Après la sortie de son quatrième opus, Nostalgic for the Future, nous avons rencontré Fhin afin d’échanger sur son univers qui nous transporte aux confins de ses rêves.

La Face B : Comment ça va ?
Fhin : Super et toi ?
La Face B : Plutôt bien aussi. Tu as sorti ton nouvel EP il y a deux semaines, est-ce que tu peux nous en parler un peu ?
Fhin : Ouais, bien sûr. En fait, ce que j’ai fait sur cet EP, c’est que j’ai fait différemment. Habituellement, je décrivais un peu pourquoi j’avais écris les chansons, ce que je ressentais et tout. Sur celui-là, j’ai voulu un peu plus laisser l’interprétation et du coup je trouvais ça cool tu vois, sur différents articles de voir comment les gens pouvaient interpréter les paroles. Il y avait des trucs justes, des trucs un peu moins mais qui me vont très bien aussi comme ça. En fait, cet EP, j’ai commencé à l’écrire à peu près au moment où sortait Trauma.
À peu près à la période du confinement. Je ne sais pas si tu as vu mais j’avais fait un morceau qui est un peu passé sous les radars parce que je l’ai sorti en single, c’est Tombé du sommeil. J’ai fait le clip dans ma chambre, j’étais chez mes parents, dans la chambre dans laquelle j’étais quand j’étais gamin. Un peu dans cette veine-là, j’ai continué mais j’ai écris un peu plus en français, comme sur Sombrer ou Tactile. J’avais besoin, après Trauma qui était hyper introspectif, un peu perso, un peu deep, j’avais besoin d’un truc un peu plus solaire, un peu plus dansant. J’ai beaucoup réécouté les sonorités que j’ai kiffées quand j’étais gamin, de Daft Punk à Alan Braxe, Jestofunk, des sonorités un peu comme ça, avec lesquelles mon père m’a harcelé.
J’avais envie de m’approprier un peu ce son-là avec mes codes. D’ailleurs, c’est rigolo, je trouve même ça incroyable mais mon album est sorti le même jour que la réédition de l’album d’Alan Braxe. Son son m’a clairement inspiré au niveau des sonorités, sur Flat Head, sur les sons un peu club. Du coup, ça m’a fait tout drôle, j’ai un screenshot sur Itunes où il y a son album à côté du mien dans les nouveautés électro. C’était un peu un clin d’oeil de nulle part, mais ça m’a fait rire. Et sinon, que te dire sur cet EP ?
La Face B : Tu peux nous parler de ton processus au niveau de l’écriture ?
Fhin : Comme à l’accoutumée, c’est beaucoup d’inspiration de mes rêves, ceux que je fais. C’était intéressant parce que j’ai beaucoup écrit sur des textures… Je vais commencer à produire, à jouer avec des textures de synthé et ça va m’amener un univers et là je vais me dire : ah j’ai envie de parler de ça. Notamment, je me suis acheté une TR-8S, la petite soeur de la 808, de la 707, 909, tout ça quoi, de chez Roland, qui regroupe tous les patchs.
C’est intéressant parce que moi, je suis un peu maniaque des prod’ et tout et quand je produis, je fais tout à la main. Si je veux faire une batterie numérique, je vais tout placer, chaque instrument, chaque élément mais c’est un long processus. J’aime beaucoup. Là, du coup, j’avais sous la main une grande machine. J’ai commencé à faire défiler les séquences et à faire des choses plus longues, plus courtes, à gauche, à droite… Et du coup, ça m’a tout de suite mis une ambiance, une belle sonorité. Par dessus, j’ai mis les accords et ça a donné Flat Head.
Vraiment, ce son je l’ai fait en un après-midi. Il faisait beau, j’étais bien. Je découvrais ma machine et voilà, j’ai joué avec ça et tout de suite, le son était évident. Après, je me suis amusé à alterner ces deux voix, une voix très grave et une très aiguë. Et ça a donné Flat Head.
La Face B : Je trouve que tu as une identité sonore assez marquée, avec une atmosphère envoutante, qui nous fait traverser ton univers assez facilement et avec une dimension très onirique. Du coup, je me demandais quelle place tu accordes aux rêves et si tu leur accordes une place particulière également en dehors de Fhin ?
Fhin : Ouais, en fait depuis que je suis gamin… J’en avais un peu parlé avec la sortie de Trauma mais quand j’étais petit, vers 5-6 ans, j’ai eu une opération parce que j’avais une tumeur vers ma colonne vertébrale, qui bloquait ma respiration. J’ai passé toute cette période à l’hôpital et j’étais beaucoup sous médicaments. Je faisais des rêves un peu hallucinants. Je pense que je devais avoir un traitement aux opiacés ou autre chose. Il est reconnu que les opiacés te permettent d’avoir des phases de sommeil paradoxal plus intenses et où tu te connectes beaucoup plus avec ton subconscient.
Du coup, je pense que c’est là que j’ai commencé à expérimenter ça et je me suis rendu compte que les rêves n’étaient pas comme ces trucs un peu communs de « ouais, tu vas halluciner, j’ai rêvé de ça, c’est débile ». Alors qu’en fait, ça peut être quelque chose d’exploitable et on peut aussi l’observer comme une forme de réalité. Donc maintenant, les rêves, ça fait vraiment partie de ma vie et c’est un garde-fou. C’est un moyen d’expérimenter des choses un peu incroyables. Je les chéris vraiment et je pense que c’est très sous-côté dans notre culture. Je pense que j’apprendrais à mes gamins très tôt que la nuit, ils vont dans un autre monde.
C’est un espèce de mythe du père Noël mais en fait, vraiment, ils ont leur monde dans lequel ils peuvent faire ce qu’ils veulent. Je pense que si on a ça très tôt, c’est vraiment un allié fort. Et donc, ouais pour te répondre, c’est un truc vraiment au centre de ma vie, autant que la musique. C’est très important, dans le traitements de traumas. C’est aussi un moyen de passer du temps avec des personnes qui ne sont plus forcément là. Je prends beaucoup soin de son sommeil, maintenant j’ai trente ans donc je commence à en prendre soin (rires). Mais oui, c’est primordial.
La Face B : Je trouve que tu arrives à traduire ce que tu dis par rapport aux rêves, que c’est un monde à part entière. Quand on écoute ta musique et les différents projets que tu as sortis, on a vraiment une cohérence. Ça arrive vraiment à t’envouter et ça t’englobe pour directement te mettre dedans.
Fhin : Tu veux dire sur les sonorités ?
La Face B : Oui, sur les sonorités, sur l’atmosphère que tu viens créer. Je trouve que tu as vraiment une certaine cohérence, que ce soit sur Trauma ou sur Nostalgic for the Future où tu as des choses quand même assez différentes mais qui arrivent toujours à t’englober.
Fhin : C’est intéressant parce que justement, cette idée-là, il m’est arrivé de me faire la réflexion et de me dire… Je ne me suis jamais mis de limites à me dire que Fhin, c’est un projet où je ne vais faire que de l’électronique. C’est vraiment mon exutoire. Ça m’arrive de bosser pour d’autres artistes, de faire des musiques de pub ou des trucs sur lesquels je vais aller sur un modèle, je vais avoir une vision, quelque chose de très précis. Alors que Fhin, c’est vraiment mon exutoire. C’est pour ça que je reste en indé, complètement sur le projet.
C’est vraiment pour moi une forme d’art pur et de libération. Je fais ce que j’ai envie de faire et ce que j’ai envie d’entendre. Je ne me suis jamais dit : « ah non, ce morceau, je ne peux pas le mettre sur Fhin, c’est trop bizarre ou trop chiant ». Je suis un peu parti de ce principe. Quand j’ai sorti Trauma, je me suis dit que ça allait tellement dans tous les sens que j’aurais réussi mon truc si n’importe qui qui écoutait l’album adorait et détestait un morceau. Je me disais aussi qu’il fallait peut-être que je fasse gaffe parce qu’en allant comme ça partout, est-ce que je ne risquais pas de ne pas avoir de son identifiable ?
Moi, j’ai pas assez de recul pour ça. Très souvent, on me dit, et justement je n’arrive pas à mettre le doigt dessus, ce que tu me dis : qu’il y a une cohérence même si on change complètement de forme. Il y a un fond qui reste cohérent. Du coup, j’étais très satisfait de ça parce que l’idée de Trauma, c’était de faire une espèce de nuit de rêve lucide, en allant dans plein de rêves mais que ça soit la même personne qui rêve.
Et donc sur Nostalgic for the Future, vu que c’était encore plus polarisé, dans le sens où il y a toujours un petit morceau de piano très calme avec des toutes petites touches de prod’, et à côté il y a un gros Flat Head qui est super House, qui cogne fort. Au début, quand j’ai commencé à le faire, je me suis dit que je forçais un peu. Mais c’est sûr qu’en termes de présentation d’album, ou d’EP, parfois ça peut être reçu bizarrement par les radios, par la presse ou quoi, mais je reste sur ce truc où j’ai envie de me faire plaisir, d’aller un peu dans tous les sens. Tout ça pour dire que si cohérence transparaît, c’est parfait.
La Face B : Il y a une chose que j’apprécie énormément, c’est que j’ai l’impression que tu accordes une réelle importance à la tracklist et à l’ordre des morceaux. Ton album est sorti depuis quasiment deux ans et demi et il revient de façon assez récurrente dans mes écouteurs. Il me parle et me raconte quelque chose. Je vais toujours l’écouter en partant du premier morceau, jusqu’à la fin. Pour ton EP, j’ai cette même impression.
Fhin : Alors déjà, ça me fait super plaisir que tu dises ça parce que je pense qu’il y a peu de gens qui écoutent les albums de A à Z. C’est un peu le mal de cette époque-là. Il y a des playlists parce qu’il y a un titre random qui a été mis dedans, en fonction d’une ambiance et tout. Et du coup, en effet, je passe du temps. Premièrement sur l’ordre des morceaux, je trouve ça super important. Et sur les silences entre les morceaux. J’ai besoin que la respiration soit hyper cohérente. Il y a certains morceaux, j’aime bien que ça cut’ presque et qu’on passe direct à la suite. Il y en a d’autres, je veux que les gens aient le temps de se poser, de se dire « ok, il s’est passé ça, là on écoute quelque chose d’autre ».
Trauma, je ne l’avais pas masterisé moi-même. J’ai commencé à masteriser mes titres que sur Nostalgic for the Future. Avant, je m’arrêtais après le mix et je laissais masteriser par quelqu’un d’autre. J’avais pris la tête à l’ingé parce qu’il me coupait les silences. Pour moi, l’expérience n’avait rien à voir. J’avais pas le même temps pour digérer, j’avais pas ce petit temps de repos pour que les oreilles se calent. Alors que là, ça arrive, tu es prêt à l’accueillir. T’es pas déjà saturé d’information. Donc oui, en effet, l’ordre et le silence sont aussi importants que la musique en elle-même. J’encourage vraiment les gens à consommer la musique, quand ils aiment un artiste, à consommer les œuvres dans leur ordre et tout parce qu’en vrai, je pense que je suis loin d’être le seul. Énormément d’artistes sont maniaques de ça, se demandent lequel mettre en premier, lequel à la fin. C’est très murement réfléchi par chacun je pense et ça vaut le coup d’être suivi.
La Face B : Je suis assez d’accord. J’avais vu qu’Adele avait demandé à Spotify que quand tu lances un album, tu n’ais pas l’aléatoire par défaut.
Fhin : Ah ouais ? C’est un truc que je revendiquais complètement avec mes potes et tout. Je me disais qu’il faudrait qu’il n’y ait pas la possibilité d’avoir l’aléatoire sur un album et que ce soit dans l’ordre. Parce que le CD, le vinyle, c’était comme ça. Et maintenant, ça a cassé ces codes.

La Face B : Dans ton projet, tu as énormément de titres où tu chantes et il y a une certaine sensibilité dans ton chant, dans les voix graves comme dans celles qui sont beaucoup plus douces. Je me demandais comment on devait l’interpréter, si c’est une forme de pudeur ou si c’est ta manière d’appréhender ce dont tu parles dans tes morceaux ?
Fhin : Tu veux dire le fait que la voix soit plutôt douce ?
La Face B : Oui. Dans certains morceaux, tu vas dégager une certaine sérénité alors que dans d’autres, ça va être de la douceur, de la sensibilité.
Fhin : C’est un truc sur lequel je prends beaucoup de plaisir. C’est le fait justement de chanter de manières différentes et au-delà de ça, c’est aussi de traiter la voix différemment aussi. Parfois, on va m’entendre sur des textures où on ne sait pas trop si c’est moi qui chante, d’autres on dirait des voix féminines, des voix super graves, d’autres soufflées. J’aime bien incarner l’émotion que j’entends dans le morceau. Je veux qu’elle soit transverse, que tous les instruments et la voix soient cohérents là-dessus.
De base, je ne suis pas un excellent chanteur. Je sais chanter juste et je sais aller dans les notes où je peux aller et tout. Mais je n’ai pas cet organe de chanteur à la The Voice. Du coup, je pense que je chante d’une manière très reconnaissable et identifiable. Ça a ses qualités et ses défauts mais j’apprécie que le morceau soit embrassé par la manière de chanter aussi. Par exemple, sur The Shape, sur lequel on a fait une vidéo pendant le deuxième confinement avec mon frérot Léo qui s’occupe de tous les trucs visuels, les lumières de concert et tout. Sur ce titre, je voulais que ça sonne un peu comme de la schizophrénie, avec des voix dans la tête.
Du coup, dans The Shape, il y a cinq ou six manières de chanter différentes avec des effets différents, des chorus, des différences de largeur de stéréo et de mono, des voix très, très flippantes, d’autres toutes douces. Je voulais cet espèce de fil conducteur d’une voix comme ça, avec plein de voix derrière. Je trouve que la manière de chanter, c’est un très bon moyen d’attirer l’attention sur quelque chose, sur une émotion, sur un rendu final.
La Face B : Du coup, plutôt chant en anglais qu’en français ?
Fhin : Ouais, c’est ce que je dis dans Sombrer : « je préfère quand vous ne comprenez pas ». Évidemment, les gens comprennent l’anglais mais il y a ce truc où l’anglais, c’est super fluide. Tu peux dire n’importe quoi, il y a un truc très sonore, musical. Surtout pour quelqu’un qui n’est pas anglophone. Alors que quand tu chantes en français à des français, il y a un truc qui marbré, super premier degré. Donc c’est pas facile d’écrire et de chanter en français sans que ce soit trop direct, trop premier degré.
Du coup, j’y ai pensé pendant que je l’écrivais, je me disais « putain, c’est dur quand même, c’est hyper frontal ». Et du coup, je me suis dit que j’allais le dire. En effet, en anglais… Et tu vois, en même temps que tu me le dis, je m’en rends compte, en français, je chante un peu de la même façon, à chaque fois. Quand tu écoutes Quand on arrive en ville, quand tu écoutes Sombrer, Tactile, globalement je suis dans les mêmes écritures et je m’envole pas dans des trucs hyper aiguës ou hyper graves.
Alors qu’en anglais, j’ai un espèce de filet de sécurité, j’ai l’impression de pouvoir interpréter quelqu’un d’autre alors qu’en français, c’est moi quoi. Ce que je vais dire, ça va être direct, premier degré. Les gens vont le prendre comme je le dis donc effectivement, je pense que j’essaie même pas de faire des voix chelous ou des traitements très différents. Je m’en rends compte avec cette question.
La Face B : Il y a autre chose qui me semble important aussi dans ta musique, c’est le piano. Sur tes deux derniers projets, tu as un morceau dédié au piano. C’est quelque chose d’important pour toi de lui donner une telle place dans tes projets ?
Fhin : Ouais, en fait j’ai grandi avec ma mère qui jouait tout le temps du piano. On a toujours eu un piano à la maison. J’ai mis un peu de temps à m’y intéresser parce que je jouais de la batterie, de la guitare. En fait, quand j’ai commencé à vouloir rejouer des musiques qui m’apportaient une émotion que je ne connaissais pas avant et que j’arrivais pas à obtenir quand j’étais à la batterie ou à la guitare…
Du coup quand j’ai commencé à comprendre et à jouer moi-même, j’ai été saisi d’un truc et je me suis dit « ah ouais, en fait le piano c’est un autre truc ». Tu peux ressentir et projeter tellement de choses qui n’ont rien à voir. Du coup, je m’y suis vachement intéressé et j’ai un peu ce truc central du piano. Tu vois même quand je commence à faire des accords pour une production sur mon synthé ou quoi, mes musiques peuvent commencer par une voix mais je vais créer l’univers tout de suite avec mes accords. J’ai un rapport avec le clavier qui est vachement plus intime et productif qu’avec tout le reste.
La voix, je peux trouver une mélodie et tout. Je peux me mettre dans une ambiance mais c’est vraiment quand je vais commencer à enrober le truc… En fait, selon ce que je vais commencer à faire avec une voix, le moment où je vais jouer mes accords, il y a tellement de possibilités différentes que je me peux emmener le morceau dans des ambiances totalement différentes.
Une fois de plus, je ne suis pas un énorme technicien. Mes potes pianistes se foutent de ma gueule parce que j’utilise jamais mon petit doigt. J’ai des grandes mains donc j’ai un écart de doigts qui me permet de jouer avec l’annulaire et le pouce. J’essaie de travailler le truc mais j’ai aucune connaissance du solfège donc je fais vraiment à l’instinct et à l’oreille. Ça me limite mais dans un sens, je cherche tout de suite et je ne vais pas dans des règles. Je vais tout de suite vers : où est-ce que je suis touché ? Où est-ce que je pense que c’est intéressant et où il va se passer quelque chose ? C’est mon rapport au piano. Je ne suis pas du tout technicien mais je me promène.
La Face B : Tu fais ce qu’il te plaît finalement.
Fhin : C’est ça.
La Face B : Le premier morceau de l’EP est un featuring avec Aloïse Sauvage. Je me demandais si c’était important pour toi d’avoir d’autres artistes sur ton projet. On disait tout à l’heure que c’est une introduction dans tes rêves. Est-ce que ça ne permettrait pas de faciliter l’entrée ?
Fhin : Ouais, complètement. En fait, j’ai commencé avec Chloé Black sur le deuxième EP, Irréversible. C’était fou. À ce moment-là, j’étais allé à Londres et tout, dans les studios de Sony. On avait eu un super contact. J’ai trouvé ça fou et le morceau est dingue. C’est un morceau qui me fait vraiment un truc en plus parce que je pense qu’il y a beaucoup de choses qui m’ont été apportées par Chloé. Sa voix a amené un truc de malade dedans. En fait, c’est une démo que je trainais depuis longtemps, que j’affectionnais beaucoup. Il manquait un truc et vraiment, elle l’a emmenée quelque part. Ça m’a beaucoup touché.
Après, j’ai réitéré sur Trauma avec sahara et Louis VI. Je crois que j’ai kiffé parce que dans le processus, t’es quand même très seul. C’est ce que j’adore aussi : des heures face à toi-même, faire des questions-réponses, interpréter différentes voix et différentes manières de jouer des instruments. Mais c’est vrai que bosser avec quelqu’un, c’est super. Avec Louis VI, c’était super évident. On était à distance. Je lui ai envoyé l’intru, il m’a envoyé un acapella. Il a tué le truc. Avec Aloïse, c’est pareil. On a pu se voir, on a fait le studio ensemble à Paris.
J’ai changé un peu d’univers donc ça t’inspire aussi différemment. T’es pas toujours dans le même studio. Elle a écrit super vite le truc et après du coup, je me suis amusé parce que j’avais pas une voix comme la mienne, dont je l’ai produite différemment. J’ai fait des choses qui ne me seraient pas venues en tête avec ma voix. Et oui, du coup c’est une manière d’étendre ta créativité en la joignant à une autre. C’est trop bien. Je pense que je vais continuer comme ça. J’ai même des envies… Plus récemment, je travaille avec certains artistes et je me dis que j’aimerais sortir des projets à deux ou à trois, sortir des concepts ou des trucs parce que ça t’emmène vraiment ailleurs et c’est hyper intéressant. Le ping pong est hyper rapide.
Là où c’est intéressant d’être seul parce que c’est très introspectif et tout, c’est beaucoup plus long et pénible aussi. Alors qu’à deux, il y a un relai qui est intéressant quoi.
La Face B : Tu as sorti ton EP un peu plus de deux ans après ton album. Est-ce que c’est une espèce de transition ? Est-ce que tu vas revenir sur un format album après ?
Fhin : Pour ne rien te cacher, j’en ai marre des appellations « EP», « album». Enfin, c’est pas que j’en ai marre mais je trouve que ça n’a plus de trop de sens aujourd’hui. C’est un héritage de l’époque des disques, des vinyles, les LPs, les EPs, etc. Dans le milieu, je trouve qu’il y a beaucoup d’idées autour de ça. Les gens disent « ouais, après je vais sortir un album parce que je veux montrer que je peux faire un album ». Il y a un truc un peu « ah, il a sorti un EP, ok, c’est cool ». C’est traité très différemment par les radios, par la presse et tout. Donc c’est pour ça que j’arrête pas d’appeler ça un opus : c’est mon quatrième opus ou mon quatrième disque tu vois ? Parce qu’il y a six titres mais six titres, c’est un très gros EP ou un très petit album.
J’essaie de ne plus trop penser comme ça et de voir combien de titres j’ai. Tu vois, Tombé du sommeil, je l’ai sorti en one-shot parce que trouvais ça cool. J’avais envie de le sortir spontanément, que les gens l’écoutent. J’avais fait la vidéo dans ma chambre et tout. Je ne m’interdis pas du tout à l’avenir de me dire que j’ai deux titres qui vont vachement bien ensemble et que je vais les sortir. Je vais en faire une belle image, je vais bosser dessus. Je vais le sortir et les gens pourront l’écouter. C’est aussi une manière d’enlever une certaine pression qui te permet d’être plus productif et de ne plus se prendre la tête. Plutôt que de me dire que pendant un an, je vais me cloîtrer et que je vais produire un album. Je le ferais. Je suis sûr que je vais ressortir des albums mais je ne m’interdis pas de sortir un deux titres, un titre très long. Un seul titre. J’y ai pensé il n’y a pas longtemps, j’aimerais bien faire ça. Un titre qui dure genre 12 minutes.
J’ai aussi beaucoup été élevé au rock progressif, aux musiques progressives comme ça. Du coup, j’ai ce truc de l’album concept où tu n’as pas de transitions entre les morceaux. C’est direct, il y a une transition évidente. Il n’y a pas de coupure. J’aime ce côté musique interminable, voyage. Donc ouais, je n’ai pas de projet là-dessus. Je veux vraiment aller là où le son m’emmène et où c’est pertinent de sortir quelque chose.
La Face B : J’ai vu que tu as une date prévue à La Maroquinerie fin juin. À quoi on peut s’attendre pour le live ?
Fhin : J’essaie le moins possible d’en dire là-dessus. Je ne sais pas si tu as vu des images du précédent live mais en gros, je travaille avec Leo Mozoloa qui est à la fois mon meilleur ami et mon régisseur technique pour tous ces trucs-là, les lumières et tout. On a fait notre école de son ensemble en fait. Il est super talentueux. C’est un bon taré de tout ce qui est technique. Il fait de la 3D, de la vidéo, de la lumière, du son. À l’époque, il a sorti un projet qui était incroyable, qui est complètement passé sous les radars, qui s’appelait Seas.
Il chantait lui-même les morceaux, il a tout composé, tout mixé, tout masterisé. Il a filmé le clip, fait la 3D du clip. C’est un débile quoi. Il m’accompagne sur le live. Sur le premier live déjà, il avait fabriqué lui-même des grands panneaux LED. Il les avait tous fabriqués, synchronisés, programmés et tout. Et là, sur la nouvelle version du live, parce que ça fait longtemps que je ne me suis pas représenté sur scène, on a refait tout le show lumière. J’ai pas mal investi dessus. Là justement on entame la fabrication et la semaine prochaine, la programmation de tout ça. J’ai pas envie de dire ce qui va sortir en termes de lumières et tout mais ça va vraiment être hyper immersif, hyper synchro sur la musique je pense. Je vois peu de live qui poussent le curseur comme ça sur l’association des sensations. C’est hyper important pour moi que l’expérience soit vécue jusqu’au bout sur ce projet-là.
Que le live ne soit pas juste mes musiques sur scène. Les musiques ont des arrangements différents, des outro parfois beaucoup plus longues. Il y a des morceaux que je joue uniquement sur scène. J’ai vraiment ce besoin que les gens se disent « putain, c’est trop bien ce live » et qu’ils veulent le montrer à leurs potes. J’ai besoin que ce soit une vraie valeur ajoutée parce que, comme je te disais, maintenant tu es noyé dans une playlist et si les gens connaissent ton nom, c’est déjà super. Donc je veux que les gens qui écoutent aient vraiment une valeur ajoutée au fait de suivre l’artiste et d’aller le voir sur scène. Il y a des exclus, il y a des sons qui ne sortiront jamais et j’ai des petits featurings qui vont se joindre à moi mais je n’en dis pas plus. Donc ouais, ça va être super fat et je suis en train d’organiser l’aftershow aussi. Il y aura tout ce bloc de concert à La Maroquinerie avec un verre après et tout.
Et après, je transférerai tout le plateau dans un club du coin. Je suis en train de voir. Il y aura plusieurs personnes, on va se faire tourner les platines. Il y aura aussi un gars qui sera avec nous, qui va faire la première partie à La Maroquinerie mais je ne l’ai pas encore annoncé. Il vient de sortir un titre… Bon allez, je le dis, ça va lui faire un peu de pub. Il s’appelle Fellower. C’est un gars super talentueux, qui fait de la 3D de fou aussi. Il a fait des musiques pour Quentin Deronzier. C’est comme ça que je le connais. Quentin Deronzier avait travaillé notamment sur la pochette de Trauma.
Fellower fait des super visuels, il est très chaud en 3D, il a une super voix. Il produit très, très bien ses titres. J’aime bien parce qu’il va sur des terrains qui reviennent un peu mais qui sont encore un peu sous-exploités je trouve. Des trucs un peu breakbeat, drum & bass et tout. Il produit très bien et c’est un vrai kiff. Il fera la première partie et il sera sur le plateau pour fêter un peu tout ça en club.
La Face B : Tu as prévu une tournée après ?
Fhin : Justement, je compte inviter un max de monde, notamment des professionnels, des tourneurs, etc. En fait, je ne voulais pas aller en amont à droite, à gauche, pour trouver un tourneur, produire le truc et tout. J’avais envie de faire ça à ma manière. Là, on va se mettre dans la cave de ma grand-mère avec mon pote. On va tout programmer dans le noir, avec la fumée et tout. On va se faire notre truc en tunnel. Comme ça je présente le live et après, qui m’aime me suive. Qui a envie de bosser avec nous bosse avec nous pour une tournée. Et si ce n’est pas le cas, je m’en chargerais moi-même. La Maroquinerie, je produis tout moi-même déjà pour le moment. Voilà, faut ramener des amis et remplir la salle.
Crédit Photos : Cédric Oberlin