Feu! Chatterton meilleur que jamais avec « Labyrinthe »

Feu! Chatterton signe son grand retour avec Labyrinthe. Un quatrième album studio profond qui joue avec les contrastes, à la fois lumineux et sombre, joyeux et désabusé, où l’important n’est pas d’arriver mais bien de cheminer, porté par l’espérance.

Quatre années se sont écoulées depuis Palais d’argile, dernier album désormais culte unanimement salué par la critique et plébiscité par le public. Quatre longues années durant lesquelles le groupe n’a pourtant pas chômé.

Une tournée, des collaborations avec des artistes de tous horizons (pour n’en citer que quelques-uns : Bernard Lavilliers, Polo & Pan, November Ultra…), de la musique à l’image (la série Toutouyoutou, le film La Grande Magie de Noémie Lvovsky ou encore la fameuse pièce de Labiche Un chapeau de paille d’Italie mise en scène par Alain Françon). Comment ne pas citer non plus les deux recueils de poésie publiés par Arthur Teboul, Le Déversoir et L’Adresse, ainsi que son cabinet de poésie minute ? Cette liste bien fournie mais néanmoins incomplète vient illustrer l’énergie débordante des cinq dandys, toujours prêts à dégainer leur poésie.

Une œuvre quasi philosophique

Une frénésie créative qui a sans doute nourri et inspiré le groupe pour imaginer le voyage de ce labyrinthe en treize actes. Pas d’unité de lieu ni de temps dans cette œuvre pourtant « monolithique » dans sa cohérence, mais de multiples chemins qui nous invitent à nous perdre dans le dédale de nos âmes et de nos vies. Chaque morceau de l’album nous embarque dans son propre univers, avec son lot d’émotions : la joie, l’allégresse, l’insouciance, l’abandon, la mélancolie, la peine, l’inquiétude.

Ce labyrinthe est métaphorique. Une œuvre quasi philosophique en somme dans laquelle le groupe nous amène à réfléchir sur nos choix, les épreuves que l’on traverse, la vieillesse, la condition humaine, la fraternité, la mort. On connaît tous l’issue, la lumière au bout du chemin. L’important n’est pas de la chercher ni même de la trouver, mais de vivre pleinement, intensément chaque étape, chaque épreuve.

L’ouverture lumineuse : Allons voir

C’est d’ailleurs ainsi que débute l’album. Avec Allons voir, également premier extrait dévoilé par le groupe, Feu! Chatterton nous offre un morceau pop-rock lumineux, aérien, qui nous invite à la découverte et à vivre chaque instant avec le délice de l’insouciance. « Allons voir ce que la vie nous réserve, n’ayons peur de rien ».

Une incitation à la confiance en nous, en nos envies et en l’avenir bien utile pour entrer ensuite dans le Labyrinthe. Sur un rythme enlevé et chaloupé habillé de sonorités mi-organiques mi-électroniques, on déambule, sans chercher l’issue. « Sois sans hâte sois sans crainte Reste un peu ici La porte joliment peinte On tombera dessus ». On pense forcément à Alice au pays des merveilles.

Prendre de la hauteur avec Ce qu’on devient

On prend ensuite un peu de hauteur – souvent la solution d’ailleurs pour sortir d’un labyrinthe – avec Ce qu’on devient. Un morceau très new wave empreint de mélancolie sur la vie, le temps qui passe, les habitudes qui nous rongent mais une envie indéfectible d’aimer et de vivre.

Le sujet résonne dans la construction-même du morceau, l’un des plus longs de l’album (6 minutes 09). On le pense terminé un peu avant quatre minutes. Le son s’arrête, le silence s’installe, puis doucement quelques notes de guitare et de piano viennent habiller quelques mots amplifiés d’un écho « Dis-moi ce qu’on devient Dis-moi ce qu’on retient On ne retrouvera pas l’avant Mais je crois ce qui est devant ». Une pause, une parenthèse, une réflexion intime, un moment suspendu avant de reprendre et de terminer, cette fois, le morceau.

L’épure poétique : À cause ou grâce

On ralentit le rythme avec le magnifique À cause ou grâce. Un morceau de poésie brute et douce à la fois, dans lequel Feu! Chatterton choisit l’épure musicale comme pour donner plus de force à son texte. Le groupe parle ici de la « violence de notre folle espérance ». Ces rêves qu’on a en nous, insouciants et purs, souvent fracassés ou pour le moins contrariés par la réalité. Et pourtant ils nous animent et nous portent. « Quand viendra l’aurore, on trouvera de l’or »…

Crédit : Fifou

Arrive ensuite Baisse les armes. Dans un style lui aussi new wave chattertonien, le morceau est une invitation à nous recentrer sur nos émotions, à faire tomber l’armure. Cette armure qu’on a tous tendance à ériger pour nous protéger des épreuves de la vie et des émotions trop souvent perçues comme des signes de faiblesse. Ce sont précisément ces émotions qui nous ancrent dans la réalité et font de nous des humains.

L’explosion d’énergie : Cosmos song

On monte le son avec Cosmos song, le morceau le plus enlevé et le plus rock de l’album. Une énergie folle qui nous donne instantanément envie de sauter et de danser, quelle claque ! Là encore, le morceau est un hymne à la vie, à l’optimisme et une magnifique réponse aux incertitudes du monde. Carpe diem.

Une joie contrastée néanmoins par Mon frère. Une atmosphère plus sombre qui résonne avec les conflits mondiaux. Feu! Chatterton ne nous épargne rien, on se prend en pleine face la violence de la nature humaine, de notre nature humaine. « Quand les corbeaux de la noirceur sur moi déverseront leur haine Oublieras-tu ma sœur ma nature humaine ? » Du grand art qui nous ébranle au plus profond et dont on ne sort pas indemne. On apprécie en particulier le final de guitare très sombre, qui nous fait ressentir souffrance, fatalité, avec une impression de chute inexorable.

L’émotion pure de Mille vagues

Puis, on est soudain submergé par la folk épurée de Mille vagues. La voix d’Arthur Teboul et les instruments de ses compères pleurent la perte d’un ami, le manque, l’amour aussi. Un flot d’émotion sublimé par la poésie jazzy d’un magnifique solo de saxophone. Une chanson comme tombée du ciel, touchée par la grâce.

Changement d’univers et de décor avec L’Étranger. Feu! Chatterton casse le rythme et monte les beats. Les sonorités électro sont graves et inquiétantes, tout comme le texte emprunté à l’un des poètes fétiches, Louis Aragon. Un procédé signature pour le groupe, qui aime faire siennes des œuvres admirées. Et le résultat est bluffant de cet Étranger terriblement actuel qu’on dirait écrit par Arthur Teboul lui-même. Un poème autour de la vieillesse, qui s’inscrit parfaitement dans le labyrinthe chattertonien.

Le jardin d’Éden perdu : L’Alcazar

Un nouveau chemin du labyrinthe nous emmène cette fois dans les jardins de L’Alcazar, sortes de jardins d’Éden où Adam et Ève cèdent à la tentation et goûtent au fruit défendu… Un morceau pour nous rappeler peut-être la nature humaine et la fin de l’innocence ?

On poursuit notre cheminement et on tombe sur Le Carrousel. OVNI que ce vieux carrousel qui ne veut plus tourner et ne ressemble musicalement à rien d’autre au sein de l’album. Et pourtant, la reprise en guitare-voix de ce texte de Léo Ferré vient parfaire L’Alcazar. Il s’agit d’une métaphore du temps qui passe, de la vie amoureuse, de la culpabilité, du désir, mêlée d’ironie douce.

Avant-dernier morceau de l’album, voici Monolithe, préalablement intitulé Les Tribus. Dans un style très Bashung, le morceau évoque un voyage métaphorique vers un retour aux origines et à l’innocence perdue. Un parcours initiatique où la descente physique et symbolique permet paradoxalement une élévation spirituelle, un retour à l’essentiel par l’abandon du superflu.

La conclusion apocalyptique : Sous la pyramide

L’album se termine par Sous la pyramide. Ce morceau, le plus long de Labyrinthe, prolonge et approfondit la quête spirituelle de Monolithe, et plus globalement de l’album, avec une tonalité plus sombre.

Une très longue introduction instrumentale, de plus de quatre minutes, vient donner un caractère très solennel au morceau, presque apocalyptique, créé grâce au tic tac du temps qui passe, aux variations d’un synthé inquiétant et aux chœurs, quasi célestes.

Feu! Chatterton nous met en garde contre les dérives du monde, avant qu’il ne coure à sa perte. La lumière finale qui éclaire successivement « nos doutes« , « le vide » et « nos ombres » suggère une lucidité nouvelle, une capacité à voir clairement notre condition après le passage de l’orage purificateur, nécessaire ou inéluctable ?

Beauté des mots, force des mélodies, puissance des messages. Plus qu’un album, Labyrinthe constitue une œuvre artistique profonde, qu’on peut aussi bien lire qu’écouter. Une réflexion sur la vie conjuguée à tous les temps et une réponse aux tourments du monde, empreinte d’humanité et traversée par l’espoir.

Feu! Chatterton sillonnera la France à partir du 5 novembre, avec une fin en apothéose le 11 février à Paris à l’Accor Arena.

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