Loin du tumulte qui aurait pu suivre son prix au INOUïS du Printemps de Bourges, Demain Rapides a préféré la discrétion. Ainsi, depuis un peu plus d’un an, il travaille dans l’ombre et continue d’impressionner son monde à travers le live. C’est à l’occasion d’une de ses dates qu’on est allé prendre de ses nouvelles pour parler de l’année écoulée mais aussi des projets à venir.
La Face B : Salut Damien, comment ça va ?
Demain Rapides : Ça va super et toi ?
LFB : Ça va bien. Je vais revenir en arrière. Tu as eu un prix aux Inouïs l’année dernière. Je me demandais comment tu l’avais pris ? En sachant que ça implique forcément des espèces d’attente de l’industrie et j’ai l’impression que tu as fait l’inverse de ce qu’on attendait de toi un peu.
Demain Rapides :: Je ne sais pas si on attendait vraiment un truc de moi. On me l’a remis donc je l’ai pris dans mes mains, je l’ai mis dans un sac. Je pense que ça valorise un travail fait sur le long. Avec Antho, on a quand même pas mal bossé, presque deux ans avant d’arriver jusque-là. Donc je pense que c’est quelque chose qui vient un peu saluer ce travail. Je l’ai pris comme ça au départ. Après, à un moment donné, j’ai eu une sorte… Je ne sais pas si c’est une pression, le terme est mal choisi mais justement, tu parles d’industrie musicale, c’est forcément étroitement lié. Je crois que c’est le regard des autres. Les gens veulent que tu ailles vite, que tu fasses des choses.
Concrètement, pour être très bref, je l’ai pris dans le cœur. Ça salue notre travail sur deux années pleines. Le travail ne s’arrête pas aux prix au final. Nous, on n’avait pas fini notre session de travail à ce moment-là. Ce n’est pas parce qu’un prix me tombe dans les mains que je vais devoir forcément sortir un truc deux mois après. On en était pas là. On les a préparé aujourd’hui, ça devrait arriver un jour et YOLO.
LFB : Il y a vraiment cette idée, un peu ce qu’à fait Brique Argtentoù, lui avait déjà son plan en tête de sorties.
Demain Rapides :: Moi pour être honnête avec toi, j’ai tenté les Inouïs parce que c’était une envie de me confronter à ça pour voir où on en était. En fait, quand tu regardes Brique, je pense que c’est la même chose sauf que lui, si je ne dis pas de conneries, il l’a fait juste avant. Accompagné aussi par David Rivaton. Il y a un management de base. On rajoute déjà un cerveau dans l’équipe, pas n’importe lequel, qui connaît déjà ces strates de l’industrie. Moi je suis en local. C’est vrai, je suis en DH. C’est cool, je kiffe mais c’est des gens du local qui font très bien leur boulot mais on n’est pas du tout dans des pensées où il faut sortir dans six mois et faire péter les streams. Ce sont des choses qu’on apprend aujourd’hui.
LFB : Est-ce que t’as envie d’aller vers quelque chose de plus centré ? Trouver un manager ? Se « professionnaliser ».
Demain Rapides : Évidemment que oui. Dire non serait te mentir. On ne bosserait pas comme ça si ce n’était pas le cas. Mais le truc, c’est que pour moi, c’est un truc qui doit se faire en réalité hyper augmentée. Je ne peux pas juste précipiter les étapes, secouer le cocotier et prendre le premier truc qui tombe. Il y a de l’humain dans ça, il y a ton projet, des tripes, des années de boulot. Il y en a aussi peut-être à venir dans le futur. Je pense qu’on ne peut pas s’enfermer avec n’importe qui, n’importe comment. J’ai envie à la fois d’être respecté mais aussi de respecter mes collaborateurs, collaboratrices. Je pense que des fois, précipiter les choses ça serait peut-être un peu partir en pleine mer sur un radeau pas très stable. Je mets du temps, c’est vrai que je suis un peu long.
LFB : C’est intéressant parce que j’ai l’impression qu’il y a justement cette volonté de ne pas brûler ces étapes où après un truc comme ça où tu as de l’exposition et pas mal tourné, alors qu’il y a des gens de l’industrie qui peuvent se dire qu’ils vont aller profiter de ton buzz et l’essorer un peu pour voir si ça peut marcher. J’ai l’impression que tu as aussi cette volonté de ne pas aller dans le grand bain avant de maîtriser le petit.
Demain Rapides : Je pense que même naturellement je n’ai peut-être pas forcément le profil recherché non plus. Attention, je ne vais pas essayer de me rendre autre ou unique, je pense que la musique qui est faite depuis le départ, moi je suis assez étonné déjà de là où ça peut arriver et j’en suis très content. Ça ne veut pas dire que je vais me contenter du quignon de pain qu’on me laisse, visons la boulangerie entière. Mais je ne suis pas forcément le profil, que ce soit musicalement ou dans mon avancée personnelle où on se dit qu’il y a un truc à modeler du début à la fin.
Évidemment que j’ai discuté avec des gens qui étaient très enrichissants, que les discussions aient abouti ou non. Elles ont créé quelque chose chez moi dans tous les cas. À un moment donné, tu fantasmes un milieu auquel tu n’appartiens pas du tout, dans lequel tu n’as jamais mis aucun orteil et d’un coup, tu es dans le bureau de ces gens. Ils te parlent d’une manière où on se connaît depuis des années. Je crois que ce sont toutes ces choses-là où je me suis dit : est-ce que c’est forcément pour moi ? Je ne dirais pas ce milieu ou l’industrie entièrement parce que je ne rends pas les choses binaires.
Il n’y a pas du bien ou du mal. Il n’y a pas la terre du milieu et le Mordor. Il y a de l’entre-deux. Il y a Frodon qui des fois part en couilles et des fois fait des choses bien et il compte sur Sam pour le sauver plein de fois. Je pense que j’essaie de m’entourer d’abord de plein de Sam avant d’aller affronter l’œil de Sauron.*
LFB : J’ai vu que tu avais bossé avec UTO. Quand on en avait parlé à l’époque, tu me disais que la création, c’était aussi un truc très solitaire parfois et pas partagé. Qu’est-ce que ça t’a apporté de pouvoir partager la création avec les autres ?
Demain Rapides :: Plusieurs choses. Déjà, l’idée de partager avant, ce n’est pas qu’elle était compliquée à mettre en place. Juste au niveau local à Lille, on a une belle scène musicale. Donc je partageais déjà de la création musicale, notamment avec Baptiste de Yolande Bashing où ça fait cinq ans, on a un groupe dans des disques durs qui verra le jour à un moment donné. Le partage existait déjà. C’est juste de me dire que dans mon projet solo, qui existe avant tout pas pour une sorte d’égo surdimensionné mais par frustration de ne pas trouver le temps avec les gens, de trouver les bons créneaux, d’avancer un peu à une certaine vitesse. À la remise du prix, j’ai essayé des choses qui m’étaient un peu proposées parce que j’en fantasmais beaucoup et en fait, toutes ne sont pas faites pour moi. Mais il fallait toutes les tester. Là, tu me parlais d’Émile de UTO. On a bossé ensemble et le morceau on l’a bossé très vite. Ça s’est fait en une journée et demie. Entre deux gâteaux et un plat de pâtes aux oignons. Chanmé. Par la suite, on s’était dit qu’on allait bosser sur d’autres morceaux. L’équilibre de la vie ne nous l’a pas forcément permis et pas plus mal, parce que je suis parti interroger d’autres personnes autour de moi. Notamment Thomas Le Gouge de Darwin Expérience, avec qui on a fait pas mal de prod’ et compagnie.
C’était super cool. J’ai appris beaucoup de choses à ses côtés parce que le mec est une sorte de technicien assez hors pair. Moi, je suis plutôt dans du collage de trucs. Lui il sait ce qu’il fait. Mais à un moment donné, je lui ai dis que j’avais peur qu’on déforme totalement peut-être ce qui fait la caractéristique de mon projet. C’est cool de transmuter l’ADN pour l’amener peut-être de Goku à un super saiyan mais si on l’emmène de Goku à Hercule, c’est relou. Il y a des gens qui pourront dire que c’est cool mais moi, ce n’est pas mon souhait.
La puissance n’est pas forcément que dans la technique ou dans la puissance sonore que tu peux avoir. Je pense qu’elle est aussi dans la sensibilité que tu mets dans ton projet. Parfois quand tu ne sais pas comment partager… Soit tu es dans un moment de doute de ton projet, ou à un moment où tu as envie de donner du lest pour voir ce qu’il se passe. C’était une année d’expérimentations. Elle était très enrichissante. J’en ai tiré beaucoup de choses. Il y a des choses que je vais garder et d’autres non. Il n’y a pas de réponse : c’était nul ou c’était trop bien. C’était très enrichissant. C’était inévitable.
LFB : Tu vois l’évolution, ne serait-ce que sur le live. Ça faisait un moment que je ne vous avais pas vu et là, tu as complètement retravaillé les prod’ et il y a un truc qui était déjà cohérent avant mais qui l’est encore plus je trouve. Avec plus d’ambition aussi. Si on prend l’idée de voiture, j’ai l’impression que vous l’avez tunée, que vous avez vraiment travaillé pour que ça soit beaucoup plus efficace.
Demain Rapides :: Évidemment. C’est ça l’idée. Le piège dans tout ça, c’est que des fois, tu oublies un petit peu la version numéro une de ta voiture un peu tunée. Il faut faire attention à ça. C’est cool de rajouter des flammes sur le côté, mais est-ce qu’elles ne couvrent pas les dauphins d’avant qui faisaient plaisir ? Ça il faut faire attention. C’est un peu comme le bateau de Thésée. À un moment donné, tu changes des planches. Quand tu as changé, est-ce que ça reste le bateau de Thésée ou non ? Là, c’est la même chose. À force d’avoir changé des trucs, Antho je le rendais fou, j’arrivais toutes les semaines en changeant ce qu’on allait faire. J’étais dans des trucs totalement dans les oppositions, parce que j’avais envie de changements mais en même temps je sentais qu’on partait trop dans quelque chose d’autres. Je ne voulais pas forcément une batmobile. Chacun son véhicule.
LFB : Est-ce que tu le canalises sur des idées ?
Vesta : Ce n’est pas que je le canalises, j’essaie de le conseiller du mieux que je peux aussi mais d’un autre côté, j’ai envie de te dire que tout ce qu’il fait comme démarche, ce sont des trucs que moi aussi je rêvais de faire. Donc j’apprends de tout ce qu’il a fait cette année.
Demain Rapides : Je me brûle les ailes pour deux.
Vesta: Un peu. C’est marrant mais on ne fait que ça, grandir ensemble. Je ne peux pas me permettre non plus de lui dire stop, tu vas trop loin. Il doit vivre son truc à fond, c’est sa musique. Il sait ce qu’il fait. Juste forcément, ça peut arriver d’être déstabilisé quand tu entends trop de sons de cloche. Tu parlais des rencontres qu’on peut faire suite au prix, forcément il y a plein de gens qui te parlent, te mettent des nouvelles idées dans la tête, ça peut aussi te faire l’effet de te perdre aussi. Parce que tu as plein de sons de cloche différents. Sur ce point-là, j’essaie de l’aider mais il doit d’abord faire son truc tout seul. Je ne suis pas en mesure de le conseiller plus que ça.
LFB : Tu participes à la prod’ du projet musicalement ou pas du tout ?
Vesta : Non, disons qu’on a essayé de le faire il y a longtemps et en fait, c’est plutôt vraiment au niveau du live qu’on travaille ça ensemble, sans trop savoir ce qu’on veut forcément mais on essaie des choses.
Demain Rapides :: C’est beaucoup sur l’instinct. On va se réunir. On répète beaucoup au Flo. On se prend des bonnes sessions et comme on a ce truc un peu de temps et d’espace qui est un peu cool, on a vraiment le temps de bidouiller, de réfléchir à des trucs sur l’instant T, de tenter des trucs. Ce qui est bien, c’est qu’il fait de la musique, a un projet solo. En termes de propositions musicales, il n’est pas en manque. Il y a quand même un ping pong dans la construction du live. Il n’est peut-être pas dans la production originelle du morceau sur l’instant T où je suis tout seul comme un bolosse dans mon bout de salon, mais il participe à la finalité de tout ça. Rien que par le fait de la couleur qu’il a apporté avec les machines, parce que sont les siennes, cette couleur que moi je n’aurais pas su apporter. C’est quand même une collab.
LFB : Finalement, comme tout passe par le live et que pour l’instant, rien n’est figé parce que tu as toujours qu’un titre.
DR : On va changer ça parce que là, je me tire des balles dans le pied avec ce titre qui date de je ne sais quelle année bissextile. Là, il faut vraiment donner la donne.
LFB : Et musicalement en plus, ça ne ressemble plus du tout à ce qu’il est maintenant.
Demain Rapides :: C’est ça.
Vesta : Tu trouves ?
Demain Rapides :: Il est un peu plus pulsé, nerveux. On a augmenté le BPM, on a touché à pas mal de trucs.
Vesta : Mais c’est cool si on restes quand même dans la même lignée esthétique.
Demain Rapides :: Évidemment, c’est ça le but. Je me rappelle Charles qu’il y a quelques mois, je t’avais envoyé un morceau et j’avais vraiment apprécié ton retour. C’était un moment d’énorme doute, vraiment le moment où j’étais… Quand tu vois des gens aussi pluriels qu’ils peuvent être, qui vont t’attraper et te dire que c’est génial ce que tu fais et qu’on se voit bientôt. Quand tu les vois, d’un coup ce n’est plus si génial. D’un coup, il faut changer des trucs. Là, tu te demandes ce qu’ils aiment dans le projet. Tu peux être un peu sur tes positions, tu sais ce que tu fais. Je ne vais pas mentir, je sais quand même un peu ce que je fais, je ne suis pas dans la tempête mais il y a des moments, quand il y a trop de vents contraires, c’est un petit peu fatigant. Mais même moi j’avais des envies. Ce n’est pas comme si je ne consommais pas cette musique-là, donc il n’y a pas d’idée de choses qui sont loin de mois mais c’est quelque chose que j’écoute mais j’ai compris que je ne savais peut-être pas le faire.
LFB : Tu prévois de sortir des trucs là ?
Demain Rapides : Oui, c’est l’objectif. Il y a quand même eu une année où j’ai travaillé. J’ai quand même pas mal de morceaux sous le coude, de maquettes. Il faut les concrétiser. Il y a des choses un peu plus avancées que des maquettes. Il faut trouver le bon ordre et compagnie. C’est de la discussion ça avec moi-même d’abord et ensuite avec un peu d’extérieur aussi. Un extérieur hyper sélectionné pour éviter justement tout ce truc de vents contraires. On a plus envie de perdre du temps avec ça. Je crois que je me suis aussi pas mal solidifié, de toutes ces expériences. J’avais besoin de passer par cette étape de traverser les grands vents parce que c’est là où tu captes exactement où tu veux être. Je suis cet enfant face à tout ces bonbons différents. Laisse moi les tester et après je vais choisir.
Crédit photos : David Tabary
Demain Rapides est excellent, je lui souhaite trop le meilleur et ai, égoïstement, hâte qu’il nous montre les projets qu’il a concocté.
Aussi, il y a tellement de faute de frappes dans l’article. Ça distrait.
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