Dans notre esprit, l’enfance et la musique sont fortement liées, l’une nourrissant l’autre et inversement. Cet été, entre la France et le Québec, on est allé à la rencontre d’artistes qu’on affectionne pour discuter avec eux de leur rapport à la musique dans leur enfance et de l’enfance dans leur musique. Des conversations souvent intimes et qui débordent parfois. Pour ce nouveau rendez-vous, on a discuté avec Velours Velours lors de son passage au Festival en Chanson de Petite-Vallée.

La Face B : Hello Velours Velours, ma première question pour toi est la suivante : est-ce que tu te souviens de tes premiers souvenirs musicaux ?
Velours Velours : Oui, oui, oui, vraiment. Moi, déjà, j’ai commencé à jouer de la guitare et à prendre des cours à 4 ans. Mes parents m’ont fortement suggéré de choisir un instrument. Ma sœur jouait déjà du piano, et on venait à Petite-Vallée pour le festival, pour voir des shows. Dans mes premiers souvenirs musicaux, c’est vraiment en voiture, avec mes parents, en route vers Petite-Vallée : du Pierre Flynn, Jim Corcoran, Antoine Graton. Quand j’étais très jeune, autour de 4 ans, c’est pas mal ça qui me faisait triper. Je me souviens, j’avais une petite guitare, je savais pas en jouer, mais je chantais des tunes quand même avec ça. Mon exploration musicale a commencé très jeune, puis j’ai été exposé à de la musique aussi très jeune.
LFB : Cet instrument que tu as pratiqué dans ton enfance, c’était ton envie ou celle de tes parents ?
VV : Nos parents, à ma sœur et moi, nous ont poussés à prendre un instrument, mais ils nous ont laissé choisir. Je pense que pour eux, c’était aussi une façon de nous stimuler, dans le développement cognitif. Il y a quelque chose de pertinent là-dedans : s’engager dans l’apprentissage d’un instrument. Mais on était aussi passionnés de musique, on chantait depuis jeunes. Ça nous appelait, ma sœur et moi. Ce n’était pas forcé tant que ça, même si c’était suggéré. Si on n’avait pas continué, ils nous auraient laissé faire autre chose. Ma sœur fait encore de la musique pour le plaisir, moi j’en fais mon métier, mais rien n’aurait été imposé. Comme on était appelés par ça, ils nous ont guidés dans cette direction-là.
LFB : Donc la musique a toujours fait partie de ton existence ?
VV : Oui, toujours. Je n’ai aucun souvenir où la musique n’est pas présente dans ma vie.
LFB : Tu penses qu’inconsciemment ça t’a poussé aussi ?
VV : Oui, je pense que oui. Avec Petite-Vallée surtout. Chaque été, c’était un peu comme mon nouvel an, un party de famille. J’ai toujours été bien dans des contextes musicaux. Voir des gens sur scène quand j’étais petit, ça m’appelait. Il y a quelque chose qui m’attirait là-dedans, d’être confronté à ça. Je ne sais pas pourquoi ça m’a toujours fasciné, mais du plus loin que je me souvienne, c’était ça qui occupait ma tête, mon temps libre : la musique. J’ai toujours eu une personnalité plus artistique, créative, ce besoin de me stimuler par la création. La musique est devenue ce que j’ai fait, mais ça aurait pu être autre chose. C’est toujours ce qui m’a le plus stimulé dans mon quotidien.
LFB : Et tu es monté rapidement sur scène ?
Velours Velours : Oui, quand même. La première fois que je suis monté sur scène, c’était au Théâtre de la Vieille Forge de Petite-Vallée. En 2009, j’avais fait le camp-chanson de Petite-Vallée. C’était la première fois que je chantais sur une scène. Après ça, ça a été encore d’autres camps-chansons. Quand j’étais au secondaire, il y avait Secondaire en spectacle, des concours scolaires et tout ça.
Je pense que je me suis jamais vraiment posé de questions. J’avais juste le goût de faire ça. La musique, c’est un terrain de jeu pour moi. La scène, c’est pareil. Je me sens bien sur une scène, je me sens bien de faire de la musique avec du monde. Ça a toujours été quelque chose qui m’a apaisé, qui m’a permis de me lâcher. Ça n’a jamais été stressant ou confrontant pour moi. Je me suis toujours beaucoup amusé sur scène. J’ai toujours eu le goût d’y retourner, de remonter sur le stage.
LFB : Tu as vu tes goûts musicaux évoluer de l’enfance à l’adolescence ? Est-ce que tu as l’impression qu’ils se sont figés à un moment, ou est-ce que ça continue d’évoluer ?
VV : C’est en constante évolution, vraiment. Quand j’étais petit, c’était surtout la musique québécoise, en français, ce qui se faisait ici. J’ai eu une passe punk-rock, comme pas mal de monde, au début de mon adolescence : Green Day, Blink-182, Sum 41.
J’ai eu une grosse passe de ça. Mais en même temps, j’aimais Pierre Flynn, j’aimais Corcoran. C’est spécial pour un enfant que ça soit ça ses premiers amours musicaux, mais ça a toujours fait partie de moi : la musique québécoise, le texte, la chanson. Je pense que ce qui m’appelle dans la musique, ça reste souvent ça : tant qu’il y a une synergie texte-musique, une mélodie présente, et que c’est fait avec une certaine vérité, une émotion et du goût, je vais aimer ça. Vu qu’on m’a présenté beaucoup de musiques différentes dès mon jeune âge, je pense que j’ai des goûts assez variés.
Mais oui, c’est en constante évolution. Des trucs qui me plaisaient pas au départ sont devenus des choses que j’aime le plus aujourd’hui. La musique plus brutale, ou même la techno, ça fait partie de ma vie depuis récemment, mais ça me fait vivre autant d’émotions musicales qu’une chanson folk guitare-voix.
LFB : C’est une expérience musicale différente.
VV : Exact. Le rythme, la mélodie, il faut une certaine synergie. Sinon, ça peut être n’importe quel style.
LFB : À partir de quel moment tu as su définitivement que tu voulais faire que de la musique dans ta vie ?
VV : Je pense que ça a pris un peu de temps avant que je m’assume complètement là-dedans. C’est dur à concevoir comme métier. Quand j’ai écrit ma première tune à 15 ans, je savais que j’avais le goût d’en écrire d’autres. J’entrevoyais ça comme quelque chose de possible.
Au milieu de mon adolescence, autour de 15 ans, je me suis dit : « je suis capable d’écrire des tunes, peut-être que je pourrais faire de la musique dans la vie. » J’ai décidé de continuer au cégep en musique, donc déménagé à Montréal. Puis j’ai rencontré Flavie, ma manageuse, à cet âge-là.
Elle voulait se lancer en management. Elle a toujours cru en moi et on s’est accompagnés. C’est né d’elle aussi, ce projet là. On a bâti ça ensemble. À 15-16 ans, j’étais pas mal « mindé« . Mon idée était faite : c’est ça que j’avais le goût de faire. On a enregistré mes premières tunes avec mon band, j’avais 17 ans. À partir de là, ça n’a pas arrêté.
LFB : Quelle part d’enfance tu laisses apparaître dans ta musique ?
VV: Beaucoup. Je suis très joueur dans la vie, et c’est quelque chose qui m’amuse dans la création. Je me laisse beaucoup de liberté de créer entre amis aussi. Pour moi, ça passe par l’expérimentation, le jeu, le moment présent. J’aime faire les choses librement, sans trop me casser la tête, laisser arriver les idées, figer le moment présent et garder cette énergie là : la première idée, la frénésie de la nouveauté. Je laisse beaucoup transparaître ça dans ma musique. C’est rare que je veuille trop réfléchir ou intellectualiser quelque chose. Je pense que la part d’enfance que je garde, c’est justement de faire les choses librement, dans le jeu.
LFB : Tu penses que c’est nécessaire de garder une forme de pureté, presque de naïveté ?
VV : Pour moi, oui, beaucoup. Je pense que pour certaines personnes, c’est peut-être pas comme ça qu’ils créent, mais moi je cristallise ce truc-là. Pour moi, il faut faire les choses avec le plus de vérité possible, en gardant cette énergie de pureté et de début.
LFB : Est-ce que c’est compliqué de garder cette tendresse dans le monde musical actuel ?
VV : Je pense que oui. On est toujours en réflexion sur notre création, on veut bien faire les choses. C’est difficile de pas tourner ça mille fois dans sa tête, de toujours se demander si c’est la bonne idée et de vouloir pousser plus loin. C’est un combat continuel pour moi de dire : « c’est bon, on s’arrête là. » Que ce soit quand j’enregistre mes voix, dans l’arrangement ou dans l’écriture. À un moment, il faut s’arrêter et garder ce côté pur, mais c’est extrêmement difficile. Je connais du monde qui font cent prises de voix pour essayer de perfectionner. Moi, ça finit par me bloquer. Je trouve qu’il y a une naïveté dans le fait de me dire : « ok, c’est les trois premières prises qui sont les bonnes, on les mélange, et on garde ce côté spontané, impulsif. » Mon instinct me guide beaucoup vers ça, en tout cas.
LFB : Si tu devais garder trois morceaux qui t’ont accompagné dans ton enfance et qui continuent de t’accompagner aujourd’hui ?
VV: Tantôt, j’ai parlé d’Antoine Gratton. Sa chanson « Je veux m’en aller » sur son premier album, je pense. C’était ma tune préférée quand j’avais 3, 4, 5 ans. Ça a été une grosse tune pour moi, puis je l’ai réécoutée récemment et je me suis dit : « mon Dieu, j’aime encore ça ! » Ça, c’est vraiment enfance. Dans ma jeunesse, il y a aussi « The Suburbs » de Arcade Fire.
Même si on n’en parle pas tant, ça reste une chanson qui jouait beaucoup dans le char de mon père. Il avait un lecteur CD, et The Suburbs était toujours là. C’est une tune qui m’accompagne encore aujourd’hui. « Grâce à elle » de Jim Corcoran m’a aussi beaucoup influencé, même inconsciemment. La touche folk, la guitare un peu slide… Je l’ai pas tant réécoutée en vieillissant, mais je pense qu’elle a teinté ma vibe musicale.
Sinon, les Beatles m’ont beaucoup appris. Autant dans des idées de réalisation, de songwriting, mais surtout c’est avec leurs chansons que j’ai commencé à développer mon aisance avec mon instrument, avec mon oreille, et à jammer. J’ai fait du jamming des Beatles avec Mike Berry, sur le bord de la plage ici. Ça a été très formateur pour moi, cette musique-là.
LFB : Et si tu devais choisir un de tes morceaux pour présenter ta musique à des enfants ?
VV : Bien, c’est sûr qu’un morceau évident qui plairait aux enfants, c’est « L’énorme chien très gentil ». C’est une tune que les enfants apprennent facilement. Mais si je voulais vraiment présenter ma vibe musicale, dans un truc encore enfantin mais plus représentatif de mes compositions, je choisirais « Jeux d’enfants ». C’est la première tune que j’ai écrite.
Ça a été ultra instantané comme composition : les mélodies sont venues d’un coup, les paroles aussi. Je ne me suis pas posé de questions. J’étais pas encore dans l’énergie de « si j’écris une tune, c’est nécessairement pour mettre sur un album ». J’étais juste dans une naïveté que je trouve très pure. Et j’aime encore beaucoup cette chanson là.
LFB : Si un enfant, par exemple dans un festival, venait te voir en disant qu’il voulait devenir musicien, qu’est-ce que tu lui dirais, qu’est-ce que tu lui conseillerais ?
VV : Je lui dirais : « Vas-y, fonce, amuse-toi, explore, il n’y a pas de bon chemin. » Surtout à l’enfance, il ne faut pas se mettre de pression. Je pense que c’est un message pour les parents aussi : ne pas mettre de pression sur les cours de musique.
La musique, c’est de l’art, et il ne faut pas toujours essayer d’intellectualiser. Il faut se fier à son ressenti, à ce qui nous fait triper. Se laisser guider, plus que vouloir guider sa création. C’est l’art qui nous amène quelque part. C’est comme ça qu’on découvre le plus : dans l’exploration.
On découvre qui on est comme artiste, et ce qu’on aime. Pas en essayant de répondre à une attente extérieure, mais en se laissant porter. Je pense que dans toutes les formes d’art, c’est ça. Encore plus dans la musique : c’est mettre ses doigts à des places, essayer des affaires, voir où ça mène, et trouver ce qu’on aime là-dedans.
LFB : Une dernière question : est-ce que tu as gardé quelque chose de ton enfance dont tu ne te sépareras jamais ?
VV : C’est dur à dire ça. Ce serait facile de répondre « la musique » ou « Petite-Vallée ». Parce que ce festival-là, cet endroit-là m’a tout appris. C’est ici que mon artiste est né. Il y a quelque chose d’indissociable qui va rester pour toujours entre moi et Petite-Vallée. Sinon, j’ai encore la première guitare qu’on m’a achetée. Je trouve qu’il y a des instruments qui symbolisent des étapes, et ça va être difficile de m’en séparer. Souvent, ce sont ces objets là qui marquent un nouveau commencement. J’accorde beaucoup d’importance à ces choses là : ma première guitare, ma première guitare électrique, la guitare avec laquelle j’ai fait mon cégep et appris le jazz. Ce sont des instruments qui symbolisent de grosses affaires dans ma vie. Mais Petite-Vallée, ça, je pourrai jamais m’en séparer. C’est sûr, c’est indissociable.