Auteur prolifique d’une dizaine d’albums et considéré comme l’un des pères de la nouvelle scène française, Dominique A revient avec un treizième EP intitulé Le silence ou tout comme. Un nom attribué à juste titre puisque l’artiste y dessine un continent de calme, de contemplation et de souvenirs…
…un territoire qui s’est peu à peu construit sur les bases du confinement. Une période de renouveau et de changement de cap à en croire les mots de Dominique A : « Puisque la période rebat toutes les cartes, profitons-en pour faire les choses différemment. » Alors, l’artiste se remet à composer dans l’instant présent – l’urgence – comme un retour aux sources ou plus précisément à sa propre identité artistique.
Espace de la fragilité et des Papiers Froissées
L’EP s’ouvre sur le morceau Papiers Froissées dont les sonorités organiques semblent être jouées sur un orgue lumineux. Quant au chant, on retrouve le même phrasé qu’au sein du titre La Poésie, issu du précédent album La Fragilité. Justement, ce morceau semble être l’écho d’une certaine fragilité, sensibilité, que ce soit à travers un refrain presque voilé, allant dans les aigus et semblant hanté par Christophe; ou à travers le texte évoquant des hommes faits de papiers froissés, comme s’ils étaient abîmés. En parallèle, un sentiment de nostalgie semble embaumer la chanson. Dominique A chante « cette manie de ressasser certains de nos petits plaisirs, une façon de se défroisser. » Une sensation que nous avons ressentie au moment du confinement, lorsque la rupture était telle que l’on croyait voir La fin d’un monde, que l’artiste nous chantait déjà il y a quelques années. A quoi s’ajoute une mélancolie portée par le refus de voir disparaître les moments de plaisir et de douceur. C’est presque comme si Dominique A nous susurrait « que ne durent que les moments doux ».
Contemplation des vieux fantômes
Comme pour chercher le silence, l’artiste murmure à nos oreilles. Alors que ces premiers albums résonnaient plus forts, plus vifs et criant, l’atmosphère créée est propice à la sérénité et la contemplation. Tel un gage de maturité entamé à travers les albums La Fragilité ou encore Toute latitude. Les morceaux ont une âme quasi fantomatique, errante. En ce sens, on pourrait presque entendre des esprits tourmenter une Vie étrange. Et pour cause, Dominique A convoque « la disparition d’un chanteur aux mots bleus » : « Quelle vie étrange, plus de mots bleus. » Un hommage à Christophe parti rejoindre les paradis perdus. On retrouve également cet aspect contemplatif voire observateur s’immiscer A la même place. D’un point de vue externe, il raconte l’histoire d’un couple assis dans leur voiture, immobile et statique. On pourrait presque apercevoir cette scène en imaginant Dominique A, dans un appartement Nantais en train d’observer par la fenêtre le véhicule baigné dans un paysage urbain caressant l’océan. Pourtant le rythme est composé de motifs pulsés, propulsés, frôlant la punk et la club. Le musicien développe la composition de cet EP : « Délaissant un travail d’écriture au long cours, l’idée m’est ainsi venue d’improviser des morceaux avec claviers et boite à rythme, sur des textes écrits dans l’instant, et chantés à très faible volume : comme lorsqu’on ne veut pas réveiller quelqu’un, et comme pour ne pas troubler le silence que je percevais tout autour dans les rues. »
… Un lieu énigmatique, Mystérieux
Comme s’il parvenait à former à travers Le silence ou tout comme, l’auteur semble fermer une boucle en rapprochant musicalement le premier titre Papiers froissés au dernier Un lieu mystérieux. Cet endroit énigmatique semble être celui de la rêverie ou de l’enfance, comme évoqué au sein d’un titre d’ouverture. Puisque Dominique A évoque des moments doux, où la nature possède une place à part entière : « Au bord du fleuve, un banc de sable, passé le sol marécageux, où se convulsait de grands arbres. On se retrouvait à neuf heures tandis que les parents buvaient. Nous ne commettions pas d’erreurs, l’amour n’était pas un secret. »
Ce qui fait la force de ce format court est sa sincérité, puisque l’on ressent avec justesse l’intention décrite par Dominique A : « J’ai eu l’envie de traduire musicalement la façon dont je ressentais ce que nous traversions, l’atmosphère qui se dégageait.»