Il y a tout juste deux mois, Adam Carpels dévoilait Ulysse, un nouveau titre qui se voulait la première pierre d’un projet plus ambitieux : Panorama. À travers ce projet, Adam avait l’ambition d’allier sa musique à l’image en laissant carte blanche à des réalisateurs dont la seule contrainte était de réaliser un plan séquence. Ce projet prend aujourd’hui un nouveau tournant avec Channel, un second titre en collaboration avec NUméROBé accompagné d’une vidéo de Robin Ansart. Le tout est à découvrir en exclusivité ce matin sur La Face B.
Qu’on le veuille ou non, notre esprit connecte les choses. Et c’est encore plus le cas avec un projet tel que Panorama. La volonté affichée de Adam étant clairement de lier l’image à la musique, tout cela se ressent et donne des indications à notre ressenti.
Ainsi, Ulysse pouvait être vu comme un fourmillement urbain, une musique dense bouillonnante qui nous aspirait clairement en elle. Le tout était renforcé par ces images de « jungle » urbaine. Celle de Barbès, qu’il fallait forcément mettre en parallèle avec d’autres endroit géographique plus proche du cœur d’Adam et de ses origines. L’idée était d’offrir un rendu à la fois poétique et politique et parfaitement réussi.
Alors, avec ce nouvel épisode de Panorama, les lignes s’affirment autant que les ponts invisibles et des influences. Ici rien n’est laissé au hasard et les titres prennent toute leur importance.
Arrive donc Channel, le nouveau morceau d’Adam Carpels qu’il partage cette fois-ci avec NUMéROBé, artiste majeur de la scène électronique des Hauts de France. On sent l’association des deux mondes, entre influences électroniques, beat hip hop et percussions et touches plus arabisantes.
Adam Carpels
À l’image du chenal, le morceau est en mouvement permanent, mais laisse aussi place aux espaces, à la grandeur et à l’aération. La musique, si elle est toujours aussi physique, se fait aussi par moment plus atmosphérique et enlevée. Les émotions se retrouvent ainsi plus claires et distinctes.
Si Channel est aussi un clin d’œil à la table de mixage chère à Adam Carpels, on ne peut s’empêcher une nouvelle fois d’y voir un accès plus politique à la chanson. On pense ainsi à Calais, terre de naissance de NUMéROBé et lieu de passage presque obligatoire des migrants dans leur quête d’arrivée vers l’Angleterre. Une sorte de chenal terrestre à mi-chemin entre la liberté et l’entrave, entre l’emprisonnement et la quête d’un univers meilleurs.
Channel
C’est donc assez naturellement que Robin Ansart nous entraine sur la côté d’opale pour la vidéo qui illustre ce nouvel épisode de Panorama. On est donc ici face aux grands espaces de cette plage de galets, qu’il filme de manière presque ralentie. On observe ainsi cet espace avant de prendre le chemin d’une personne toujours filmée de dos, comme pour renforcer l’anonymat et l’universalité de cette personne alors que la vidéo s’amuse à jouer de filtres lumineux pour ensuite passer en mode négatif avant de laisser exploser toute la chaleur de cet être indéfini dans cet univers si froid.
Avec Channel, Adam Carpels et NuMéROBé nous offre donc une nouvelle expérience à la fois sonore et visuelle et permet à la série Panorama de prolonger ses thématiques. La suite au prochain numéro ?
Pour en savoir plus sur Channel et Panorama, on a posé quelques questions à Adam Carpels :
La Face B : Hello Adam ! Peux tu nous parler de ce nouveau titre, Channel ?
Adam Carpels : Channel c’est un titre en collaboration avec mon pote NUMéROBé Electronica/Lofi/club dans lequel on a voulu créer deux ambiances très marquées entre le début et la fin du morceau. Avec une première partie très club et une seconde beaucoup plus douce. Le défi c’est de vous y amener sans que vous soyez choqué par la différence entre ces deux parties.
LFB : Comment s’est passée la collaboration avec NUMéROBé ?
A.C : C’est un super ami à moi et ça faisait quelques années déjà qu’on avait cette envie de collaborer sur un titre. On avait déjà essayé quelques fois auparavant de bosser sur des tracks mais on n’avait jamais tellement pris le temps d’aller au bout. Et cette fois on a vraiment pris le temps de se capter chez lui à Calais et on a mélangé un peu de tout ce qu’on aime tous les deux. Un peu de field recording, de synthétiseurs, un peu d’onirisme, de dureté, de réel et d’amour et ça a donné Channel !
LFB : Pour Panorama tu as fait appel à des vidéastes pour accompagner ta musique, as tu été surpris des résultats qu’ils t’ont donné ?
A.C : Complètement ! D’autant plus que pour ce format l’idée c’est de vraiment laisser carte blanche au vidéaste avec comme unique contrainte de ne travailler que sur le plan séquence. En effet j’ai été surpris car il y a d’un côté l’histoire que je me raconte pour écrire la musique et d’autre part l’histoire que les autres perçoivent.
Même si les directions sont différentes de ce que j’aurais pu imaginer par moi même, le plus fou c’est que finalement ils ont tous les deux pris des parti pris qui sont plutôt raccord avec les thématiques politiques et sociales qu’on a eu envie d’effleurer avec les titres et les pochettes de ces deux morceaux.
Pour celle-ci j’étais très content de bosser avec Robin Ansart qui s’est totalement prêté à l’exercice qui n’est pas simple du tout et dans lequel il s’en est hyper bien sorti je trouve. Notamment sur les effets entre les deux parties auxquels je ne m’attendais pas du tout. Allez check son travail de photo et de vidéo il est très fort !
LFB : Dans la façon dont ta musique se nourrit du monde et même à travers ces idées de vidéos, on sent un vrai regard sur notre époque. Comment as tu décidé de traduire ces opinions en musique ? Est-ce quelque chose que tu envisages de continuer à faire ?
A.C : Ça part du constat que dans la musique instrumentale et/ou de producteur, c’est très rare d’y trouver des engagements politiques et sociaux. C’est quelque chose qui manque je trouve. Donc pour ma part j’ai décidé d’y mettre un peu des miens et de créer ce que j’appelle des « points d’accroche » sur des thèmes qui me touchent.
Quand on veut aborder des thématiques tel que les réfugiés politiques avec de la musique électronique (et pas que) je trouve qu’il est très difficile d’en parler sans supplanter ou s’approprier le travail les gens qui eux sont sur le terrains tous les jours, qui se battent, et sans tomber dans le pathos. Ça n’est pas mon objectif mais il n’empêche que je suis sensible à ces combats et qu’ils me révoltent.
Selon moi, mon travail c’est presque du journalisme. J’ai la chance d’être en capacité de m’exprimer avec l’art (la musique en ce qui me concerne) et j’estime qu’en tant qu’artiste je me doit d’être un miroir du monde dans lequel je vie. Je comprend que d’autres n’aient pas la force ou l’envie de le faire, mais en ce qui me concerne c’est vital, je ne me voit pas faire ce métier sans créer de points d’accroches thématiques à travers les vidéos, les pochettes, les titres ou encore sans transmettre à travers des ateliers dans des écoles ou autre. Donc oui, je vais continuer et même plus encore.
LFB : Y a t-il d’autres épisodes de Panorama de prévu ? Comment envisages tu de transporter ces sons et ces vidéos sur scène ?
A.C : Oui ! J’ai prévu de continuer ce format sur Instagram pour le futur. Je bosse déjà dessus avec le prochain vidéaste. Mais pour mon YouTube c’est une page qui se tourne, la prochaine vidéo sera un « vrai clip » car ce que j’ai envie d’y raconter risque d’être trop compliqué à faire passer en un plan séquence.
Finalement, Panorama c’est plutôt la transposition de ce qui se passe sur scène en version clip que l’inverse. Sofian Hamadaïne-Guest qui a réalisé la première des vidéo (pour Ulysse) est mon VJ pour la scène. Il a utilisé des techniques et une esthétique propre au projet pour le retranscrire en clip. Un peu comme pour Sabana le tout premier son que j’ai sorti l’année dernière en fait.
LFB : Ces deux morceaux s’apprêtent à sortir en vinyle via BRUIT BLANC. C’est ta première sortie vinyle, que ressens-tu à l’idée d’entendre ta musique sur une platine ?
A.C : OUIII OMFGGGGG 😮 Je suis comme un gosse ! En vrai pour moi c’est vraiment un rêve d’enfant d’avoir ma musique sur un Vinyle… Et c’est encore mieux quand c’est la musique que t’as fais avec un pote et qui sort via un collectif de potes aussi. C’est en famille et c’est bien 🙂