C’est enfin officiel : le duo Gwendoline est de retour. S’ils écument les routes depuis déjà de longs mois, jouant et déjouant les pièges d’Après c’est gobelet!, c’est bien avec de nouveaux morceaux qu’ils vont dorénavant tourner. En effet, leur second album, C’est à moi ça, sortira le 1er mars chez Born Bad Records. Et pour nous faire patienter jusque-là, ils nous dévoilent leur premier extrait : celui que je n’osais même pas espérer. Il se nomme Conspire et c’est une critique acerbe et profondément nihiliste de la société contemporaine.
Crédit photo : Aloïs Lecerf
Je me rappelle encore la première fois où j’ai entendu en live Conspire. Je me rappelle encore de toutes les fois qui ont suivies. Cet instant, qui se répétait inlassablement. Celui où tout à coup, toujours au premier rang, j’agrippais alors mon téléphone pour filmer. Filmer les mots, la vidéo projetée en fond qu’on retrouve maintenant ici. Filmer la pression qui monte. Le moment où Pierre arpente la scène et hurle, hurle que « ce monde est génial ». Il ne fallait rien rater, non surtout pas.
C’était ensuite comme des compilations dans mon téléphone, de petits souvenirs entassés, que je me plaisais à regarder. Une fois, deux, trois. À l’époque, je ne connaissais pas encore le nom de ce morceau. Je me rappelle l’avoir cherché partout après l’avoir découvert pour la première fois. J’écumais alors le net. En vain. Il n’était pas là. Alors, il me fallait les voir en live, encore et encore. Pour cet instant. Et pour tous les autres.
Un soir, tandis que la nuit est déjà bien avancée et que je devrais aller me coucher, je reçois l’album. Je fais alors quelques pas, du canapé vers mon lit. Je m’allonge sur le dos et je lance l’écoute. Prête, archi-prête. Les premières notes de Conspire résonnent alors au sein de mon petit appartement. Surprise, archi-surprise. D’entendre instantanément ce morceau que j’ai tant écouté, que j’imaginais en dernier. Alors, pendant quasiment six minutes, je ne bouge pas. Entièrement concentrée, le souffle coupé.
Puis, je souris. Car je sais. Je sais déjà que ce morceau emplira mon quotidien et ma tête, je sais qu’il va vivre avec moi, que je vais parfois l’oublier avant de le laisser me rattraper. Conspire c’est la monomanie, l’engagement, la démence et le désenchantement. C’est ce clip en noir et blanc, condensé d’images animées, brûlantes et décadentes. Aloïs Lecerf, aussi photographe des Gwendoline, a ainsi compilé des extraits vidéos qui ne sont que le simple reflet de ces violences politiques, sociales et sociétales.
Déforestation en Amazonie : extrait du clip Conspire
Des défilés militaires aux CRS, des abattoirs à la famine, du Black Friday aux influenceurs à Dubaï : il n’y a qu’un pas. Alors, on le franchit allègrement. Et face à ce montage saccadé d’images gerbantes, on appose des mots. Ceux qui vont nous réconforter avec nos idées. Car Pierre Barrett et Mickaël Olivette entonnent un hymne. Celui de la raison, de la rébellion. C’est le cynisme nonchalant accouplé à la réalité la plus pure. En fond, un arpégiateur strident qui ne cessera jamais, des guitares cold-wave et un Kick qui martèle, sans interruption, rappelant le pas feutré des militaires.
Ensuite, vient cet instant dont je ne me lasserai jamais. Quand tout s’agite, que les sons s’intensifient et que tout à coup Gwendoline déclare « Union soviétique / Modèle idéal / la Corée du Nord / Bon système social / Tickets de rationnement / Dénonce ton voisin / Culte du chef / C’est notre champion / Gloire au parti / A tous les travailleurs / Hymne national / On va les niquer / C’est nous les meilleurs / On va les gagner / Achète une merguez / Pour les caisses de grève / Santé mon Bernard / Pour tous tes milliards / Le bon politique / C’est celui qui fraude / Car ce monde est génial »
Ce passage, en boucle, quand je rentre le soir de ma salle de concert préférée. Quand je marche d’un pas vif, à travers cet espace quadrillé, que je connais les yeux fermés. En boucle, toujours plus fort, tandis que les mots, toujours m’échappent. Moi, pourtant si discrète, exprimant alors toute ma colère, chantant à tue-tête, que « ce monde est génial ».
Merci Gwendo pour ce brûlot.