La Face B était de nouveau présente à Bastille pour dénicher les meilleurs groupes rock de demain. Il fallait bien sûr se rendre au Supersonic qui organise depuis l’année dernière son festival Block Party. Le principe est simple: un parcours itinérant à travers quatre salles dans le quartier de l’Arsenal. C’est suffisant pour se dépayser et se sentir en festival. Mais quid des révélations de cette deuxième édition ? Voici le top 10 de nos coups de cœur.
Le contexte est légèrement différent cette année. Les organisateurs ont décidé de placer ces trois jours fin mai/début juin en parallèle avec le festival We Love Green. Bien qu’il n’y ait pas de concurrence directe entre les deux festivals, l’amateur de musique doit faire un choix si la programmation des deux lui plaît. De plus, l’édition précédente était placée durant le pont de l’Ascension. Mine de rien, on se sentait en vacances avec ce temps printanier au paroxysme. Sauf que là, on sort du taf’, on court (ou pas) pour espérer ne pas rater le premier concert. Et bim, la pluie parisienne en prime !
Les gourmands ont été servis car chaque lieu proposait cette année une restauration spéciale pour l’événement. Et les radins du porte-monnaie avaient bien ciblé leur spot favori pour se ravitailler. Les différentes salles ont gardé leur même style caractéristique, excepté le Café de la Presse devenu Guru dont le son peut vite partir dans les aigus. Le festival permet en plus de croiser facilement les artistes avant et après leur show. Car, eux aussi, prennent du plaisir à visiter chaque salle pour regarder, par curiosité, leurs camarades. L’esprit familial a été sauvegardé à merveille.
Nous avons retrouvé une nouvelle fois trente-et-un groupes sur un rythme effréné. Dans le lot, il y avait assurément les nouveaux talents de demain dont les noms figureront en tête d’affiche des plus grands festivals. En attendant, ils prennent leur pied à conquérir un nouveau public connu pour être déchaîné au Supersonic. Il y a eu de très belles découvertes dont nous n’avons pas pu voir l’intégralité du concert. Ils auraient pu mériter d’atteindre ce top. On pense notamment à The 113, Sunfruits et Texoprint. En revanche, il y a eu aussi des déceptions. BIG SPECIAL, dont nous avons loué leur premier album une semaine auparavant, a déçu. La prestation ne fut pas mauvaise mais surjouée. Les effets DJ lourdingues lors des sketchs du batteur Joe Hocklins nous ont fatigué. Nous n’avons pas compris l’utilité esthétique de leur initiale sur scène avec une police Verdana d’une taille 1224. Le chanteur Callum Moloney semblait fatigué et à bout de force. Leur titre This Here Ain’t Water n’a jamais aussi mal porté son nom. Callum avait cruellement besoin de vider sa bouteille de 1,5L (ce qui se comprend bien entendu). Le voir partir au bar pour boire fut tout de même amusant. De plus, c’était durant leur meilleur morceau Trees, très saisissant en live. Le duo devrait réfléchir à changer rapidement de manager car ils ont les qualités pour exploser !
Sans plus attendre, place à ce top 10 purement subjectif ! Rappelez-vous, la vie est injuste…
10ème : Ducks Ltd (31 Mai – Guru)
Dans une salle blindée, Ducks Ltd a réussi à emballer une foule très attentive. Ils étaient un peu la caution casual rock dans cette journée aux styles plus nerveux. Classique certes mais très énergique ! Les coups de batteur atteignent facilement les 200 bpm. On étouffe même sur le rythme de On Your Way to The Rave qui contraste avec cette voix posée et douce de Tom McGreevy. Toutes les mélodies reposent sur les riffs sautillants du guitariste Evan Lewis. La guitare et la batterie semblent tracer leur chemin séparément sans être dissonants. Il a été difficile de comprendre les interventions de Tom. Sa voix nasillarde accentue sa prononciation. On l’excusera, le niveau des Français est trop faible en anglais. On le comprenait toutefois mieux sur leur tube rêvassant 18 Cigarettes dont il a fallu attendre la toute fin pour l’apprécier.
9ème : TTSSFU (1er juin – Supersonic Records)
Encore une fois, être originaire de Manchester est gage de qualité dans le milieu musical. Mais quel est leur secret ? Les Français veulent savoir. En attendant, plonger dans son univers intimiste dans la salle du Supersonic Records fut un instant magique. Tasmin Nicole Stephens est une très jeune artiste qui empile les références pop à travers ses titres. On baigne dans un univers essentiellement shoegazing plutôt réconfortant et touchant. Sa voix devient vite céleste sur des morceaux comme california et remember qui servira de clôture à la prestation. Ses musiciens sont plutôt en retrait sur la scène. Ici, une place importante est laissée à la spiritualité harmonique. Le moment le plus marquant fut sur baggage qui rappelle le meilleur de la douceur de l’indie pop de la précédente décennie.
8ème : Hallan (30 mai – Guru)
Pas le temps de niaiser. Hallan commence son set par ses deux plus gros bangers. Modern England et Sich Ubergeben mettent le feu dès le premier jour du festival devant un public acquis à leur cause. La boite à rythme accompagnée d’une synthé grave permettent d’imposer du rythme soutenu. Unwomanly Face to Ware appuie justement beaucoup sur ces sonorités dansantes. La guitare s’alimente, quant à elle, d’airs orientaux. On sent tout de même la volonté de la bande d’être moins brut et de lorgner sur la pop au fil des morceaux. Orwell’s Idyllic Future a été ainsi moins percutant qu’à l’accoutumé. L’ensemble reste classique pour le contenu : efficace et puissant. Tout ce qu’on attend de Hallan.
7ème : Baba Ali (1er juin – Supersonic Records)
Il a fallu être patient avec ce duo électro rock pour être convaincu. La configuration nous étonne à moitié. Baba Ali fait le show sur des bandes sons pré-enregistrées. Rien de glamour sauf sur la prestation. Vêtu d’un simple T-Shirt et d’un pantalon noir mais surtout de lunettes rétro-futuristes, Baba Doherty détonne sur scène et ne cesse de se trémousser en plus. Il y met tellement de conviction qu’on a envie d’y croire à sa musique. Pourtant, ce n’est pas gagné. Excepté l’ouverture House, les trois morceaux suivants s’enchaînent agréablement mais manquent de relief. Placé un peu loin de la scène, je me décide de me rapprocher. Le son en devient meilleur et donne plus de prépondérance au seul instrument présent sur scène : la guitare de Nick Balchin. Sa présence complémente parfaitement avec Baba. On sent sa folie à chaque griffe sur les cordes. Les deux-là ont la puissance électro punk de Working Men’s Club, le sourire en plus devant le public. Malgré un début raté, on les sent libérés sur Kiss The Floor et plus rien ne les a arrêtés. La foule qui s’est un peu réduite pour voir d’autres concerts, s’est elle aussi libérée. Ainsi, sur leur final Black Wagon, le Supersonic Records se transforme en mini dancefloor en guise d’apothéose.
6ème : Whitelands (1er juin – Supersonic)
Il s’agit du headliner qui a certainement le mieux assumé son statut de ce festival. Après trois jours intenses, le quatuor londonien est venu apaiser nos pulsions pour un voyage sensorielle. Le batteur Jagun affiche fièrement leur style sur scène sur son T-Shirt où il est marqué en grande taille : SHOEGAZE. Slowdive a clairement bercé ces quatre membres. Le moment fut assez saisissant. Tout le monde avait les yeux dans le vide, emporté par les rifs planants sur les sept morceaux joués. Naturellement, ils ont défendu leur deuxième album Night-bound Eyes Are Blind to the Day paru cette année. Malheureusement, encore trop méconnu en France. On retiendra le deuxième titre joué, Born is Understanding, est un geyser mélodique qui subjugue et rapproche les gens. L’enchaînement avec Setting Sun rebooste le tempo pour nous faire dandiner un petit peu. Le reste, tout aussi plaisant, nous plonge dans les abîmes de la mélancolie.
5ème : Library Card (1er juin – Supersonic)
Premier concert du samedi à 17h, Library Card avait la lourde tâche de réveiller le public de la nuit. Le groupe est catégorisé comme du post-punk « spoken word » à la sauce Dry Cleaning, Encore une fois, cette étiquette trompe l’auditeur dès qu’on les voit sur scène. Ce jeune groupe va au-delà de ses compères en proposant une palette riche de jeu et en lorgnant sur la période 90s de Nada Surf. En commençant par le jeu de la batteuse d’une élégante agressivité. On le voit souvent rire et s’amuser avec son guitariste quand il lance des riffs impromptus. Les quatre musiciens sont très soudés sur scène, cela se voit et se ressent. On a envie d’intégrer leur bande mais il nous manque la maîtrise du néerlandais. Oui, ils sont Hollandais. La pièce maitresse reste Lot Van Teylingen, chanteuse expressive qui sait varier le rythme mélodique de sa voix. C’est évidemment sur Cognitive Dissonance, joué au milieu de set, qu’elle nous impressionne avec sa colère qui s’accentue. Le final est aussi une belle claque. Well, Actualy propose un rythme saccadé sur une progression crescendo nerveuse qui finit par exploser au bout de cinq minutes. On finit alors excité alors que ce n’est que le début de la journée.
4ème : Teenage Dads (1er juin – Guru)
Les amateurs des Strokes ont forcément déjà entendu une fois ce groupe sur leur playlist aléatoire. Les références sont multiples. Le quatuor australien ne le cache pas non plus. Il faut dire que dans ce pays aux araignées géantes, de nombreux groupes apparaissent dans l’esthétique du travail de la bande de Julian. On pourra citer aussi High Tropics qui mériterait sa petite tournée européenne. Le chanteur et claviériste Jordan Finlay de Tennage Dads a en tout cas la même nonchalance que la star américaine sur scène. La base. Si on peut penser que l’offre musicale n’a rien d’original, on est immédiatement sous le charme d’un genre qui mérite d’être plus poussé. Les mélodies foisonnantes et l’ambiance positive et cool nous rappellent également nos Frenchy de Phoenix. Leur musique nous réconforte. On se laisse porter sur leur classique Midnight Driving, Sunburnt et Speedracer. Efficace et élégant , on se dit que ce groupe sortira la pépite qui chavirera l’Europe dès que leur audience sera plus agrandie. Ils ont tout des plus grands.
3ème : Test Plan (1er juin – Le Café de la Seine)
Tu ne peux pas test. Vénère. Aucun temps mort. On était venu pour entendre du sale dans la plus caverneuse des salles du festival : le Café de la Seine. On est ressorti sourd de bonheur. Il faut savoir qu’un groupe est forcément talentueux quand le batteur est leader et chanteur. Sachez que cette théorie est une nouvelle fois confirmée. Il y a eu des pains quelques fois, on l’excusera. Pourquoi tant de clémence sur ce trinôme de fou furieux ? Car ils ne s’autorisent aucune pause entre chaque titre. Tout s’enchaîne avec fureur et intensité. Le public a malheureusement manqué de lâché-prise au début avant de se libérer. On ne sait même plus quel titre est joué. Nous avons tout de même repéré Walking in a Vacuum qui est un exutoire de rage indescriptible. Ce concert a été très certainement le plus nerveux et prenant du festival.
2ème : Better Joy (31 mai – Supersonic Records)
Better Joy avait beaucoup à prouver. Seulement trois titres publiés avant leur venue au festival. De puissantes mélodies pop qui rappellent Keane avec la voix de Florence & the Machine. Le groupe a huit titres à présenter ce soir. Cela promet d’être court. On ne sait que peu de choses sur ce quatuor. Le groupe, originaire de Manchester, a été créé par Bria Kelly qui a enregistré son premier son au Chapel Studio de Londres, lieu du premier album de Arctic Monkeys. Prometteur.
Le groupe débarque sur scène. Ils sont tous BCBG. Bria porte en plus un T-Shirt de Oasis. Je suis amoureux. Je décide de rompre avec ma copine pour qu’elle puisse rejoindre le chanteur de Deadletter. L’amour rend fou. Il me faut quelques secondes tout de même pour réaliser qu’elle n’est peut-être pas célibataire. Trop tard, le mal est fait : me voilà seul à savourer le reste de la soirée.
Le groupe commence par Made You Cry dont personne ne connait. On est vite étonné de la justesse technique des musiciens. Tout est parfaitement équilibré comme s’il s’agissait de leur millième concert de l’année. Surprenant. Et agréablement surpris par l’efficacité de leur dernier single Talking Arround qui a tout d’un tube par l’énergie apportée. La guitare est mélodique, entrainante et s’entend fortement. À côté, Bria est remplie de conviction et d’un sourire amical. Elle a tout d’une grande star. Le public comblé l’est davantage sur le suivant très pop Hard to Love. C’était très étonnant de constater que le public méconnaîssait ce morceau. Il fut cependant conquis à la fin tant sa mélodie est délicieuse. Dead Plants conclura ce set court et rondement bien mené. C’est un véritable coup de génie de la part des programmateurs du Block Party. Il ne fait aucun doute qu’on reverra ce Better Joy dans les plus grandes salles parisiennes. Bravo.
1er : Adult DVD (30 mai – Supersonic)
Ils ont frappé d’entrée sur le festival et sont restés dans notre mémoire deux jours plus tard. Les six membres de Adult DVD sont des tarés. Déjà, d’où vient le nom de ce groupe ? En plus, ils viennent de Leeds comme Kaiser Chiefs, Gang of Four, Yard Act.. C’est une bonne base.
Quand on fait de la dance rock comme eux, il faut avoir le goût de l’animation. Les gaillards débarquent avec quatre synthés sur scène prêts à déballer du lourd. La partie électronique aura une place importante durant le live. En revanche, on repassera sur leur style vestimentaire décontracté du dimanche après-midi. On a l’impression qu’ils passent leur journée dans un canapé en train de mater du foot avec chips et bière à la main. Comme moi en fait. Je veux être leur pote. Mais on est venu pour la musique.
Le début est timide, comme un round d’observation. Les musiciens sont concentrés et le chanteur, sourire narquois au micro, regarde attentivement le public. Ce dernier réagit favorablement, comprenant rapidement le délire de leur style : une base d’Acid house mêlée à la fugueur du punk. Tout est orienté pour transformer le Supersonic en un véritable dancefloor. Sentant la foule conquise au bout du premier titre, Adult DVD se regarde et s’emballe comme des gamins satisfaits de leur bêtise. En discutant avec eux après le concert, on apprenait qu’ils avaient joué devant quinze personnes la veille. On comprend pourquoi ils se sont transfigurés ce soir. Ils prennent même le soin de chanter avec le public à l’honneur de l’ingé son Pilou.
À partir de ce moment-là, l’ivresse musicale prend le dessus. Les beats électroniques de Yacht Money, Role Models et Broken English poussent aux meilleurs déhanchés sur la piste. L’ambiance est un peu débile : on adore ça. Tout le monde se mélange et fusionne dans cette folie. Sur le titre majeur Bill Murray, les pogos se mettent en place et nombreux sont ceux qui finissent par scander ces paroles entêtantes. Insatiables, les festivaliers réclament plus de titres. Adult DVD finira par présenter leur dernier single et certainement le plus rock de leur répertoire 7 foot 1.
En somme, le groupe de Leeds est la belle révélation pour un jeune groupe qui a le grain de folie et de fraîcheur à ce milieu du rock. Le festival Block Party, quant à lui, est déjà prêt pour une troisième édition et même plus d’après certaines rumeurs. C’est une bonne nouvelle car il existe trop peu de festivals laissant place uniquement à des groupes indépendants. On peut donc les remercier et leur faire toute confiance pour dénicher de nouvelles pépites !
Crédit photo : Lucyle Roxane Espieusas (dans l’ordre des photos : Adult DVD (couverture) – BIG SPECIAL – Hallan – The 113 – Better Joy – Adult DVD)