Dans ce second album, Dye Crap trouve enfin sa matrice, et nous fait part d’un opus aboutie, et réfléchi de bout en bout. Life Is Unfair nous donne déjà envie d’écouter la suite.
Dye Crap n’est pas aussi léger qu’on pourrait imaginer. Le quatuor normand n’est pas un groupe qui pose son cerveau pour composer ses chansons. Pourtant, eux-même se revendiquent de cette génération fin 90 début 2000 qui passait son enfance devant MTV, Jackass, et écoutait des groupes à la Blink 182. Dans la continuité du slacker, et le gros essor de la vague australienne des années 2010, Dune Rats en tête, les quatre se lancent et sortent leur premier album éponyme en 2021, signé chez Le Cèpe et Kids are Lo-FI.
Dès les première notes de My Shits, l’ouvreur de l’opus, on est frappé par la mélancolie du morceau. Cette note acerbe ne suivra pas tout au long du disque, mais on la retrouvera, de temps à autre, venant rajouter parfois un petit piquant ça et là. Et ces allers-retours sont chroniques dans ce disque. En effet, à l’écoute de cet album, on en ressent avec plusieurs identités, plusieurs sonorités. Outre My Shits, Game Boy transpire la mélancolie, la tristesse de la fin de l’adolescence. Pour autant Fight, comme son nom le suggère, ou Candies, lancent une énorme dose d’énergie, clairement sous le signe de John Dwyer et ses Thee Oh Sees. Booze Cruise nous ramène quant à lui vers des influences très garage.
Bref, inutile de tirer l’inventaire dans le détail tout ce qui se passe dans les un peu moins de 40 minutes de ce premier album. On sent le groupe hésiter, osciller entre différentes directions. Pour autant, cela ne rend pas le disque mauvais, bien loin de là. Celui-ci leur a d’ailleurs permis de tourner un peu partout, on a pu découvrir l’énergie de ce groupe venue de Rainy Normandy, et ils en avaient à revendre. Un vrai groupe de live, un vrai groupe de fun.
Avec ce deuxième opus, le cap est pris. On troque notre disque à multiple facettes pour quelque chose de toujours aussi puissant, mais bien plus aérien. Un son, une patte qui prend de l’espace, du corps, qui englobe la pièce. Pensez Jacuzzi Boys, leur EP de 2016 Happy Damage en ligne de mire, mais mixé à la sauce de Blink 182. Le travail sur le son, l’identité, et bien plus recherché, affiné, que leur premier effort. En ressort donc un disque bien plus constant, plus recherché. Toujours, comme leurs influences, on retrouve ce côté catchy, ce côté pop qui fait toute la beauté du slacker australien dont on parlait plus haut.
Ce deuxième album, bien plus structuré, ne cherche plus son style, mais l’explore. Le groupe est passé à l’étape d’après, celle de l’émancipation. Certes on retrouves les Dunies (Chug It), ou l’hommage à Steve Stiffler, autre symbole de cette culture des années 2000 (Stiffler). Good Days Again nous rappelle l’ouverture du premier opus, avec cette mélancolie présente. Pourtant, à l’inverse de leur premier disque, le groupe s’éparpille beaucoup moins, se recentre vers son univers. Bref, Dye Crap n’est pas qu’un groupe léger, qui chante à la va vite un peu de tout, un peu de rien, avec un certain sens de l’humour. On a ici affaire à projet qui prend forme, qui trouve son identité, et nous en fait part dans ce nouveau chapitre.
Bref, un deuxième album bien plus abouti que le premier, avec quelques pépites, dont Scatterbrain et Homesick (et son clip qui dénonce le harcèlement scolaire) ou Serj, à la gloire de leur bassiste. On le disait, Dye Crap n’est pas, ou peut-être n’est plus, un groupe qui pose son cerveau une fois entré en studio. Ce disque sonne plus maîtrisé, plus réfléchi. Et si le quatuor normand reste sur cette lancée, on ne peut qu’attendre la suite. Life is Unfair est un très bon album, à n’en pas douter.
Crédit image : Cover de Dye Crap – Life is Unfair