Deceiver : DIIV évolue et ne se trompe pas

DIIV comes back ! Après deux albums de très bonne facture les posant comme le nouvel emblème du rock américain shoegaze, les New-Yorkais originaires de Brooklyn reviennent avec un nouvel opus qui veut se démarquer des précédents. Alors, vont-ils réussir à nous surprendre ? Réponse imminente.

Révélé dès le premier album Oshin qui maniait une dream-pop très mélodieuse, DIIV a convaincu de nouveau avec l’excellent Is The Is Are. À l’image de leurs débuts, le groupe avait réussi à garder ce qu’il savait faire de mieux : des riffs de guitares effrénés suivis de batterie, le tout ordonné par un jeu de basse efficace et puissant. L’ensemble est mélodique et remuant tandis que la voix de Zachary Cole Smith se baigne en écho dans cette atmosphère à la fois déchaînée et hypnotique. Parmi leurs titres phares, Under The Sun est sans aucun doute leur tube : d’une incroyable efficacité, le jeu des guitares n’est jamais à la relance mais toujours dans une fluidité qui nous transporte dans un état de transe. Il ne faut pas oublier Dopamine et Valentine du même album ou encore le puissant Doused et Sometime du précédent, qui nous rappelle immédiatement le groupe post-punk russe Motorama.

Dire qu’un nouvel album de DIIV est un événement est loin d’être une hyperbole. Il faut préciser que le groupe a aussi réussi à se faire connaître par ses mésaventures hors de la scène musicale, le transformant en un groupe rock sulfureux. Entre l’arrestation du chanteur avec sa petite amie, l’artiste et mannequin Sky Ferreira, pour possession illicite de drogues, et les propos racistes, sexistes et homophobes, sur le forum japonais 4chan, du bassiste Devin Ruben Perez en 2014, qui a quitté le groupe depuis décembre 2017, la bande doit sans cesse remonter la surface pour mener à bien ses projets musicaux. D’autant plus que Zachary Cole Smitha a avoué récemment sur Instagram être en traitement hospitalier pour une longue durée. Tant de méandres qui n’ont pas empêché de concevoir Deceiver et de marquer l’état d’esprit du chanteur comme il l’avait fait sur Is The Is Are où il luttait contre l’héroïne dont il était consommateur par le passé.

Sans surprise avec les événements antérieurs du groupe, les nouveaux morceaux sont plus sombres et lourds. Zachary Cole Smith fait son mea-culpa de son passé et révèle son actuel rétablissement à l’addiction aux drogues. Sur Skin Game, il crée un dialogue imaginaire entre lui et un témoin de sa vie. Le regret est présent : « Fighting to get through the door / But I can’t live like this anymore / They gave us wings to fly / But then they took away the sky » .

Conscient qu’il ne peut plus faire marche arrière, le rockeur new-yorkais se veut être un messager de cette lutte. Dans Taker, il pointe du doigt les conséquences des mensonges. Les paroles sont désemparées et mélancoliques, on ressent la douleur profonde qui nous déchire au plus profond de nous. « Stand down » est répétée une dizaine de fois comme un appel à l’aide. Une atmosphère grunge s’installe à la fin du titre pour marquer encore plus cette souffrance qui paraît interminable. Par moment, on est plus proche de SlowDIIV (sic) avec cette grosse pincée de grunge qui s’installe peu à peu désormais. Les guitares sont moins électriques mais plus brumeuses comme sur l’ensemble des dix pistes. Elles couvent la voix du chanteur pour mieux souligner la descente aux enfers et le brouillard dans lequel s’est plongé Zachary Cole Smith.

Partant d’un titre plutôt terne et vite oublié, Horsehead, l’album monte en flèche au fil des morceaux et finit avec une énergie plus folle qu’au départ. C’est avec les deux derniers titres que tout s’emballe et se débride. Blankenship sera celui qui se rapprochera des origines du groupe par son intro et ses ponts mais la comparaison s’arrête là. L’univers est toujours sombre, les sons de guitares deviennent distordus allant même jusqu’à la saturation. L’arrangement musical a évolué, se rapprochant plus d’un groupe métal. Les paroles suivent ce même élan, place au biblique : « Paradise on fire » et « Destroy those who destroy the Earth. ». Sans aucun doute, Zachary Cole Smith utilise le parallèle avec ses problèmes personnels pour dénoncer ouvertement l’américain Don Blankenship, un baron du charbon et climato-sceptique.

La tendance grunge et métal se confirme sur le morceau final. Archeon est une conclusion déconcertée de sept minutes. Pris au piège de la drogue et d’une planète malade, les lendemains s’annoncent sinistres et sans espoirs : « Hate the god / I don’t believe in / Heaven’s just a part of hell ». L’influence de Deafheaven, dont le groupe a partagé la dernière tournée, est grandement importante ici. D’une, par les textes, de deux, instrumentalement : les relances du titre se font par une batterie et des guitares graves, lourdes et saturées, donnant ainsi une atmosphère blackgaze qui nous amène vers une fin apocalyptique.

Au final, si Deceiver renouvelle le son du groupe, il n’atteint pas la qualité des deux premiers disques. Cependant, il n’en reste pas moins un très bon album qui s’écoute avec plaisir et sans retenue. Il servira sans aucun doute de transition pour revoir peut-être DIIV plus apaisé, enjoué et positif dans l’avenir. C’est tout ce qu’on leur souhaite.