Mimi : l’album labyrinthique et merveilleux de Corridor

Il est parfois nécessaire de prendre son temps. Corridor a pris le temps de vivre et de grandir après la sortie de l’excellent Junior en 2019 pour nous revenir de manière évidente et pertinente avec Mimi en avril dernier. De notre côté, on a décidé de prendre notre temps pour se perdre, explorer, découvrir et revenir sur le dernier opus des Québécois signés chez Sub Pop.

Il y a plusieurs raisons qui peuvent décider à choisir un morceau pour ouvrir un album. On peut vouloir surprendre, rassurer ou créer une attente. On peut cajoler son auditeur autant que chercher à briser ses certitudes.

Avec Phase IV, Corridor ne cherche en rien la facilité, bien au contraire. Le morceau qui lance l’aventure Mimi est foisonnant, hypnotique et languissant. Il avance lentement, comme un esprit qui sortirait doucement d’un brouillard étrange.

Cette expérience sonore est l’écho parfait des paroles qui habitent le morceau. Phase IV, c’est un endroit accueillant dans lequel tout semble identique tout en étant différent. Nous faire perdre pied pour mieux nous retrouver, nous habituer à ce que doit être Mimi avant de retrouver Corridor. Phase IV est une première étape importante, un édifice musical qui attendra presque trois minutes avant de faire apparaitre les guitares rythmiques propres à Corridor.

Auparavant, on tâtonne dans des ambiances électroniques portées par une ligne de basse et une batterie métronomiques qui laissent exprimer la poésie évocatrice et pleine de sérieux qui pourrait aussi bien parler d’énigme mentale que de la difficulté de se lancer dans une nouvelle phase musicale, Mimi étant … le quatrième album de Corridor.

En cinq minutes, toutes les clés de compréhension du nouvel album de Corridor nous sont données : un album qui n’aura pas peur d’explorer la musique, de jouer avec la contemplation, tout en la brisant avec bonheur, et d’offrir des paroles matures, poétiques et bien plus ancrées dans le réel du combo québécois.

Preuve en est, Mon Argent s’amuse formidablement des dissonances, laisse s’exprimer les synthétiseurs et les riffs percutants de guitare tout en se cachant sous une production assez classique de pop song moderne. C’est dans les détails que tout se joue, comme sur chaque morceau de Mimi, Corridor s’amuse des détails pour nous perdre et nous inviter à des réécoutes toujours différentes et surprenantes.

Mon Argent, c’est aussi un moyen de parler du rapport et des difficultés de vivre de sa musique dans le monde moderne avec recul, sans pathos et une plume qui ne se refuse jamais à jouer avec les images.

Diptyque visuel, Jump Cut et Caméra se confrontent dans l’énergie et une sorte d’indolence pesante pour nous parler de notre image et aussi de notre égo. Jump Cut, toute en énergie n’hésite pas à s’offrir une interlude instrumentale assez dingue pour ensuite revenir à sa folle cavalcade tandis que Caméra ne se départie jamais de son calme apparent. L’image de soi, l’exposition permanente que l’on subit autant que l’on réclame et l’autopromotion qui nous guide de plus sont des thèmes qui ressortent des pensées de Jonathan Robert.

Plus pop et légère, Porte Ouverte nous charme par sa délicatesse et son côté direct et évident. Ici, la voix se noie dans les instruments comme si elle devenait au fur et à mesure un élément mélodique comme les autres.

Offerte en éclaireur au début de l’année 2024, Mourir Demain est, pour nous, le chef d’œuvre qui porte Mimi du côté des grands albums. Proche des explorations sonores solitaires de Jonathan Robert, le morceau est une véritable pépite rock au charme évident. Un morceau sur notre propre mortalité, sur le temps qui passe, sur le besoin qu’on a de tout vouloir contrôler alors qu’au fond, on ne peut rien diriger. Mourir Demain est un grand, un beau morceau de rock, porté par une écriture limpide et une interprétation bouleversante, notamment quand les voix de Robert et Berthiaume se mélangent à la perfection.

Pellicule (encore une référence visuelle) termine l’album en beauté, condensant, à l’image de Phase IV, tous les tenants et les aboutissants de Mimi. Ici, la guitare prend le lead mais n’empêche jamais le morceau de se libérer, d’explorer les thématiques et les sonorités pour nous impressionner une dernière fois.

Si on devait définir Mimi en un mot, on dirait que celui-ci est un album libre. Avec ce quatrième album, Corridor a brisé certains carcans pour s’offrir l’album que le groupe souhaitait faire. Un album qui sonne parfaitement, qui plonge autant dans l’électronique que dans le psychédélisme ou le rock le plus direct. Un album dans lequel on prend plaisir à se perdre … pour mieux se retrouver.

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