En début d’année, nous avons eu le plaisir de croiser Coline Rio au BISE FESTIVAL. L’occasion d’une conversation pour faire le pont entre Lourd et Délicat et Ce qu’il restera de nous. On a parlé de sa voix, de sa relation au piano, de son évolution et de ses textes.
La Face B : Salut Coline, comment ça va ?
Coline Rio : Eh bien…ça va. Je suis un peu fatiguée, honnêtement. Mais ça va.
LFB : Comment as-tu vécu cette première date avant l’album ?
Coline Rio : Plein de choses. J’ai d’abord commencé par flipper de peur quand on démarré le concert. Mais vraiment. C’était la première fois que ça m’arrivait parce que c’est la première fis que je joue avec le clip dans les oreilles, les séquences… je sors de résidence, on vient de mettre en place les nouveaux arrangements, il y a un morceau de l’album qui a été ajouté aussi. C’était un premier grand pas et donc j’ai ressenti plein de choses. D’abord la peur, puis je me sentais bien, j’ai kiffé et puis la prod s’est installée à un moment inattendu donc j’ai eu encore peur…mais ça l’a fait quand même. Des supers bons moments de manière générale mais avec des montagnes russes, tu vois. Mais globalement c’était plutôt très bon. J’ai kiffé.
LFB : On va parler de l’EP mais il y a donc eu un moment de transition, puisque tu vas sortir ton premier album. Ton premier EP t’a-t-il libérée ? Ton premier projet personnel en fait.
Coline Rio : Ben écoute…première prise de parole, confirmation du fait que je lance mon premier projet solo donc une grosse libération. Ce sont les prémices de l’album puisqu’il y a deux titres de l’EP qui seront dans l’album… c’est un premier « step », comme là le premier step du Live.
LFB : Lourd et délicat, est-ce qu’il s’agit des deux mots qui représentent le mieux pour toi ce que tu as envie de dire quand tu as sorti ta musique ?
Coline Rio : Oui c’est vrai, il y avait quelque chose d’ambigu, de double aussi avec ce que j’ai pu représenter à travers Inuit car je kiffe être sur scène avec Inuit pour le « côté feu ». Je saute partout, je crie. Mais il y a aussi cette autre part de moi qui existe, qui est plus délicate, timide, réservée et puis la part sociale aussi, la vraie partie que je montre. Et je voulais que cet EP parle de ces choses-là, du fait qu’on puisse être double et c’est quelque chose que j’avais vraiment envie d’assumer dans mon projet.
LFB : Justement, au cœur de l’EP il y a ce titre qui s’appelle On m’a dit qui pour moi est la vraie déclaration d’intention de ce que tu viens de dire, qui dit un peu « je suis comme ça et je ne vais pas changer ».
Coline Rio : Complètement ! Et, je suis comme ça aujourd’hui et je serai qui je veux demain. Le projet peut évoluer et je me donnerai toutes les libertés et c’est pour ça que j’ai sorti un piano/voix en premier extrait de l’album et j’ai terminé par On m’a dit qui est un morceau beaucoup plus pop, un mélange d’électronique et d’acoustique mais plus rythmé. Et je veux garder ça, quelque chose d’un peu hybride. On m’a dit est une affirmation de soit qui dit que je ne suis pas que douce. Il faut juste être comme on est. C’est un vrai chemin, même pour soi-même.
LFB : N’y a-t-il pas quelque chose de terrifiant d’être aux commandes de ta propre barque ? D’être toute seule sur un projet pour la première fois ?
Coline Rio : J’avais envie de faire ça depuis toujours. Ce projet solo. J’ai commencé très jeune les concerts et c’est comme ça que les membres du groupe Inuit m’ont rencontrée. Quand Inuit a commencé à prendre son envol, j’y suis allée à fond avec toujours en tête l’idée de lancer mon propre projet. Ce qui m’a fait peur, c’est que j’avais l’habitude d’avoir les cinq gars qui envoient du pâté sur scène avec moi et j’adore cette énergie qui est géniale. Revenir sur un piano/voix où tout repose sur l’instrument et ma voix, c’est un autre challenge. Et ce soir j’ai essayé de lâcher prise physiquement, de danser parce que j’adore ça et je le faisais à fond sur Inuit. Alors je me suis dit « amène la danse dans ton projet » parce que j’ai besoin de ça mais en toute humilité car je ne suis pas danseuse.
LFB : sur scène, le titre de l’EP prend tout son sens car il y a beaucoup de délicatesse, de fragilité mais en même temps et avec les cordes il y a aussi de la force. Et grâce à ta voix et aux paroles, il y a un équilibre vraiment intéressant et qui représente bien ta musique. Sur ce projet beaucoup plus personnel, qu’est-ce que ça t’a apporté d’employer le français dans tes textes ?
Coline Rio : Ça m’a aidée à être hyper sincère et ancrée dans ma vérité. Quand tu poses les mots, les gens vont les comprendre. Et encore plus pour les mises à nu. Ce que j’aime beaucoup dans e français, c’est cette proximité en fait. Ça a donc été un vrai plaisir que d’écrire en français même si je n’avais jamais arrêté de le faire. Je me suis donc replongée dedans parce que ça n’est pas facile d’écrire mais c’est plus instinctif d’écrie en français.
LFB : Et puis ça permet aussi d’être peut-être plus poétique, plus imagée dans ce que tu chantes.
Coline Rio : Oui. Mettre des mots, des sensations, des souvenirs, c’est plus facile car c’est ma langue et je la maitrise. Même si c’est aussi génial d’écrire en anglais car la voix devient alors un instrument et non un vecteur d’informations.
LFB : Ce qui est intéressant avec un titre comme Monstre, c’est que l’écriture semble hyper simple alors qu’il faut accomplir un travail de fou pour rendre ça fluide, pour que les images apparaissent. Il y a une minutie qui est belle et intéressante, sur ce titre mais les autres aussi.
Coline Rio : Un travail sur le texte, sur le sens caché et la profondeur. Parfois c’est simple et les mots sortent tous seuls et tu te dis « Ah ! Ok ! Je pensais pas que j’aurais parlé de ça » et c’est ce qui s’est passé pour On m’a dit. Pour Monstre, j’ai juste changé un mot deux après le premier enregistrement mais il le fallait. Ça a apporté un poids supplémentaire à la chanson.
LFB : J’ai fait des recherches, lu de nombreuses interviews et j’ai l’impression qu’on ne parle pas assez de la relation entre le piano et toi. Alors que, selon moi, le piano habite autant ta musique que ta voix.
Coline Rio : C’est complètement vrai. On parle surtout de ma voix et de mes textes, ce qui est très cool. Je suis tombée amoureuse du piano quand j’avais cinq ans et il ne m’a jamais quittée. A l’école, lors de la récréation, j’étais dans la salle de musique avec mon piano. Après, ça a l’air trop triste (rires) mais non ! J’avais des amis (rires) ! Mais je passais beaucoup de temps derrière mon piano. Il est hyper important. Le piano est comme la voix, au premier plan. Je double aussi souvent mes mélodies au piano.
LFB : Du coup, on en revient à Monstre qui est le premier morceau de l’album. C’est très imagé mais aussi très impudique. Très brut.
Coline Rio : Oui c’est très brut, complètement. En plus, c’est un live enregistré en une seule prise, sans clic ni même le casque sur les oreilles. On a vraiment pris un instant et c’est la prise qui bougeait le plus. Je n’ai pas chanté, j’ai dit quelque chose et ça n’est pas facile à attraper quand on est exigeant. On voudrait quelque chose de parfait en faisant très attention à la musicalité et à la justesse. Alors pour moi, ça a été un vrai parcours cet enregistrement. Chercher le lâcher-prise. l’émotion pure et dure. Arrêter de s’écouter.
LFB : Est-ce que tu as senti, en enregistrant ce morceau, que tu passais à une autre étape, à quelque chose de différent ?
Coline Rio : Oui. Je me suis sentie prête. Prête à faire mon album, à me livrer. Dans cet album, j’ose dire des choses que je n’aurais pas osé chanter il y a quelques années.
LFB : Le premier album de la maturité ! (rires)
Coline Rio : C’est ça ! (rires). Mais dans une première prise de paroles, tu mets ton âme.
LFB : Quel est le rapport que tu entretiens avec la chanson française ? Avec Inuit, tu étais sur quelque chose qui était très éléctronique et là, tu flirtes avec quelque chose qui est peut-être un peu plus traditionnel tout en cassant les structures habituelles d’une chanson.
Coline Rio : Je ne pense pas être dans la chanson française, ni même dans la pop. Comme souvent nous les artistes, on a du mal à se catégoriser. Ce qui est sûr, c’est qu’avec cet album qui va sortir et même avec le reste de ma carrière, j’ai pour ambition de proposer des choses, de mélanger les genres. L’électro, la chanson française, la folk aussi car j’écoute énormément de folk anglaise. J’aimerais donc beaucoup garder ce style musical là, mais en français. J’ai envie de sortir de la chanson française, que le public qui vient m’écouter se dise « ça n’est pas de la chanson française ». Mais c’est compliqué parce que… c’est quoi, la chanson française ?! (rires)
LFB : On dira que c’est du Coline Rio.
Coline Rio : Voilà ! Un jour peut-être, on dira juste ça.
LFB : On est encore en début d’année, qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour 2023 ?
Coline Rio : Souhaitez-moi un bel accueil pour ce premier album, une belle tournée et tout pour que ça continue, parce que j’ai plein de choses à dire ! (rires)
LFB : Ma dernière question : est-ce que tu as des coups de cœur en ce moment ? Pas forcément en musique. Un livre, un film, des choses qui t’ont plu ?
Coline Rio : Oui, complètement. J’ai récemment lu un livre que j’ai trouvé très fort, qui s’appelle Eveil qui est très beau, très touchant. Et puis j’écoute l’album de Maya Hawke, que j’adore. Une référence musicale qui me plait grave. Un film ? Il est sorti en 2022 et m’a totalement marquée, c’est Encore de Cédric Klapsish. Il est sublime.
LFB : Merci à toi, Coline.
Coline Rio : Merci à toi aussi, c’était trop cool.