Ici Modesta. Son nom est celui l’héroïne, Modesta, du roman L’art de la joie de l’écrivaine italienne Goliarda Sapienza éditée à titre posthume à la fin des années 90. Elle partage avec elle son goût de la transgression et surtout celui de la liberté. Née le 1er janvier 1900 en Sicile sur les pentes de l’Etna, ce personnage fictionnel du siècle dernier n’en a pas moins les idées bien enracinées dans la réalité contemporaine.
L’Etna qui l’a vue naître est un volcan encore actif. À chacune de ses colères, il réinvente le paysage et remodèle de nouvelles perspectives qui s’en dégagent. Soudainement et sans avertissements, tout peut se mettre à bouillonner, cracher, jaillir et exploser. Comme nos émotions dont – animés d’un sentiment de révolte – nous n’arrivons plus à maîtriser les impacts
Dans l’Etna d’Ici Modesta, on avance en suivant une ligne de crête, dans un équilibre précaire. Tout peut basculer, à tout moment. La joie de s’opposer à la souffrance et à la violence qu’elle engendre. Cette violence nous apparaît, non pas contenue, mais plutôt refoulée et intériorisée, sous-jacente
« Etna c’est avaler la violence du monde et la retourner contre nous »
Dans le magma des réminiscences, Ici Modesta s’enfonce profondément dans les scories de nos âmes sensibles et tourmentées. Dès les premiers instants de la chanson, les mots se prennent dans les filets de nos pensées. Une poésie authentique et frontale. Un phrasé changeant, protéiforme, mais toujours présent. Passant de la douceur des parties chantées et mélodiques à une brutalité dans laquelle une hargne autotunée prend corps. Une hargne animée par les kicks gabber qui résonnent en nous tels les battements d’un cœur pris de tachycardie. Cette tectonique musicale – orchestrée par Kelyboy et Maxime Jerry Fraisse – nous fait passer en quelques mesures d’une rudesse PNL aux envolées vacillantes à la Fishbach. Des grimaces aux sourires, d’un élan de joie à un cri de douleur.
« Que faire de la violence, maintenant qu’on la croit – Sur les joues de mes sœurs, y’a la lave d’Etna »
L’Etna mis en images par Caroline Benetti joue avec ces oppositions. L’enthousiasme impulsé par la lumière du jour sombre, la nuit venue, dans une douloureuse et insidieuse torpeur. La prairie verdoyante – végétale – dans laquelle on se prélassait et se blottissait fait place aux arêtes abrasives – minérales – des roches qui entravent aussi bien nos mouvements que nos sentiments.
« J’ai des méchants dans le corps »
Ici Modesta nous l’annonçait déjà dans Soleil Rouge. Un état de conscience qui se matérialise par une fuite, une course effrénée qui exhorte à nos combats introspectifs. Tout s’accélère en suivant le crescendo de la partition musicale. Les regards s’échangent et s’accrochent. Les reproches fusent. Les gestes deviennent impulsifs. La violence surgit. Les pierres s’envolent et retombent. Une confrontation au caractère exutoire qui se vit telle qu’une lutte contre nos démons intérieurs. À l’espoir, alors, de se tapir derrière nos colères et d’en prendre le dessus.
L’Etna, est un titre tellurique qui annonce le premier EP d’Ici Modesta – Des trucs dans le ciel – composé de cinq titres entiers et implacables. Sa sortie est programmée pour le 24 novembre 2023.