Parmi nos pairs contemporains, le Jazz représente une musique perçue comme provenant d’un passé lointain, mais qui peu à peu amène un regain d’intérêt. C’est désormais de notoriété publique, si ce n’est un secret de polichinelle, que le genre s’actualise par le biais de la fusion. Dans un contexte de renaissance de la discipline à Londres, la musicienne Nala Sinephro prend le parti de lui donner une forme méditative, aux accents doux, enrobés et résolument ambiants. C’est avec son second album, Endlessness, que la bruxelloise confirme tout le talent qu’elle avait esquissé sur son premier projet : Space 1.8.
L’artiste installée dans la capitale est à la croisée de deux mouvements qui, avec peu de recul, étaient sans doute faits pour se rencontrer. La compositrice navigue entre le Jazz Spirituel, phénomène du genre dans les années 60s et 70s, et la musique électronique aux influences Jazz qui se développe depuis maintenant quelques années. Une position qui nous permet notamment de la rapprocher à la fois de la prêtresse de la méditation afro-américaine Alice Coltrane, et du producteur anglais Floating Points avec son album Promises, enregistré en compagnie du regretté Pharoah Sanders. Une vision que l’harpiste partage d’ailleurs au sein de ce nouvel album avec ses pairs londoniens contemporains comme Nubya Garcia, James Mollison ou encore Sheila-Maurice Grey.
Endlessness, tout comme son prédécesseur, est construit sous la forme d’un séquençage particulier qui laisse peu de place au découpage classique des albums classiques. « Continuum », c’est le nom des dix chapitres du deuxième opus de la carrière de la belge. Le projet laisse alors place à une écoute linéaire, sans réel découpage.
Il constitue en vérité un seul et unique morceau, dont les sections sont isolées en termes de mouvements, à la façon d’une composition de musique classique. Ceci permet alors une écoute plus droite, sans porter un réel intérêt au track-listing. Cela nous laisse donc nous fier à notre oreille, à notre ressenti pendant l’écoute et aux mouvements de la musique composée par la bruxelloise, d’une grande fluidité et d’une beauté limpide.
Le rapprochement avec la musique classique se fait également par l’instrumentation que Nala Sinephro met en place sur ce deuxième album. On y perçoit une orchestration prépondérante qui vient de donner une grande profondeur aux compositions de la musicienne belge. Ces éléments acoustiques que composent la dimension orchestrale de Endlessness, associés à la harpe de la compositrice et la batterie, campée par plusieurs musiciens entrent en friction avec la composante électronique.
C’est notamment le cas sur la piste Continuum 6, introduite par une nappe de claviers supportée par une boîte à rythme dont la dynamique vient être cassée par la partition de harpe. Il faut également mettre en avant le saxophone de Nubya Garcia qui apparaît sur le second, le cinquième ainsi que le sixième mouvement de l’album. Ce dernier renvoie à une réelle douceur évoquée par la musique de la compositrice qui est ici magnifiée par la touche subtile de la londonienne.
En somme, avec Endlessness, Nala Sinephro confirme l’essai marqué il y a trois ans avec Space 1.8. Avec ces quarante-cinq minutes de musique méditative, la compositrice démontre un talent certain pour la construction d’univers sonores forts. Cette patte prépondérante permet de mettre en place une ambiance résolument méditative qui fait de l’artiste belge une force créatrice à part dans le paysage contemporain qui ne laisse personne indifférent dans la communauté Jazz.