grave ses émotions dans l’éternité.
Clou nous livre un 2e opus magnifique, d’où se dégagent à la fois sérénité, courage, résilience, liberté et joie. Telle une alchimiste du bonheur retrouvé, Clou réussit à transcender les épreuves qu’elle traverse pour en faire émerger la beauté. Dans Gare de Lyon, elle s’interroge, pleine de doutes « Je ne sais pas à quoi je sers ici-bàs ? » On a la réponse : à enchanter le monde et à nous montrer le chemin vers la lumière.
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