Cœur : la douce brutalité de Martin Luminet

L’Homme est un être sensible. Certains refoulent ou nient cette sensibilité, par honte ou ignorance parfois. C’est un trait propre à chaque individu, que l’on partage secrètement, en l’assumant partiellement. Une qualité qui nous rend réceptif aux blessures de l’autre et à l’origine d’une empathie dont il est déconseillé de se défaire. C’est d’ailleurs ce que l’on a pu constater à l’écoute du premier single de Martin Luminet, sobrement intitulé Cœur. Le cœur, c’est cet organe précieux, moteur de vie, capable du meilleur comme du pire, qui se révèle étonnamment bavard lorsqu’il est confronté aux sentiments que l’on évite, qui bat la chamade et laisse les papillons s’envoler. Mais il peut être difficile aussi, borné également tant il peut se montrer indécis, traître et malhonnête, le plus souvent sans l’ombre d’un remord. Un cœur envers lequel Martin éprouve rancune et aversion dans ce premier single issu d’un EP à paraître l’année prochaine. Un titre percutant qui mêle son intimité à la nôtre et évoque quelque chose de familier en nous. Un morceau où il semble comme déverser un trop plein qui s’accumulait en lui et que seule la musique pouvait sauver.

crédit photo : Chloé Nicosia

Avant de nous dévoiler ce titre, Martin avait déjà commencé à tisser quelques premiers fils avec un public averti, lequel devait s’impatienter de pouvoir écouter sans relâche ses morceaux sous un format plus intimiste. Un public dont la taille ne cessera d’accroître dans les mois à venir tant la poésie de Martin nous submerge d’émotions indescriptibles. Car au delà de son franc-parler et la justesse de ses mots, il présente un univers qui déborde de lumière, de beauté et d’une bienveillance malgré les conséquences de mésaventures révolues mais qui laissent leurs cicatrices. D’une main de maître, l’artiste lyonnais co-réalise son clip aux côtés de Joris Fleurot. Un clip perçu comme une extension de ses émotions, où les images naviguent parmi les mots. C’est avec justesse qu’il sélectionne ainsi des extraits de cinéma, laissant d’abord supposer un goût certain et une place à une simultanéité parfaite, où les mots et les images se répondent, se mêlent idéalement sous fond de tons chauds rappelant l’esthétique de Winding Refn. Des visuels qui en l’espace de quelques minutes, dévoilent une hargne qui va crescendo, accentuée par une instrumentation délicate avec ce piano aux notes qui oscillent entre le drame et l’espoir, l’impossible et l’infini. La colère s’embrase, le trop plein est évacué, tout se consume puis la chaleur suffocante se fait alors taire, laissant place au calme après une tempête tumultueuse.

La mécanique du cœur est difficile à entretenir, parfois elle tourne à toute vitesse puis un jour, elle se met à rouiller. Alors on fait le nécessaire pour que tout revienne à la normale mais elle s’use, indépendamment de nous, marquée par des excès incontrôlés. On l’arrange avec minutie, on s’obstine à connaître l’infini de ses possibles puis on le regrette car on se rend compte que elle aussi, a ses limites. Le cœur est une mécanique contenue dans cette cage qu’est notre corps, elle cohabite avec l’esprit, lequel ne va pas toujours de pair avec ces derniers. Des faits difficiles à rendre intelligibles mais sur lesquels Martin Luminet parvient à mettre des mots. Avec Cœur, il aura ainsi dévoilé une vérité brutale ,une amertume que l’on éprouve sans cesse envers un cœur maladroit, incertain, invaincu mais malgré tout, fragile. Un premier single dont l’éloquence, la poésie intemporelle, les mots crus touchent et lui présagent d’ores et déjà un futur radieux.