Avec son troisième album Oniromancie, l’autrice-compositrice-interprète québécoise Laurence-Anne nous emmène dans son imaginaire obscur, d’où s’échappe une dream pop singulière et conceptuelle.
La Face B: Oniromancie, c’est un titre très intrigant…
Laurence-Anne: Oniromancie, c’est un terme qui signifie la divination par les rêves. Je trouvais que c’était le mot parfait. Accident, Musivision… J’aime des titres courts pour mes albums avec un mot puissant qui va tout englober. Je trouve que le concept d’un album vient toujours de lui-même. Tu laisses parler les chansons et après en les analysant tu te rends compte de ce dont tu parles dans le fond. J’avais déjà parlé des rêves dans mes précédents albums, mais ça me semble être le point le plus central pour Oniromancie. Il y a donc certaines chansons qui parlent de cette connexion qu’on a avec nos rêves et de ce qu’on peut apprendre sur nous-mêmes, comprendre de notre quotidien. J’aime le côté ésotérique de la magie des rêves avec une interprétation de ce qui se passe dans la réalité et qui ensuite permet de faire des changements pour le futur.
LFB: Quel est ton rapport aux rêves?
Laurence-Anne: Je rêve beaucoup et j’ai une bonne capacité à m’en souvenir. Justement, ça me permet de comprendre des choses et d’être connectée avec moi-même. Quand j’ai des rêves récurrents, je me pose des questions. J’aime porter attention à tout ça et pas juste me dire que ce qui arrive pendant mon sommeil c’est n’importe quoi. J’essaie de donner un sens à tout ça. Je n’ai pas beaucoup de croyances dans la vie, mais on dirait que c’est le fun de croire en quelque chose d’un peu magique.
LFB: Comment as-tu réussi à transposer tes rêves en musique?
Laurence-Anne: Ce que je conserve de tout ça, c’est vraiment des ambiances et des mood. Je n’ai pas de souvenir de A à Z, plutôt des images et des paysages. Quand je compose, je vais faire un accord et c’est comme si ça résonnait et que ça me faisait à une couleur ou un lieu imaginaire qui se retrouvent dans le monde des rêves.
LFB: Les rêves sont sur un spectre d’émotions, des plus agréables aux cauchemars, et Oniromancie visite un peu ça, n’est-ce pas?
Laurence-Anne: Oui je fais souvent des rêves, mais souvent des cauchemars. La paralysie du sommeil – un peu comme être somnambule, mais dans l’autre sens, l’esprit est éveillé, mais pas le corps – est quelque chose qui me réveille souvent. C’est une expérience qui fait peur, car tu essaies de te réveiller, et tu as des hallucinations sonores et visuelles. C’est toujours un peu angoissant. Il y a une période où j’avais même peur d’aller me coucher… La chanson Polymorphe parle justement de ça: j’ai longtemps contemplé la nuit. On passe le tiers de notre vie à dormir, donc c’est une grande partie de notre existence. Même si ce n’est pas réel, ça peut nous affecter autant.
LFB: Est-ce que tu crées la nuit?
Laurence-Anne: Oui, je suis plus nocturne. La façon que j’ai trouvé d’être plus productive, c’est de m’isoler dans un lieu avec des instruments et des recueils de poésie québécoise sans regarder l’heure. Ça peut durer jusqu’à 4h du matin sans que je m’en rende compte. C’est la nuit que j’ai le plus d’activités! C’est rare que j’écrive à propos du soleil… J’aime parler de la lune et des étoiles. Pour Oniromancie spécifiquement, je me suis isolée au Bic chez un ami, toute seule en plein hiver. Le fait d’être seule, ça m’ouvre des portes. Comme la maison était surélevée, la nuit je pouvais voir de l’autre côté du fleuve, la Côte-Nord qui n’est pas trop éloignée à cette hauteur-là.
LFB: On retrouve souvent des chansons en espagnol sur tes albums aussi. Sur Oniromancie, c’est Flores.
Laurence-Anne: Oui, j’ai habité pendant un an au Mexique quand j’étais plus jeune. Ça m’a donné assez de temps pour apprivoiser la langue et comprendre sa poésie. Ça fait partie de l’expérimentation d’y aller avec l’espagnol. Je trouve que ma voix sonne différemment dépendamment de la langue dans laquelle je chante. Ça va chercher d’autres tonalités, d’autres sonorités, d’autres accents. Je trouve ça intéressant de me donner la liberté d’aller là-dedans. En espagnol, je trouve qu’il y a un côté plus sensuel. C’est une langue qui pour moi à un côté romantique. Ça m’a aussi aidée à me débloquer, si en français ça ne sonne pas bien par exemple. Il y a des choses qui se disent seulement bien dans d’autres langues.
LFB: Qu’est-ce qu’il y a de différent avec Oniromancie?
Laurence-Anne: J’ai l’impression que cet album s’ouvre à plus de possibilités. Avant, mes chansons avaient plutôt des formes définies. Je les faisais un morceau après l’autre, tandis que dans Oniromancie, il y a plus de place au changement, à l’essai.