Échappée solaire avec les Barking Spiders

Prenez une grande inspiration, soufflez, fermez les yeux. Le 24 novembre, les cinq chevaliers cosmiques du groupe bordelais Barking Spiders sortaient leur deuxième EP, Songs (You Give on a Whim), chez le label, bordelais également, La Tangente. Deux ans après un premier opus déjà très prometteur et attrayant du nom de ¿Ike!, le quintette psyché-pop progressif refait des siennes avec un quatre titres soigné, complet et d’une beauté aussi simple que complexe à saisir. Les cinq amis, qui se sont produits sur la scène du shop Deus Ex Machina à Bordeaux dans le cadre des soirées Astroshøw pour la release du-dit EP, ont prouvé qu’ils étaient largement à la hauteur et que la maturité qui transpire de ce nouveau disque est loin d’être illusoire. Écoute intégrale et chronique de l’EP.

La douce escapade débute majestueusement et brillamment avec le titre éponyme de l’EP, Songs (You Give on a Whim). Réelle et profonde aventure à travers les époques, les styles et les sentiments, cette mise en bouche conséquente (7 minutes et 10 secondes tout de même), permet une entrée immersive et concrète dans l’univers du groupe. Les références et inspirations sont nombreuses mais évoquées et utilisées avec justesse et mesure. Grand festin dans lequel seraient conviés les Beatles et Supertramp, ou même pour pour citer des projets plus récents, Foxygen et Lemon Twigs, l’objet musical des Barking Spiders se veut intemporel, honnête et authentique.

L’alliance d’un rock vintage et classique suintant les années 70 et d’une pop baroque et progressive s’orchestre naturellement et sans déviation. Les cinq musiciens se font plaisir, et on l’entend, on le ressent, on le vit avec eux. Les changements rythmiques, sans encombre, permettent à différents paysages sonores de s’installer au fur et à mesure. Le dynamisme, géré à la perfection, souligne intelligemment les envolées joyeuses et les moments plus calmes et paisibles. À l’unisson, et comme une immense déclaration d’amour, les cinq membres scandent et chantent, dans des choeurs plus que maitrisés, la mélodie de l’âme et de la vie avec bienveillance et tendresse.

The Barking Spiders : Rodolphe Bourrier (basse, chant), Julien Serre (guitare, chant), Nils Nooy (guitare, chant), Elliott Nattrass (batterie, chant) et Quentin de Cazes (claviers, chant). Crédits photo : Jordan Parr.

Aucune surprise pour la suite du périple, car il y’a quelques semaines de ça nous vous présentions déjà sur La Face B les Barking Spiders avec leur single et clip Wasted Words dans les clips de la semaine. Sur ce deuxième morceau de l’EP, la mélancolie et l’intimité se font l’amour et laissent place à un sentiment « bittersweet » aussi poignant qu’agréable. Le jazz flirte avec le rock indie, les remords fréquentent l’espoir, la batterie batifole avec claviers et guitares, l’humour s’acoquine avec la tristesse et la sensibilité des cinq membres du groupe nous enveloppe comme une couverture rassurante pour faire face à la fragilité des choses de la vie.

Les fans de l’album Breakfast In America risquent de frissonner en entendant Smile to People. Candeur et naïveté sont de mises avec ce titre, dans lequel le groupe, sans aucun complexe, fait la part belle à la joie de vivre et à la béatitude. On sourit aux gens, comme ça, sans gêne aucune, mais souvent ce petit sourire précieux n’est pas rendu. La dureté sociale et l’individualisme émotionnel ? Ici, on les fait valser pour laisser la place à une pause délicate et simple dans ce monde qui mutile et qui bride.

Avec précision et technique, les cinq bordelais nous envoûtent, nous font vibrer. Et même si Supertramp n’est pas bien loin, le quintette garde sa patte artistique et sa signature bien à lui. Section rythmique impeccable, guitares et claviers plaquant accords avec exactitude, choeurs et harmonies vocales captivants, la recette reste la même tout au long de l’EP et c’est pour notre plus grand plaisir.

Cerise sur le gâteau ! Le dernier titre de l’EP, Blind Singers, que le groupe a dévoilé en mai dernier pour teaser la sortie de ce deuxième opus, a été capté lors d’une remarquable live session avec Ticket To Jam. Tout en poésie on continue alors d’explorer l’univers intarissable du projet avec légèreté et jubilation. Les styles se marient et se confondent. Le chant, qui indubitablement fait penser à Lou Reed au début du morceau, se métamorphose au gré de la composition et part dans des envolées extraordinaires et majestueuses.

Il reste finalement peu de mots pour exprimer avec sincérité et précision ce que sont les Barking Spiders et ce qu’ils proposent. Un rock vrai, solide, puissant mais pop, qui frise parfois le progressif et l’alternatif, toujours avec cette touche aérienne néo-indie aux accents jazz. C’est un peu tout ça à la fois, mais c’est surtout une évasion réelle et spontanée, un voyage attendrissant qui appel à la fraternité, au naturel, à la poésie et à l’humilité. En espérant qu’un jour, un album montre le bout de son nez, et que la douceur que distillent les cinq amis dans leurs chansons jusqu’ici, reste éternelle.

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