On a profité du passage de Crystal Murray à Bruxelles lors des Nuits Weekender du Botanique pour discuter de son rapport à la scène. Au sein de cette discussion, nous avons bien évidemment évoqué son premier album : Sad Lovers And Giants et tout le processus créatif qu’il a suscité. Toujours à la recherche d’expérimentations, elle n’a eu aucun mal à se confier sur ses aspirations futures qu’on vous dévoile de suite.
LFB : Comment vas-tu en ce moment ? Comment as-tu vécu les retours concernant ton album Sad Lovers And Giants ?
Crystal Murray : Je suis très contente. J’ai pris deux ans à faire cet album, ce qui m’a permis de mettre les bons mots sur les bonnes émotions. Je ressens encore une joie d’interpréter ces chansons en live.
Je vois que les gens commencent à comprendre un peu la musique et reconnaissent la qualité de l’album, c’est cool !
LFB : Tu viens d’ailleurs de sortir de scène. Quel rapport entretiens-tu avec la scène ? Tu as construit ce projet pour pouvoir le défendre en live ?
Crystal Murray : Je suis une artiste qui, quand elle écrit, pense beaucoup à la scène. Je me sens plus à l’aise sur scène qu’au studio (rires). Et ce depuis le début de ma carrière. La tournée autour de ce nouveau projet fait tout son sens. Il y a des musiciens, j’ai aussi rajouté beaucoup de chansons qui ne sont pas sur l’album. J’essaye de promouvoir ce projet tout en montrant dans quelle énergie je suis en ce moment, c’est pour ça que je teste pleins d’inédits.
On a revisité pas mal de chansons aussi, pour arriver à un show d’une heure alors que l’album ne dure qu’une trentaine de minutes. On a également travaillé les introductions et les outro. Je me sens plus libre en live alors qu’en studio je me prends beaucoup la tête (rires)
LFB : Il y a aussi une volonté à mettre de l’énergie même sur des morceaux qui peuvent être plus intimistes ou mélancolique. C’est une volonté de ta part de créer un contraste ?
Crystal Murray : C’est drôle que tu vois de la mélancolie. Il est vrai que j’ai tendance à toujours avoir envie de faire une outro qui emmène le public. Et même s’il y a un côté festif, il y a toujours un côté sentimental qui vient avec. Pour moi c’est moins festif qu’avant mais plus hybride entre les émotions et le son.
LFB : Le terme « hybride » caractérise assez bien l’album. Il y a un mélange assez fou d’influences qui m’a beaucoup fait penser à ce que font les anglais.e.s. Tu as d’ailleurs tourné le clip de Starmaniak à Londres, c’est un pays qui t’inspires ?
Crystal Murray : Je viens d’emménager à Londres.
J’ai commencé très tôt et depuis le début de ma carrière j’avais toujours cette peur d’être mise dans une case. Quand tu commences tôt, tes goûts évoluent. Même ma manière de consommer de la musique à changer comparé à quand j’ai écrit Princess et que j’avais quinze ans.
De base je viens du monde du jazz et du gospel mais plus je grandis et plus j’apprends à aimer d’autres genres. Il y a un ou deux ans j’ai commencé à écouter du shoegaze puis après dans du trip-hop. J’entre dans des genres qui sont un peu « chansonnettes » (rires).
Parce qu’on m’a déjà dit après un live qu’il « manquait la chanson » (rires)
LFB : C’est fou parce que justement, pour moi, Starmaniak a un carrément des allures de hit et encore plus en live.
Crystal Murray : Mais oui ! Et c’est ce que j’ai essayé de dire à travers l’album !! Je l’ai un peu conçu comme un conte pour enfants mais qui dirait la vérité. Ce qui fait qu’on garde cette voix pop et mielleuse que je peux avoir avec un côté beaucoup plus rock.
J’ai grandi et je n’ai plus forcément envie de chanter « I’m the princess in your life » (rires).
Mais je sais que cette hybridité va prendre du temps, j’ai choisi un endroit un peu plus difficile.
LFB : Je pense que ça vient aussi du fait que, comme moi, tu as grandis avec internet qui est un puit sans fond d’influence qui pousse l’hybridité aussi bien dans la manière de faire la musique que dans les émotions que l’on peut ressentir.
Crystal Murray : Les générations d’avant avaient quelque chose de très militaire. Si tu fais un style de musique tu devais t’y tenir. Notre génération sort complètement de ça, on est hybride à 100%. C’est ce que j’essaye de faire ressortir dans ma musique.
Pour moi, c’est pour ça que mon album fait sens. Parce qu’il a cette hybridité dans la musique mais aussi dans ce qu’il raconte. J’ai essayé de faire en sorte que ça soit timeless. Pour moi ça passe par les drums parce que ça permet d’identifier quand ça a été fait et là j’ai utilisé toutes sortes de drums différentes ce qui fait qu’on ne peut pas dater le projet. Un morceau comme Starmaniak aurait pu sortir dans les années 80. Ce morceau a d’ailleurs d’abord été construit avec Elliot Berthault qui fait partie du groupe de post-punk Rendez-Vous et fini par Kyu Steed qui vient du r’n’b.
LFB : Tu n’as pas du mal à trouver le juste milieu entre toutes tes influences ?
Crystal Murray : J’essaye de faire confiance à mes ressentis. Mais là, j’avoue, je bosse sur un album et je me dis que j’ai envie d’être un peu plus clair dans mon hybridité. J’aime beaucoup Sad Lovers and Giants mais c’est vrai qu’avec du recul je me dis que j’aurais peut-être fait d’autres choix. Je navigue encore…
LFB : Ce qui est assez positif au final…
Crystal Murray : Vraiment, je trouve qu’être artiste c’est assez génial. Tu as l’art de pouvoir naviguer dans des envies différentes. Il faut juste avoir les épaules pour être prêt à la critique (rires). J’en ai eu sur cet album. J’ai été connu sur Princess quand j’avais 16/17 ans et il a des gens qui n’arrivent pas à en sortir. Après, ça permet aussi de convertir un public un peu plus ancien à ma nouvelle proposition.
LFB : C’est vrai que tu as commencé la musique à 16 ans mais avant ça tu étais déjà active, depuis tes 12 ans, dans le monde de l’influence. As-tu un besoin constant de faire parler ta créativité ?
Crystal Murray : C’est la seule chose que je sais faire (rires). La musique c’est dans mon sang, j’en pleure parfois mais c’est la vie que j’ai choisi. Je sais que quand j’arriverais là où je veux être, je serais très heureuse.
J’ai toujours été une working girl. Avec l’influence, j’ai pu voir ce que ça faisait d’être aimé pour « nothing » et ce n’est pas vraiment ce que je recherche et ça ne m’apportait pas grand chose. Sur le côté, j’avais une envie de ne faire que de la musique.
Après, ça a été intéressant de commencer l’influence alors que ça n’existait pas vraiment à ce moment là.
LFB : Ce qui fait, que c’était surement très spontané de votre part.
Crystal Murray : C’était totalement réel !
Par la suite, ça a été un peu difficile. Les gens me connaissaient de ça et je suis encore là mais dans un autre domaine. Puis j’ai commencé jeune et je suis encore jeune.
LFB : Mais tu n’es pas fatiguée…
Crystal Murray : I’m tired (rires) mais je veux faire de la musique ! Par contre, l’influence, Instagram je n’en veux plus. Même si je me suis fait dans ce milieu, j’en suis maintenant assez éloigné.
LFB : Pourtant, ça prend une place essentielle dans le monde de la musique actuelle.
Crystal Murray : Parce qu’on a besoin d’argent.
LFB : Tu prends quand même plaisir à jouer ce jeu ?
Crystal Murray : Je le fais parce que je suis fashion. J’aime trop la fringue, m’habiller et ça me fait kiffer de mettre cette partie là en avant. Je suis musicienne, la musique c’est ce qu’il y a en moi et les habits c’est ce qui ressort de moi. J’ai cette vision avec l’art qui passe par le visuel. Je travaille main dans la main avec ma DA. Pour moi, ce que je dis doit être ressenti dans l’image.
Si je n’avais pas fait de la musique j’aurais probablement fait un métier dans l’image.
LFB : Au final, tu as réussis à allier toutes tes passions grâce à la musique.
Crystal Murray : Pour moi, tout fait plus sens. S’il n’y avait que la mode, je ne saurais pas trop comment m’en sortir je pense.
LFB : Vu que tu as entrepris beaucoup de choses, as-tu d’autres envies créatives à assouvir ?
Crystal Murray : Je suis déjà bien occupé pour le moment (rires). En vrai, j’ai un peu un rêve, c’est qu’une fois que je serais bien heureuse avec ma musique, j’aimerais beaucoup qu’on me propose un rôle. Mais pour quelque chose de bien précis. Je suis obsédée par Catwoman et ce, sur toutes les générations. Aussi bien le film Les Vampires de Louis Feuillade qui date de 1915 dans laquelle il y a le personnage d’Irma Vep que les suites faites par HBO où les apparitions aux côtés de Batman. C’est vraiment un rêve de pouvoir l’interpréter.
LFB : D’où ça te vient cette passion pour Catwoman ?
Crystal Murray : C’est l’énergie qu’elle dégage et sa silhouette. Je m’habille beaucoup en fonction de ma silhouette. Celle de Catwoman est à la fois très féline, masculine tout en restant féminine. J’ai toujours été fasciné par ce côté hybride entre l’animal, le masculin et le féminin.
LFB : Il y a aussi tout le rapport au chat, cet animal qui se faufile partout avec discrétion.
Crystal Murray : Oui ! Puis le fait aussi que quand on parle de Catwoman, on ne sait pas forcément de laquelle on parle, elle a eu tellement d’interprétations. je trouve ça beau qu’elle puisse être reprise par plusieurs personnes, comme une musique. Ca rend la chose immortelle.
LFB : A part te souhaiter d’un jour donner ton interprétation de Catwoman, que peut-on te souhaiter pour la suite ?
Crystal Murray : Good albums (rires).