Cloudy Heads est un groupe franco-britannique né en pleine crise Covid. Après deux EP (Trying To Orbit The Sun paru en février 2021 et What Now ? en avril 2022), le quatuor s’est enfermé en studio durant l’été 2022 pour se lancer dans la réalisation d’un premier album qui verra le jour en février dernier. Back to Equilibrium comporte 10 titres explorant un rock brut et des ambiances rock progressif inspirées par les années 1970.
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Et c’est bien cette ambiance quasi-psychédélique que l’on rencontre dès le morceau d’ouverture d’un peu plus de 6 minutes ; Yellow To Grey. Ca plane très haut et les rockers les plus old school trouveront dès les premières minutes une influence non dissimulée : Pink Floyd. Les guitares rugissent et ce n’est que le début.
On prend un autre chemin, plus énergique, rythmé, plus contemporain avec Clarify Your Intentions qui n’est pas sans rappeler les groupes indie des années 2000. Si Yellow To Grey invitait à la planitude, Clarify Your Intentions est plus terrien, les baskets aux pieds pour faire quelques sauts et pourquoi pas initier quelques pogos.
Sur Blue, la voix de Ian Robertson nous ferait presque penser à celle d’Adam Levine, leader charismatique des Maroon 5. Morceau le plus ancien du quatuor, il en impose parce que justement très riche dans sa composition. Le morceau est complexe, comme structuré en deux parties nettes. Quand on vous dit que Cloudy Heads explore les sonorités, c’est typiquement ce qui se passe sur Blue. Un côté très rock de la fin des années 1990 côtoie celui des années 1970 dans un seul et même morceau sans que les oreilles s’en trouvent troublées.
Jusque là très discret, le piano trouve sa place sur le doux I Wish. Une chanson presque intime qui revient sur la vie d’artiste, sans artifice.
Guess I’m Losing sort du décor rock pour une approche plus accessible – on était tentés de dire mainstream mais c’est trop connoté et ce n’est pas l’idée -. Le groupe qualifie lui-même la chanson d’« haussement d’épaules stoïque » et sans grande prétention, il nous entraine dans une mélancolie heureuse. Celle dont on se relève sans s’appesantir, parce qu’elle ne le mérite pas.
On avait laissé le piano sur I Wish et on le retrouve sur Is It What It Is. Un morceau puissant qui pourrait rappeler le jeu d’un certain Jamie Cullum. Une envolée dans un ailleurs qui n’est pas rock. Ce n’est pas une balade, c’est une rêverie. Il n’y a pas de genre que l’on puisse associer à ce morceau particulièrement atypique de l’album.
What Now ? offre un morceau éclaircie – et pile au moment où j’écris cette chronique, c’est ce qui se produit ! -. Jusqu’ici, il n’y avait rien de foncièrement ténébreux mais il donne l’impression d’une légèreté retrouvée, libération.
Et après ce qu’on qualifierait de reprises de souffle, de respirations, The Belly Of The Whale reprend des couleurs, un dynamisme rock avec ses guitares affutées qui se réinstalle progressivement à la manière d’un MUSE.
Alors qu’on avait identifié les respirations plus tôt, Cloudy Heads l’identifie clairement avec Easy où la voix de Ian Robertson se repose pour une vraie balade hors des sentiers. C’est l’avant-dernière de l’album et pourtant elle donne l’impression de clore le voyage. Elle a quelque chose de l’ordre du générique de fin non pas d’un film mais d’un épisode d’une série. Pas de l’ordre du grand final. Non, il reste encore quelque chose à voir.
Et c’est ce quelque chose à voir qui arrive pour de bon avec See The Albatross où le groupe clôt l’album avec un nouveau morceau fleuve. On se rapproche un peu plus d’un Thom Yorke. Telle une peinture aspergée encore dégoulinante sur les murs, les humeurs sont plus fortes. See The Albatross n’est pas le morceau le plus caractéristique de ce que les Cloudy Heads savent faire mais il donne le ton d’une puissance qu’ils n’avaient pas encore exploré.
Avec Back to Equilibrium les Cloudy Heads confirment une identité sonore authentique très riche et variée. Un équilibre clairement trouvé. On prend des chemins originels, on déroute à mi-parcours pour mieux s’envoler dans des vallées fleuries. Dix morceaux qui témoignent d’influences très fortes. Ils sont jeunes et ont déjà compris les codes de leurs aînés et habilement ils parviennent à les distordre. Le groupe arpentera les routes d’Île de France dès le 9 avril au Truskel et fera un passage au Off du Printemps de Bourges le 24 avril prochain.