Fantomes : « On a voulu exprimer ce qu’on n’arrive pas à dire dans notre vie quotidienne de vive voix. »

Fantomes, c’est l’histoire de deux musiciens, collègues de taff qui se découvrent à travers la musique. Une péripétie en entraînant une autre, voilà que le duo révèle son premier album IT’S OK. Un rock grunge qui nous rappelle l’innocence et la fougue des années 90.

La Face B : Comment est né le groupe Fantomes ? 

Mus : Le groupe est né à la Mécanique Ondulatoire, un bar/salle de concert assez mythique pour la scène rock parisienne. On bossait tous les deux là-bas, on était collègues mais on avait l’impression à ce stade de nos vies de ne rien vivre à part le boulot et les cuites d’après boulot. 

Paul : C’était aussi frustrant de travailler pendant que d’autres groupes jouaient. On s’est rendu compte que nous deux, on avait des choses en commun au niveau musical, puis on a commencé à jouer ensemble, sans se prendre au sérieux, juste le kiffe de la répét du dimanche soir, et ça a pris. 

LFB : C’est quoi le style de Fantomes ? Quelles sont vos influences ? 


Mus : C’est dur à décrire mais c’est du rock, à la croisée entre la pop et le grunge des années 90. 

Paul : On a beaucoup été influencé par les géants de cette époque comme Nirvana, Oasis, Pixies, Strokes, Smashing Pumpkins … 

On vient de la même famille du rock mais de sous-genres différents. Mus, lui, vient de la scène plutôt hardcore et vénère et moi c’était plus du rock garage à la Black Lips.

LFB : Qu’est-ce qui vous donne envie de jouer du rock grunge 90’s en 2020 ? 

Mus : C’est ces groupes qui nous ont influencés et on l’a senti dès qu’on a commencé la musique ensemble, c’est le son qui nous stimule le plus. 

Paul : Mais à aucun moment on s’est dit « viens on va faire de la musique 90’s », c’est venu naturellement en jouant. C’est quelque chose de l’ordre du sensoriel qui nous ramène à la simplicité et la naïveté comme quand on était kids. 

Puis faut dire que dans le studio de notre pote Thomas Bugnot (Studio Delta), on a pu trouver notre propre son grâce à des vieux amplis et donner cette dimension à nos compos. 

Mus : En plus, c’était notre pote donc on avait le luxe de traîner et de pas avoir d’impératifs. Surtout qu’aujourd’hui, pour un groupe de rock c’est pas évident d’être signé et d’avoir les moyens de prendre son temps au studio. 

LFB : Comment a eu lieu votre rencontre avec le label Pan European Records ? Qu’est ce vous apporte d’être dans un label avec un spectre musical aussi différent du vôtre ? 

Mus : Elle a eu lieu surtout via Elodie Haddad, grosse dédicace, c’est une meuf qui pèse et t’as pas envie de la voir énervée ! À l’époque, on faisait des lives pour Flavien Berger. Un jour, elle est venue nous voir en concert, une fois, deux fois, trois fois, puis avec Arthur Peschaud (fondateur du label). 

Paul : C’était un concert au Trianon et j’avais l’impression d’avoir trop mal joué, je me sentais pas prêt avant le live, on avait pas beaucoup répété avant mais finalement Pan a bien aimé.

Mus : Pan European, c’est un label qui met l’humain et le relationnel au centre de ses préoccupations, c’est un des labels les plus cool que j’ai pu voir. Ils te soutiennent dans tes choix en apportant leur expérience, bon après si t’as une idée de merde et que t’en es convaincue bah tu l’as dans le … hein ! 

C’était impressionnant d’être signé par un label comme ça, qui cherche pas à être « bankable » et à suivre les tendances du moment. 

Paul : Et peu après notre arrivée, on s’est vite retrouvé dans la compile Voyages III aux côtés des autres artistes du label. 

LFB : Vous avez voulu dire quoi dans votre album, quelle dimension vous avez voulu lui donner ? 

Paul : Il n’y a pas eu de thèmes établis à l’avance, It’s ok, c’est un peu le fait de dire toujours « ça va » quand on te pose la question alors que c’est seulement du paraître. 

Mus : L’album se définit un peu comme un sombre optimisme, on a tous des moments compliqués, où on se dit qu’on a des vies merdiques et sans perspectives d’avenir, surtout en ce moment. On a voulu exprimer ce qu’on arrive pas à dire dans notre vie quotidienne de vive voix. C’est la merde mais tu peux pas te laisser aller jusqu’au fond du fond, parce qu’après, il n’y a plus personne, « drop the mic ». 

Paul : C’est vrai qu’on est peut-être pas les plus grands communicants de la terre. 

LFB : À propos de la couverture de l’album, d’où est venu cette idée de porter des masques de vous-mêmes ?

Mus : C’est une pote, Lou Beauchard, qui avait fait le clip de notre morceau Back with the  Sun

Paul : Ça permet d’être nous sans être nous, quand tu donnes l’impression aux gens d’être quelqu’un d’autre, tu peux te permettre plus de choses. Certains pensent que c’est vraiment nos têtes et qu’on est juste flippant. 

Mus : Justement, on sait pas trop si c’est nos têtes ou pas, on dirait une photo de Polaroïd prise dans un squat. C’est un taf de ouf qu’elle a fait et on a kiffé le principe. 

LFB : On a eu un gros coup de cœur sur le dernier morceau Colors, un bouquet final de l’album qui donne vraiment envie de vous voir sur scène. Vous avez des projets à venir malgré le contexte ? 

Mus : Déjà, ce sera un plaisir de te le jouer quand ce sera possible. On est en train de réfléchir à une tournée avec des petites jauges de public, dans un cadre plus intime.  

On veut jouer pour des gens et retrouver le principe du partage dans musique. Les livestreams, c’était cool au début mais là on a fait le tour. A moins d’avoir le budget à la The Weeknd. 

Paul : Prochaine étape, c’est Superbowl direct ! 

Mus : Attends je vais DM The Weeknd.

Propos recueillis par Estelle Cacheux et Marc Farkas