Dope Cool Lemon

Angus Stone, par son projet Dope Lemon, est venu nous donner une leçon du cool version australienne au Bataclan. Cool, ça l’était. Peut-être un peu trop.

Freak Slug est un quatuor mixte anglais qui tourne autour de la pop indé, un petit côté dream pop, et ouvrait le concert du soir. On fait ici la part belle aux mélodies simples, guitares claires, nappes de synthés. Une batterie qui appuie les temps, secondée par une basse simple comme bonjour. Ce genre de groupe est toujours dans le bon format quand les riffs se jouent, se rejouent, s’étalent lentement dans le temps, pour donner un petit côté mélancolique, de fin d’été. Ce qui est le cas avec elleux. Le groupe est porté par la voix grave de sa chanteuse, qui donne un côté plus profond à des chansons qu’on croirait plus légères qu’elles ne le sont vraiment.

Malgré des million d’écoutes sur quelques-uns de leurs titres, et donc une certaine aura, on voit le groupe déambuler sur scène avec une certaine discrétion, limite de la timidité. Certes, le genre ne s’y prêtent pas, on ne s’attend pas à des cabrioles, néanmoins on tire sur le shoegaze, au moins dans l’attitude. Voilà pour la partie scénique. Sans forcément briller de mille feux, Freak Slug assure avec maîtrise cette premier partie. Peut-être que l’envergue de la salle ne s’y prête pas vraiment, on gagnerait sans doute à les découvrir dans un contexte plus intimiste.

Dope Lemon, c’est le projet solo d’Angus Stone. Notre protagoniste du soir a été connu avec sa sœur Julia et leur duo planétaire. Au travers pléthore d’albums et de tubes, comment ne pas citer Big Jet Plane, la fratrie a tourné à travers le monde avec cette pop folk indé magnifique. Puis chacun.e a tenté l’aventure en solo. C’est là qu’est né Dope Lemon. Pas de révolution, Angus n’est pas parti sur du métal (quelle surprise cela aurait été), on reste toujours dans la même veine, de la folk indé très pop. Pourtant ce projet-là a ce petit côté psyché, limite plus chaleureux que le projet initial de la fratrie. Plus chaleureux, et bien plus groovy.

En effet, avec trois albums déjà à l’écoute, et un quatrième en cours d’acheminement, Dope Lemon s’assoie déjà sur un univers bien défini. Ces trois efforts, d’un même soupe, propose malgré tous trois identités légèrement différentes. Honey Bones (BMG / 2016) et Smooth Big Cat (BMG / 2019) rentrent dans la case de folk avec son petit brin psyché. Prenez Marinade ou Hey You, les deux ouvreuses, un riff qui roule et roule, du delay dans la voix, et ça tourne et ça tourne. Ambiance chaude, on reste sur l’été, l’Australie, la plage, le sable, et une bière dans un coin. Rose Pink Cadillac (BMG / 2022) monte un peu en tempo, s’étoffe de sonorités différentes, peut-être plus élaborées. Le prochain effort s’annonce encore plus fouillis, plus exquis. Sur le peu qu’on a eu à écouter, on groove sur un tempo encore plus rapide. Ça risque d’être un album encore bien excellent.

Sur scène, le groupe fait preuve de coolitude (ouais) à l’excès. Tous coiffés de chapeaux, le quatuor qui accompagne Angus Stone est une formation rompue à l’exercice scénique. Toutes les chansons sont excellemment interprétées, les automatismes sont là, tout est millimétrés. En live, bien sûr, chaque chanson ressort un peu plus épicée, les guitares crachent un peu plus, la crash est un peu plus intense. On se retrouve avec ce petit quelque chose d’énergie qui nous manque dans nos écouteurs. On découvre le côté grandiose de sons dont on ne soupçonnerait pas le potentiel. On a eu l’occasion d’avoir, en plus du single déjà sorti, deux autres aperçus du prochain opus. Madre de dios, le cool n’a pas fini de lentement flotter dans nos oreilles

Pour autant, le cool peut rapidement se trouver longuet, quand il est de trop. C’est un peu le cas ici. On prend son temps, on change de guitare entre chaque morceau (oui, chaque), on n’hésite pas à demander 86292620 fois « How’s everybody doin ? We feelin good ?« , et, in fine, on casse le rythme. C’est toujours sympas de demander comment va l’audience, mais à la longue, c’est chiant. On se retrouve avec des chansons magnifiquement exécutées, une présence scénique d’un homme ultra charismatique… mais des blancs (et noires lumières) qui tue dans l’œuf toute ébauche d’ambiance, d’identité de concert. On est à la cool, le dimanche, tranquillou, on prend un peu trop le temps. Pas de péril en la demeure, rassurons nous, pourtant que c’est dommage. On a tous les ingrédients d’un concert inoubliable (et le temps de rajouter deux ou trois sons à la setlist, largement), mais il n’y a aucun liant, aucune identité. Encore une fois, ce n’était pas suffisant pour gâcher la fête, Dope Lemon, c’est quand même vraiment super cool.

Crédit Photos : Clara de Latour