Ex-voto est une locution latine d’ordre religieuse. Une offrande en remerciement à un souhait exaucer. Il est aussi le nom qu’a choisi Lonny pour son premier album. Un cadeau donc, mais surtout l’histoire d’une transition, le passage de l’hiver à une saison plus clémente, la réparation d’un corps et d’une âme qui se trouve et se transforme. C’est tout cela, et bien plus, que Lonny nous raconte à travers ces 11 chansons qui convoquent autant la folk que la chanson française lettrée.
Au cinéma, une histoire se termine et l’écran se fond en noir. Parfois, la vie donne un peu cette sensation de fin d’existence, d’un noir qui nous entoure et nous envahit. Cependant, qu’on le veuille ou non, qu’on le réalise ou qu’on cherche à l’ignorer, une petite lumière continue de vasciller au fond de nous, même quand tout se brise. Une flamme à chérir, à raviver, à faire exister pour que la vie revienne.
C’est ici que notre rencontre avec Lonny se fait, c’est ici que Ex-Voto commence : Incandescente c’est l’histoire de cet éclair d’existence qui continue de vibrer quand tout s’échappe. Un premier morceau, un acte de résilience attendu comme le réveil d’une longue nuit d’hiver. La neige fond et se transforme en eau, élément qui prendra toute son importance dans cette collection de titres, une aventure de vie qui coule.
Avec Ex-Voto, Lonny nous offre un western en bord de mer. Il y a du sable, du sang et des larmes. Il y a le souffle du vent, les arpèges de guitares qui nous accompagnent et cette sensation de monde qui bascule et qui nous fait grandir malgré tout, malgré nous. Cette sensation, de danger, de poussière au coin des yeux existe et explose dans Comme la fin du monde. Une fin, une mort à travers l’autre qui envahit, qui empêche de s’épanouir pleinement.
Ces deux premiers morceaux mettent en exergue tout le talent de Lonny : des ambiances, des sentiments évanescents qu’il faut décrire, qu’il faut capturer lorsqu’il se présente. Il y a ce besoin d’introspection, de creuser en soi pour se comprendre et avancer enfin tout autant que de se faire la porte voix d’histoires universelles pour aller plus facilement vers l’autre. Conter son monde, prendre des mots simples et crus pour les nourrir de soi et les faire vibrer des émotions.
Avril Exil continue cette exploration. La nuit et la solitude sont toujours présentes, les questionnements aussi. En cow-girl solitaire, Lonny se laisse envahir par ses pensées, ses rêves et ses fantasmes, elle les observe et les combats. L’ambiance est parfois lourde, tranchée avec beauté par la voix fragile et sur le fil de Louise.
Cette évolution est marquée par l’apparition discrète mais bien présente du piano sur Éteins la mer. La mer ou la mère ? Telle est la question. L’élément aqueux se prêtant parfaitement aux jeux sur un autre élément fondateur de la vie : l’élément maternel. Ou plutôt l’héritage que celui-ci implique dans la vie d’une femme. Toute en tension, Lonny ausculte les passages de flambeau qui pèsent parfois lourd, et qui font souffrir autant que vivre. C’est l’un des premiers tournants d’Ex-Voto, une première moitié qui se termine par un besoin d’avancer, de laisser derrière soi les larmes et les souvenirs de l’autre pour mieux se retrouver.
Mid Summer et Black Hole, unique morceau en anglais de l’album, jouent le rôle de douce transition. La première est une sorte de prière, en relation parfaite avec le morceau qui la précède. Un morceau en clair-obscur, comme si le jour commençait à légèrement laisser place à la vie. Mid Summer s’offre un outro musical qui laisse apparaitre Black Hole autre morceau de désespoir heureux, de souvenirs persistants ou la mer croise la lune.
Viens alors La Maison des filles, titre électrique, bercé par le chant des oiseaux et des chœurs qui nous frappent l’âme. C’est un morceau magique, presque mystique par moment, qui prouve aussi toute la beauté et la puissance de l’œuvre de Lonny, bien plus profonde qu’une simple folk en français. Ce morceau, parfaitement produit et interprété, montre la liberté totale que se permet l’artiste. Un morceau sur l’amour et la mort, sur la mort de l’amour, qui vibre comme un orage qui nous tape en plein cœur. L’espoir s’électrise et les bourgeons fleurissent.
(Not So Sad) Love Song, partagée avec son camarade Refuge, est une ballade tendre et douce à deux voix et une guitare, une ode à l’amour et à l’amitié. Un moment de douceur et de partage qui invite à profiter de l’instant présent et qui annonce un printemps définitivement revenu.
Le goût de l’orge et Le sable normand continuent sur cette vibe solaire qui nous contamine. La première est un hommage vibrant à l’Irlande et à un mode presque irréel de beauté avec la mer toujours présente alors que la seconde fige doucement le temps sur des moments uniques. Le temps se suspend et on s’autorise à se laisser envahir par la douce chaleur du monde autour de nous.
Allez Chagrin termine l’aventure de manière positive. Une lettre d’adieu, à un ami qui nous quitte pour le moment. Sans doute reviendra t’il, sans doute se cachera t’il derrière les ombres, mais on aura grandi, on aura changé et on pourra alors se protéger. Les larmes, elles, ne quittent pas nos yeux alors que le silence nous envahit.
Ex-Voto, c’est une offrande à un hiver qui se termine et à un printemps qui vient nous conquérir. C’est une reconquête intime, onze morceaux qui s’écoutent d’une traite, qui vivent ensemble et qui montrent l’évolution du monde de Lonny. Toutes les émotions qu’ils convoquent nous transpercent et nous donnent la sensation de découvrir encore et encore un grand album et surtout une artiste majeure.