Inwards, la mue d’Emile Londonien

Au début de l’année 2023, Emile Londonien posait sur nos oreilles leur premier album, Legacy. Un ensemble de onze titres très référencés portant sur un total d’une quarantaine de minutes de musique qui met en place un univers à la pointe de la modernité en termes de sonorités et d’influences. Alors que l’automne pointe le bout de son nez, le trio strasbourgeois nous présente son second ouvrage intitulé Inwards.

Les fondations de la musique du groupe sont multiples et pleinement assumées par les musiciens alsaciens. Dans une interview parue sur le site en mai de l’année dernière, ces derniers nous affirmaient déjà revendiquer clairement un discours très référencé. Entre Hip-Hop, Musique Électronique – et plus particulièrement la House – et le Jazz stricto-sensu. Ce second album présente un assemblage plus mature, plus nuancé et distinct d’un bouillon de musique qui guide le trio depuis ses débuts. À l’opposé de Legacy qui présentait une ou deux références par morceau, Inwards accentue plus l’identité personnelle du projet tout en assumant un héritage très riche.

Cela n’empêche cependant pas de retrouver des références plus ou moins directes qui émanent de certaines pistes. On peut particulièrement penser à l’introduction du disque, Dive, qui avec son mélange de voix qui s’entre-mêlent avec la musique, nous fait penser à la désormais mythique ouverture de Black Focus de Yussef Kamaal. La grosse différence réside réellement dans l’infusion de ces dernières qui sont bien plus diluées dans une musique qui gagne en consistance et en personnalité.

En cause de cette tournure se trouve le changement de méthode de travail du groupe. Au lieu de jammer pendant de nombreuses heures et de réaliser un travail de post-production pour sélectionner les meilleurs passages et les transformer en morceau à part entière, les Strasbourgeois font maintenant plus concis. Matthieu Drago, Midva et Théo Tritsch se concentrent désormais plus sur le travail de composition en lui-même. Ce processus, étalé sur une année pour ce nouvel album, a pris place dans un contexte dans lequel les trois musiciens ont voyagé et collaboré. On retiendra particulièrement un séjour à Londres, berceau des influences contemporaines du projet, qui aura participé à forger l’identité de ce disque.

On note également une identité qui diffère du premier travail longue-durée de la formation. Inwards est, à l’inverse de son prédécesseur, plus sombre – nous ramenant à des couleurs et des sons plus froids. Le disque n’est par ailleurs pas austère, très loin de là. L’exemple parfait étant le morceau Crossing Path, rappelant notamment le façonnage mélodique de Yussef Dayes sur Black Classical Music. Une autre illustration de cette lumière qui surplombe Inwards est le morceau Easy en collaboration avec Cherise. Armé d’un refrain lumineux porté par une voix douce et voluptueuse, ce dernier démontre un vrai optimisme toujours présent dans la musique d’Emile Londonien. On peut illustrer cette direction plus froide avec le morceau Inside, l’un des singles de l’album. 

Avec un deuxième album aussi intelligent que courageux, Emile Londonien aborde un chapitre nouveau dans leur carrière. Inwards représente une étape charnière pour le trio. Entre continuité d’un premier album couronné de succès et le besoin d’évolution sur le plan artistique. Avec ces nouveaux travaux, les Strasbourgeois se rangent aisément parmi leurs contemporains et délivrent une version assurée de leur art. Il ne fait nul doute que ce nouvel opus est une réussite franche qui ne demande qu’à prendre vie sur scène, en face de son public.