Sarakiniko est de retour avec un nouvel album, Dehors. Si nous étions déjà conquis par Red Forest sorti en 2022, nous sommes ici subjugués. Surprenant, assumé, imbibé de français, un disque de « pop crasseuse » hautement recommandé en ces temps hivernaux.
Artwork de Dehors par Morgane Caux
Sarakiniko vit en Bretagne, là où les terres frôlent le ciel et où l’océan devient horizon. Et quand la bruyère joue avec le vent, l’artiste lace ses mots, près du cœur.
Deuxième album et toujours seul… ou presque. Une voix féminine apparaît ça et là, apportant chaleur et communion. Pour le reste, il construit ses sonorités au gré de ses pensées. Sombres et habitées, entre le rêve éveillé et la vision d’un monde désolé.
Red Forest en 2022 ou l’exploration de la forêt, dense et possédée. Nous vous en avions parlé déjà ici. Puis un passage aux Trans Musicales de Rennes et la chaîne américaine KEXP. Sarakiniko prend la lumière et elle lui va bien.
Dehors sort alors le 13 octobre, toujours chez La Maison des Corbeaux / Modulor. Dix titres flirtant entre le français et l’anglais, entre poésie caressante et brutale, entre shoegaze et pop crasseuse. Celle qu’il se plaît à qualifier de « mud-pop » car peu ordinaire et un peu sale.
C’est une musique qu’on apprivoise, qu’on découvre sur des falaises abruptes du Finistère, le soir au coin du feu tandis que les bûches se transforment petit à petit, avec la rosée du matin quand les pas craquent sous les feuilles d’automne. C’est une musique d’apprentissage, de découverte, de rébellion. Pour faire rencontrer le monde intérieur qui crépite et le monde du dehors qui existe, si fort.
Plus singulier que le précédent album, Dehors puise dans les entrailles de son créateur. Il en ressort de la vie, uniquement de la vie. L’enfance en filigrane, la spontanéité en prime.
Du joyeux et solaire Golden Glows en ouverture à Strange Breeds, ce tube au refrain si simple et pourtant si envoûtant. De cet autre titre, Human is past dont on se rappellera, à la chanson de l’amour, Lovers Stay Mortal, celle où la nature se joint à nous. Les enfants, présents, évidemment. Sur Oona et Are We Dead ? Quand le shoegaze n’est jamais loin et qu’une voix féminine en fond, s’élève.
Mais là où on aurait précisément envie de s’étendre c’est sur Dehors. Ce titre de plus de sept minutes qui donne le nom à l’album. Emblématique, puissant, mystique. Ici Sarakiniko déploie la poésie française sous quelques riffs que l’on retient instantanément. Des bruits inconnus habillent le morceau, tandis qu’une voix de femme colore les notes, sous des accords crades. Les mots comme boucliers, parlés ou chantés. On pense au groupe L’épée. Puis on pense à la Nouvelle Vague sur L’avenir La Fin. Les paroles, le rythme, le psychédélisme des années 60. Tout y est. Il faudrait aussi parler de la chanson Le Royaume, et ainsi clore la boucle des morceaux qui vivent en français. Ici Sarakiniko, seul, à parler à son enfant intérieur. Et ces quelques mots égrénés, « le feu en nous restera ». L’élan vital, la transmission, la création.
Finalement, Dehors se conclut avec Coal, sublime et frondeur. La guitare saigne, les mots pleuvent.
Et nous. Nous, rassérénés, rassurés et finalement bercés par cet album. Dix titres lumineux et sincères, pour explorer la vie, la faire, la créer, et surtout, l’aimer.