Dune : dans les sables émouvants de Canine

Il est de plus en plus rare que des projets gardent une part de mystère. À l’heure des Internets, tout se sait et vite. Pourtant Canine a réussi à jouer de ces problématiques. Étaient-ils légion ? Un collectif ? Un homme ? Une femme ? Tout cela n’avait que peu d’importance à l’écoute d’un premier EP éponyme qui nous présentait un univers sensoriel et émotionnel puissant. Depuis, le mystère s’est un peu étiolé et c’est ainsi qu’on découvre aujourd’hui Dune son premier album.

Il existe parfois des albums qu’on n’attendait pas. Mieux, des albums qu’on n’espérait pas. Des albums aussi inattendus que finalement nécessaires. Des albums qui collent à ce point à notre ressenti du moment, aux sentiments et tiraillements qui nous habitent qu’on se retrouve un peu choqué à leur écoute, pensant étrangement que cette musique devait nous rencontrer. Destin ou hasard, on ne sait pas trop, toujours est-il que dès la première écoute c’est notre âme qui est frappée, cajolée par une pommade musicale qui s’enroule autour d’elle pour lui faire du bien. Panser certaines plaies et permettre de voir avec un peu de recul la situation qui nous brouille les yeux depuis un moment. Ces albums sont rares et précieux. Quand on se confronte à eux, il faut les traiter comme ils le méritent : avec amour. Notre découverte de Dune, premier et somptueux album de Canine, intervient à une période un peu trouble, dans laquelle les doutes et les sentiments hypertrophiés se sont mélangés en nous jusqu’à nous faire tourner la tête. On a trouvé dans cet album, quelques réponses, des certitudes et une chaleur aussi inattendue que nécessaire. On s’est plongé la tête la première dans les sables émouvants de Canine.

Nous ne sommes pas réellement des esprits analytiques. On nous l’a reproché assez souvent. On se laisse emporter par nos émotions, jusqu’à en faire trop parfois. Sans doute parce qu’on ne sait pas vraiment faire autrement et parce qu’au final, la musique est avant tout un vecteur de sentiments, un transporteur d’émotions salutaire. On est des hypersensibles et quand la beauté d’un projet nous frappe, elle nous frappe fort. Autant le dire sans ombrage, Dune nous aura fait l’effet d’un véritable tsunami émotionnel qui nous aura mis à genoux. Un album qui porte bien son nom, Dune comme le sable, l’infini qui pourrait nous effrayer par son immensité, son uniformité avant qu’on ne soit touché par le sublime, par l’infini de ce qu’il représente et la folie qu’il peut nous apporter. C’est un peu ça la musique de Canine, un univers affirmé, réfléchi, qui prend ses racines dans la personne qui créé cette musique pour offrir un arbre dans le désert qui s’étend dans le cœur de chacun. Un faux mirage porté par une voix mouvante, sensorielle, qui se joue des genres et des sexes, qui ne cherche qu’à porter ces messages. En ressort à l’écoute cette sensation étrange, de multiples, de voix qui se chamaillent et se répondent et qui ne sont pourtant qu’une. Un tourbillon étrange qui frappe dès le premier titre Laughing  et Fight qui porté par cette voix offre aussi deux autres piliers fondateurs de l’univers de Canine : des cordes cinématographiques et des intentions électroniques.

Cette sainte trinité vocale et musicale portera un album qui se joue comme une épopée, un voyage mystique, puissant, intérieur et universel. Chaque chanson devient ainsi une étape, un arrête avec son ton, son emprunte et son ressenti.allant chercher aussi bien dans la soul, le gospel, la pop ou le jazz. Bienveillance  se transforme en cavalée sauvage, une fuite en avant. Home est une comptine épique, tandis que Sweet Say Forgiveness ou Twin Shadow sont de véritables pépites pop faites pour briller et faire exploser des concerts qu’on imagine explosif, à la croisée de la messe blanche et de la communion totale.
Notre cœur ne cesse d’être bousculé et de basculer en permanence, Dune nous emporte vers la transe alors que Temps nous terrasse jusqu’à Jardin, étape finale, arrivée prophétique vers l’étape ultime et lumineuse.

Mais au-delà de cette forme sans cesse transformée, toujours surprenante, jamais redondante, c’est le fond qui nous frappe. Car c’est avant tout ce qui fait la force d’un album, sa capacité à offrir du fond tout en soignant sa forme. Ici Canine analyse la capacité humaine à la résilience, notre façon de rebondir sur des traumas pour en ressortir un travail aussi politique que poétique. Elle mélange les langues, en fonction des intentions et des couleurs. Elle interroge son temps, la société, le rapport qu’on a avec le collectif, avec les éléments et avec les animaux.Se besoin que l’on peut avoir de croire si fort à l’autre au point de se perdre en lui et d’aller finalement trop loin. Elle malaxe ses obsessions pour les adapter aux questionnements de chacun, offrant ainsi avec Dune un album plein, complexe qui nous fait réfléchir, nous bouscule, nous transperce et fatalement nous bouleverse.

Dune de Canine est un cri du cœur, un appel à la résistance, un appel à être ensemble. Œuvre musicale complète, œuvre humaine absolue, la musique de Canine n’a de sens que si elle s’offre une caisse de résonance dans le corps et l’âme de ceux qui l’écoutent.

À ceux qui vivent trop fort, à ceux qui ressentent trop, à ceux qui se cherchent, ceux qui se cognent la tête contre le mur, qui pleurent trop et  qui ne comprennent pas toujours leur place dans le monde qui est le notre, sachez ceci : Vous. N’êtes. Pas. Seul. Vivez, pensez, aimez, embrassez qui vous êtes, soyez fier, puissant et uni. Rejoignez la meute.