… révéler l’avenir.
Consolation réunit, en un seul et même album, mille fragments d’une Pomme à fleur de peau et les réconcilie à travers cette belle introspection faite de sanglots passionnés, de tressaillements du cœur et de messages de paix, toujours à la lisière des rêves.
Pomme s’interroge : « Il y a quoi de mieux avant ? »
Pas grand-chose, concernant son œuvre, serions-nous tentés de lui dire. Son art ne cesse de mûrir sans jamais faiblir. Le temps lui réussit. Ses idées semblent s’éclaircir, son esprit s’adoucir. L’étau qui sépare la beauté de ses démons se desserre et dans leur sillon, l’espoir fait son nid. Pomme se console. Et se pardonne.
Nostalgie de l’enfance, féminisme, mort en latence, écologie… en dépit des apparences, ces thématiques chères à Pomme ne sont pas un éloge à la démence de notre société, ne font pas non plus d’elle un concentré de doutes et de mélancolie. Seulement, pour elle, atteindre l’âge adulte, c’est prendre conscience de notre nature humaine dans son ensemble, c’est rompre avec le déni, éteindre la candeur et l’insouciance pour mieux les rallumer.
C’est raviver ce soleil de plomb malgré les responsabilités en sachant qu’il nous faudra « braver le froid » et « sentir le danger » de jour comme de nuit. Mais c’est en cela que le bonheur s’accomplit, il n’est plus fictif ni illusoire, il est entier, brut et sincère. Surtout mérité.
Pomme remonte le temps pour mieux convoquer l’avenir, ainsi consolation réveille un à un les souvenirs d’enfance, à commencer par jardin qui, sur une instru rythmée, entraînante, de celles qui font remuer la tête de haut en bas, de droite à gauche, ratisse les odeurs, les goûts et même les violences de l’âge tendre, où la vie s’étire dans le moment présent, souvent guidée par les rêves et les passions fulgurantes.
Comme on consulte, vingt ans plus tard, un vieil album photo, Pomme se les remémore un à un dans une nostalgie exponentielle, qui atteint son paroxysme lorsqu’elle se questionne : « qu’est-ce qui me manque tant… pourquoi j’y pense encore autant.. » Retour sur l’instru et les ronds de tête, retour sur l’étalage des photos en papier glacé et une Pomme toujours aussi hantée par les souvenirs, qui parvient à nous plonger dans les nôtres et à nous faire ressentir cette douceur amère contagieuse.
dans mes rêves repart dans l’acoustique et Pomme, armée de son piano, diffuse quelques gouttes d’eau de pluie, des larmes de joie insouciante, ou plus simplement ces bribes de mots dont débordait son coeur d’enfant, ces mots qui composaient sa vie sans qu’elle s’en aperçoive. Au refrain, où résonne le mot rêve, à en réveiller tout un village endormi – ce mot rêve qui s’étend comme un cours d’eau à travers la vallée – les violons interviennent et tous les poils se dressent.
La chanson raconte le mystère des desseins que la vie nous réserve, cette loterie des rêves, en s’adressant à la jeune Pomme qu’elle était – enfant tiraillée entre l’aveuglement et les espoirs muets, sans doute inconscients – et à l’adulte qu’elle est devenue, la chanteuse au destin entamé, la femme et ses résolutions personnelles, ses combats et sa place à trouver dans le monde.
Celle qui ne l’a jamais trouvée, sa place, à vivre dans le noir au point de lui succomber, c’est l’écrivaine Nelly Arcan. Pomme l’eût volontiers prise dans ses bras avant qu’elle ne tombe dans ceux de la mort. nelly voue un hommage saisissant à cette âme fauchée, écrit l’histoire d’une consolation manquée, pour ainsi dire. D’emblée une Pomme fredonnant un air mi-tendre mi-élégiaque, cela annonce la couleur, plutôt terne, qui va suivre.
Pomme dépose du bout des lèvres un bouquet de roses noires, de paroles immortelles qui ne seront jamais entendues, ou peut-être un jour le sait-on, chez elle l’ésotérisme n’est pas exclu, ni dans ses chansons ni dans ses cauchemars d’adultes.
la rivière : on note l’omniprésence de la nature dans l’œuvre de Pomme, et en partie de l’eau, cette substance vitale, mystique, celle qui se transforme en neige avant de fondre par notre faute, son cycle mystérieux, son mouvement permanent. les cours d’eau, dans son précédent album Les Failles, envoyait un flot de patience sur le courant de l’espoir, le fleuve du hasard. les cours d’eau, la rivière, leur constance, leur surface lisse, abritent la vérité dans leurs abîmes, le clair-obscur, la rencontre de la vie et de la mort dans l’incertitude de notre avenir, leur présence dans nos yeux mi-clos.
Les autres titres, septembre, bleu, tombeau, convoquent le paradis et l’enfer, l’été et l’hiver, les blessures et la résurrection avec autant de poésie et d’incandescence qu’il y a de de secrets et de joies cachées dans l’univers de Pomme.