Après quatre ans d’aventure collective, une voix intérieure lui souffle de plus en plus fort de prendre son envol. Cette voix, Coline Rio se décide enfin à l’écouter avec Ce qu’il restera de nous, son premier album dévoilé le 24 mars dernier.
La Face B : Comment te sens-tu à l’approche de cette sortie d’album ?
Coline Rio : Je n’ai pas le temps de me sentir stressée car je n’arrête pas ! Je fais mille choses, entre les concerts, les quelques résidences que j’ai encore, la promo… Il y a un enchaînement de choses super positives autour de l’arrivée de l’album. J’ai l’esprit très occupé, donc je me sens dynamique, énergique et motivée. J’y vais à fond et je vais essayer d’être avec des amis le soir de sa sortie.
La Face B : C’est une toute nouvelle Coline que l’on découvre après tes débuts musicaux dans le groupe Inüit, alors que tu avais à peine 18 ans. Qu’est-ce qui t’a poussé à prendre cette indépendance, à franchir la barrière de l’intime, à révéler ta profonde nature ? Comment cet album est-il né ?
Coline Rio : Je nourris cette idée depuis très longtemps et j’ai toujours voulu lancer mon projet solo. D’ailleurs les garçons d’Inüit m’ont rencontrée comme ça, à travers mon premier live solo à quinze ans. Quand je suis partie dans l’aventure avec eux, le groupe a pris une petite envolée donc j’ai pris le train en marche, on l’a pris tous ensemble. J’ai pu me dire « c’est le moment pour mon projet » quand on a fait une pause après quatre ans de tournée et que dans la foulée on a été confinés, ça a tout accentué et marqué l’occasion de me retrouver. Par ailleurs, j’ai toujours continué d’écrire en français, je n’ai jamais cessé, même en parallèle d’Inüit. J’ai senti que j’en avais besoin, j’avais cela en moi et cette envie de me lancer un jour ou l’autre. Le début du confinement a été un point de départ pour mon envol en solitaire.
La Face B : La chanson Horizon a du arriver dans la foulée ?
Coline Rio : Celle-ci je l’ai écrite pour le concours de Radio France. En effet, elle pose cette question : « c’est quoi, avoir la vingtaine quand est confinés ? » C’était bien de la sortir pour marquer la fin du confinement, comme moyen de passer à autre chose et d’avancer.
La Face B : Comment as-tu vécu ce confinement ?
Coline Rio : Pas si mal ! J’ai été en effervescence créative, confinée avec une personne géniale, dans un appartement certes petit, mais très lumineux au cinquième étage.
La Face B : Où/comment as-tu appris à chanter ?
Coline Rio : J’ai toujours chanté, j’ai toujours adoré passer par la musique pour m’exprimer. J’avais un piano chez mes parents, j’ai tout fait dessus. La musique, c’est ancré en moi depuis toujours.
La Face B : Tu t’y es poussée toute seule ?
Coline Rio : On ne m’a jamais rien imposé. Pour moi c’était le meilleur moyen d’expression, mon journal intime. J’écrivais des chansons, j’écrivais ce que je ressentais. J’ai tellement de carnets !
La Face B : Te réveilles-tu la nuit pour composer ?
Coline Rio : Je suis plutôt créatrice de nuit. C’est un moment précieux, secret, où je me sens protégée de la pression et des préoccupations extérieures. On éprouve une sensation particulière à être réveillé quand tout le monde dort.
La Face B : Quel type d’élève étais-tu ?
Coline Rio : Une élève très travailleuse mais avec des difficultés. Je faisais partie néanmoins des élèves bien aimés des professeurs, du fait de ma participation. Pour une question, je voyais dix réponses ! Souvent cela me menait à des hors sujets, de gros pavés, si longs que je n’avais pas le temps de finir…
La Face B : Tu convoques pas mal l’homme et la femme dans ton album. Autant, dans une chanson tu parles de ta mère comme d’une alliée féminine, autant dans une autre tu évoques l’oppression par le sexe opposé. Te considères-tu comme une artiste féministe ?
Coline Rio : Oui et je suis une femme féministe au-delà d’être une artiste féministe. Pour moi c’est une évidence de l’être. C’est de l’humanisme avant tout. Il faut que ce soit fait ensemble, hommes et femmes. Je sais que c’est cliché de dire ça, mais on y est bien obligés. Le féminisme n’est pas fermé aux hommes, pas du tout.
La Face B : Le féminisme, c’est quoi pour toi ?
Coline Rio : Le féminisme c’est l’égalité entre les genres. C’est rétablir les déséquilibres et abolir les violences et les discriminations de genre.
La Face B : As-tu été confrontée à des situations sexistes dans l’univers musical ?
Coline Rio : Oui, même si ça a beaucoup évolué ces dernières années. Je l’ai vu à travers les gens avec qui je travaillais. Des figures féminines ont déjà été décrédibilisées par des hommes devant moi ou bien j’ai vu certains hommes entre eux écraser ou déstabiliser une femme. Les femmes ont un très faible pourcentage de prise de parole, ça je l’ai vraiment observé. Toutefois je suis de nature à essayer de voir le bon côté des choses. Je pardonne, j’arrondie les angles. J’ai parfois du mal à aller au front, et faire sentir mes désaccord. J’ai souvent peur du conflit, mais le conflit peut aussi être sain, il faut savoir dire les choses. Je dois apprendre à revendiquer mes droits de façon plus directe, plus franche. J’ai tendance à m’effacer et à avoir peur mais cela ne m’empêche pas de sentir le feu brûler en moi, parfois. Dans la création, avec Inüit, j’ai su m’imposer. Les garçons m’ont vraiment fait comprendre à quel point j’avais besoin d’être une meneuse et je l’ai accepté. Ça fait aussi partie de moi, dans mon besoin de m’exprimer dans la société et de dire les choses.
La Face B : Tu dis vouloir apprendre à « aller au front. » Cela va peut-être de pair avec un cheminement « adulte ». C’est quoi pour toi, être adulte ?
Coline Rio : Une chose est sure : les vingt cinq ans m’ont fait quelque chose ! Déjà parce que je n’aime pas l’idée de vieillir. Je suis sure que je vais m’assagir avec l’âge mais bon…. pour l’instant ça m’effraye. Pour ma part, j’ai pris mon autonomie musicalement, en termes de production, d’arrangements… j’aspirais à être autonome donc j’ai appris plein de choses, à aller au bout de mes idées sans personne pour me montrer le chemin. En plus de prendre mon autonomie, j’assume de parler de choses plus crues comme la sexualité. Je suis dans une phase de libération et je pense que ça va avec l’âge. Ça m’a fait du bien de créer toute seule après quatre ans de travail collectif, sachant que je me considère comme créatrice avant tout.
La Face B : Ça te fait peur de te dévoiler autant ?
Coline Rio : Oui. Surtout pour Homme où il y a une prise de position. Il y a forcément des personnes qui vont mal interpréter mes propos et ça donne le vertige mais ça fait partie du jeu et heureusement il y a l’entourage, la famille et il y a qui nous sommes. Il faut réussir à aller au-delà de ce qu’on écrit. L’idée c’est d’être soi-même tout en prenant des risques. Aujourd’hui c’est difficile car on fonctionne beaucoup par l’image, une image très lissée en plus.
La Face B : Comment le vis-tu, ce monde de l’image ?
Coline Rio : Les réseaux sociaux, c’est hyper anxiogène et ça prend un temps fou. Le temps disparait. J’aimerais y être beaucoup moins mais c’est à moi de me discipliner. Concernant son usage, j’essaie encore de trouver mon identité visuelle. Pour l’instant, je me sens en accord avec qui je suis et je dois accepter d’être en perpétuelle évolution. Je passe, hélas, trop de temps sur les réseaux à rien faire, c’est aliénant. Tout va très vite et on se rend compte qu’on est tellement nombreux à être artistes.
La Face B : As-tu peur de la concurrence ?
Coline Rio : Il y a forcément de la comparaison. Je me dis parfois que ça ne sert a rien que je prenne la parole, je me pose des questions comme : « qu’est ce que j’apporte de mieux, de consistant ? » sans pour autant ressentir de jalousie ou autres sentiments polluants. Quoiqu’il arrive, j’ai besoin de la musique pour m’exprimer, alors j’ai accepté de faire partie de cette famille et même si on est hyper nombreux, je ne suis pas quelqu’un d’autre donc ça ne sert a rien de se comparer. Certes, on ne peut pas aller a l’encontre des petites déprimes qui viennent avec les réseaux sociaux, ce n’est pas sain mais on en a besoin. Heureusement que je fais de la musique depuis petite et que c’est mon identité, cela me permet de rester dans le droit chemin.
La Face B : Si un jour ta carrière était amenée à exploser, comment le vivrais tu ?
Coline Rio : J’y ai pensé car c’est un rêve malgré nous. Forcément on a envie que notre musique touche un maximum de gens. Pour moi cela signifie atteindre le summum de la sincérité. C’est un peu le graal des artistes. Ça peut aussi être hyper compliqué, et les artistes vedettes parlent de cette difficulté, il y a une part d’ombre, on est seul. Ça donne envie mais il faut le vouloir, c’est énormément de boulot, c’est dur. Il y a cette pression de ne pas décevoir. Aujourd’hui quand on voit ce que représente Billie Ellish, cela relève d’un sport de haut niveau. Il faut pouvoir tenir le rythme. Forcément, j’y pense, au succès, mais ce n’est pas du tout un objectif de vie.
La Face B : Quels sont tes plus grands rêves?
Coline Rio : Mes plus grands rêves seraient de pouvoir voyager grâce à ma musique. J’adorerais faire écouter mes chansons en voyant d’autres pays et cultures différents. J’aimerais faire ça de ma vie, avoir plein d’albums, pouvoir créer en toute liberté, sans me poser de questions. Je rêve d’être libre de vivre de ma musique comme je l’entends, de voir du pays et dans l’idéal, faire profiter les gens que j’aime. Je touche du bois. Être dans la nature aussi à un moment, avoir un potager, fait partie de mes objectifs de vie…
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