Droges, terres de colère

Droges est l’expression frontale de la radicalité. Sur fond de techno pétaradante, le duo formé par deux « tekos » Bastien Rossetti (ingénieur lumière) et Steve Surmely (ingénieur son) ne mâche pas ses mots. Les gars les ont posés sur un album qui donne le ton de la révolte : Tout ça on crame. Dans une époque où les fossés sociaux se creusent toujours plus, Droges n’a plus le temps pour la légèreté. Pas l’temps d’niaiser comme diraient nos cousins québécois. Délicieusement provoquant, musicalement explosif, plongez avec nous dans le premier album de Droges.

Ça commence sagement, du moins, c’est très vite dit ! Sur fond de techno nerveuse, archi synthétique qui pourrait faire penser à l’esthétique des années 1980 et aussi brutale qu’une composition de Kompromat, Fils de bourge crève insuffle la tendance générale de l’album. Créatifs, lors d’un semblant de couplet, les gars jouent sur une énumération de villes aux réputations bourgeoises. Pour clore le tout par un ironique : bisous.

On oubliait une petite explication qui trouvera sa place à l’occasion de la chanson. Ça veut dire quoi en fait Droges ? C’est simplement la contraction de Drôme et Vosges d’où sont originaires nos deux lascars. Et pour bien le faire entendre, rien de mieux qu’une chanson où ils répètent inlassablement la Drôme et les Vosges sur fond d’une boucle rebondissante. Et le temps d’un moment lumineux, comme un rai de lumière franchement soudain – on pense à cette scène du cultissime film Les Blues Brothers, où le faisceau lumineux divin se pose sur feu John Belushi -, la voix est ralentie, comme prise dans un bâillement répète les départements sus cités pour mieux repartir sur la boucle initiée plus tôt.

Dans une ambiance coldwave à la française qui peut rappeler certains morceaux de Taxi Girl, Droges s’en prend cette fois-ci à ceux qu’on appelle désormais les mascus – abréviation de masculinistes, une espèce qui a toujours existé mais qui jusqu’ici plus affirmée à l’heure des réseaux sociaux. L’appel est simple : Mascu ferme ta gueule. Si on pourrait trouver le refrain un brin simpliste et peut-être vulgaire, il faut écouter les couplets qui viennent étayer le message central qui a le mérite d’être libérateur.

A l’heure des « tutos » pour tout et n’importe quoi que l’on peut en plus générer avec une IA, le duo se lance dans un Mode d’emploi pour dégonfler un SUV. Antifas et écolos font souvent bon ménage aussi bien en manifs que sur l’échiquier politique. Sur le plan musical, c’est résolument plus froid et profondément inscrit dans l’urgence.

De prime abord c’est la voix off narrative d’un reportage issu d’un énième journal télévisé, Droges balance Les invisibles. En découle un récit factuel sur un tempo soutenu qui décrit une situation alarmante. En moins de 3 minutes, Droges sert un discours efficace, bien écrit sur une techno moins virulente. Plus punk synthétique dans son approche, Toujours en retard traduit les pensées des « invisibles » mêlées à celles de leurs oppresseurs. Ce n’est pas une maladie, ce n’est pas une tare. Et pourtant, il y aura toujours quelqu’un pour vous ramener à votre soi-disant inculture.

Tant qu’à tirer sur l’entertainement, Droges a choisi son timing et a dégainé lors du relancement du télé-crochet Star Academy un morceau au titre tout aussi explicite : Star Ac. Et habilement, Droges s’auto-critique en retournant le mépris de classe contre lui. La partie rythmique est soutenue, les synthés aiguisés, on imagine une montée en puissance continue en concert.

Bah ouais c’est une techno beaucoup plus dopante, bonne pour la vitalité. Résolument plus compact, Bah ouais est brut et va à l’essentiel. Plus intense et plus complexe dans sa création non moins dansante, c’est Pas de cerveau !

Il vous est peut-être déjà arrivé de rêver de posséder un bien immobilier dans l’espoir d’avoir une nouvelle source de revenus – voire à peut-être vivre dedans mais… Non. Ces mêmes réguliers revenus vous font bien comprendre que ça ne sera que de l’ordre du fantasme. Pour vous le rappeler, Droges signe Jamais proprio. C’était le premier morceau qui nous a fait découvrir l’ambiance du duo et nous a séduit : la radicalité sur fond de techno pulsante.

Bien que le duo ne revendique aucune forme d’appartenance partisane, il s’ancrerait aisément dans l’anarchisme. C’est d’autant plus saisissant quand il reprend la chanson de Renaud Où c’est qu’j’ai mis mon flingue qu’il renomme OCQJMMF. Faisant voler en éclats toute possibilité de les « ranger », le duo s’arrange avec les propos et les remet au goût du jour dans un point d’ancrage très 2025. On sautera à pieds joints pour taper le rythme. Comme un dernier coup de matraque, Musique consensuelle vient sonner la fin de l’album. On y trouve un morceau bien nerveux qui renoue avec le punk synthétique.

Sans faire dans le discours réducteur voire complètement caricatural, Droges construit un album sans concession – ni de sessions pour les cons. Puisant dans la musique électronique pour mieux faire passer ses messages, Droges a le goût du verbe frontal. Tout ça on crame s’illustre avec un cocktail Molotov qui n’attend que de s’enflammer, laissant voir venir une suite toute aussi explosive. Droges est l’expression franche d’une colère, d’un plus que ras-le-bol aussi social que politique. Le groupe a déjà commencé à rencontrer son public sur les scènes de France, on le retrouvera le 15 janvier prochain à la Maroquinerie pour un concert qui promet d’être chaud bouillant.

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