Artisan élégant et classieux d’une pop francophone moderne, Romain Muller prépare petit à petit son retour, trois ans après le superbe Parallèle. Après avoir présenté À l’envers fin 2023 et s’être offert une escapade dansante et nocturne avec Dopamoon, le Messin est de retour cette semaine avec le superbe Quitter La Ville. Un titre évanescent et superbement écrit à découvrir ce soir en exclusivité sur La Face B.
On cherche tous, d’une manière à continuer à faire vivre l’enfant qui est en nous. À garder une part d’innocence, à laisser exister un rapport au merveilleux assez intense pour contrer certaines choses du quotidien. On se nourrit aussi souvent des souvenirs, d’éléments fondateurs qui ont fait, même sans s’en rendre compte, la personne que l’on est devenu.
Comme il le dit lui même dans Quitter La Ville, Romain Muller « divague sur les vagues en papiers glacés« . Cryptique à la première écoute, cette phrase répétée à l’envie prend son sens alors qu’on écoute le morceau. C’est celle d’un adulte qui s’évade dans une idée du passée, dans les souvenirs photographiques d’une époque révolue, d’un moment de l’enfance qui pourrait devenir évanescent si il ne se forçait pas à le maintenir en vie … à le rendre immortel à travers la poésie d’une chanson dont il détient tous les secrets.
Quitter La Ville se vit donc comme un appel à l’évasion, mais aussi à la réconciliation de l’adulte et de l’enfant qui continue de vivre en lui. Des nappes synthétiques et aériennes qu’il associe à des percussions discrètes comme les clapotis de l’eau sur les pieds et sur lesquelles il fait naviguer sa voix toute en douceur et fragilité.
Dans cette sorte de rêve musical, Romain Muller revit son premier voyage vers la mer, cette sensation du grand vide, du paysage qui défile et de l’impatience enfantine qui monte à l’idée de découvrir une chose dont on a tant entendu parler, vu à travers les images des autres mais qu’on n’a pas encore figée dans la mémoire du réel.
Ainsi Quitter La Ville brouille les temporalités, rehausse l’élégance d’une pop française qui existe sans force, qui se permet d’éloigner le quotidien pour nous réconforter en moins de 3 minutes, nous baigner dans un océan d’accords et d’arpégiateurs délicats pour nous faire voyager, transformer le froid des éléments sonores en chaleur humaine, offrant une expérience à la fois musicale et sensorielle.
Évidemment, il fallait que la vidéo qui l’accompagne mette en place cette « confrontation » entre la réalité et le souvenir, laisse parler l’onirisme pour nous emporter à son tour.
Sous la caméra de Romain Gamba et Laurent Steiner se vit la langueur d’un voyage en voiture, ce parallèle incessant entre Romain Muller et l’enfant qui vit ce voyage avec lui. Une voiture au milieu de la nuit, qui traverse des paysages masqués et des saisons changeantes. Un grand flou cinématographique et lyrique qui fait le plus grand bien.
Romain Muller nous invite à quitter la ville, il n’appartient qu’à nous de monter dans son véhicule.