Flashback partagé avec Møme

Flashback FM, c’est le nom du nouveau projet porté par Møme et Ricky Ducati. Mélange de musique électronique et de sonorités organiques, cet album marque une rupture dans l’orientation musicale des deux artistes. Nous avons rencontré Jérémy, alias Møme, pour en discuter.

Inès Karma

LFB : Salut Jérémy, comment ça va ?

Møme : Ça va super bien. Ça fait un moment qu’on bosse sur l’album avec Ricky. On est à deux ans à peu près de travail. Bon ça n’a pas été tous les jours non stop mais c’est vrai qu’on avait envie de le sortir. On a fait beaucoup de version des morceaux. C’est qu’un premier album, il va y avoir un album deluxe un peu plus tard dans six mois avec des tracks en plus. Mais c’est vrai que juste qu’on puisse le réaliser, en faire un vrai album, c’est déjà cool.

LFB : Est-ce que tu peux nous parler de cet album ? Pourquoi Flashback FM ?

Møme : Déjà, c’est une collaboration complète entre Ricky Ducati et moi. Donc on a vraiment planché sur l’album entier ensemble. Par exemple, je ne lui ai pas envoyé des musiques et lui ne m’en a pas envoyés. Ça s’est vraiment fait de manière égale. Et en fait, c’est un album à la base qu’on a commencé il y a à peu près deux ans. Alors lui est basé à Los Angeles. Moi je suis basé à Nice maintenant mais j’étais à Paris au moment où on a commencé à travailler ensemble. 

Ricky et moi, on a des influences communes. Disons que Ricky a toujours été fan de la musique électronique française et moi ces derniers temps, j’étais ultra influencé par des groupes de Los Angeles que j’ai pu rencontrer. Ça a vraiment été un échange et il y a une genre de fascination, pour moi pour les États-Unis avec la côté californienne et pour Ricky, Paris et tout ce qu’il y a autour. Donc c’est vraiment un mélange d’influences French Touch et de vibes de Los Angeles. 

Pourquoi Flashback ? C’est parce que Ricky et moi, on est aussi très fan de musiques de la fin des années 70 au début des années 80. On est fan des premiers synthés, des premières sonorités de synthé. Donc on a des groupes en commun bien sur, comme Tangerine Dream, comme Kraftwerk, The Alan Parsons Project, Pink Floyd. Enfin on est un peu fan des premiers groupes qui ont inséré de l’électronique dans de la musique pop en fait. Et c’est comme ça qu’on a façonné notre musique aussi. Après on a des multiples influences, on est assez fasciné par le mélange digital / organique. C’est vraiment ce qu’on a voulu retranscrire à travers l’album. On utilise les technologies d’aujourd’hui mais on a un son qui aurait pu être fait avant.

L’idée c’est un peu un retour vers le futur on va dire. Enfin rétro-futuriste mais on ne voulait pas tomber dans le cliché de la synthwave. Dans les années 2000, il y a eu une grosse vague de synthwave avec des clichés très identifiables et du coup un peu trop. Et nous, c’est vrai qu’avec cet album, on a voulu aller plus loin. On a vraiment voulu créer un pont entre les sonorités analogiques et les technologies d’aujourd’hui. Cet album, on peut dire que c’est un album rétro-futuriste je pense. Après, je pourrais pas le mettre dans une case aujourd’hui parce que je sais pas du tout comment il sera perçu par le public. Mais pour moi, il y a un mélange un petit peu de ce qui s’entend actuellement d’un point de vue topline et au niveau des sonorités, des couleurs, des textures, ça se rapproche un petit peu de ce qui se faisait au début des années 80.

LFB : C’est le ressenti que j’ai aussi. C’était vraiment cette image là de combiner cette musique électronique qu’on entend actuellement avec des sonorités des années 70-80. Pour moi, c’est ce qui donne tout l’attrait à l’album.

Møme : Génial. C’est parfait parce que c’est vraiment ce qu’on voulait. Quand on a fait cet album, je me suis imaginé Los Angeles à la fin des années 70. Je me suis imaginé ce que ça pouvait être d’écouter cette musique à ce moment-là avec le décor qui va avec. C’est vrai que le côté désaffecté, underground de L.A. me plait beaucoup. Enfin dans l’inconscient collectif, L.A. c’est plus les paillettes, c’est plus Hollywood et moi c’est pas du tout ce que je vois et c’est pas du tout ce qui m’a donné envie de mélanger dans ma musique les vibes que j’ai ressenti quand j’étais là-bas. Dans certains quartiers, il y a vraiment un côté encore très underground en fait. Et c’est comme ça que je me suis imaginé à L.A. à la fin des années 70 au moment où j’ai créé ma musique.

Pour Ricky, je pense que c’est un petit peu pareil aussi. Après lui il aime beaucoup la scène club underground, house mais plus des années 90 et je pense que le mélange des deux, à force de discussion, ça a donné cet album.

LFB : Justement, par rapport à cet album, tu changes complètement de style musical. Est-ce que c’est un choix définitif ou est-ce que tu te laisses la liberté plus tard d’aller vers d’autres styles ?

Møme : Alors oui, aller vers d’autres styles dans ma vie, je suis sur que ça va être le cas parce que musicalement, j’aime beaucoup de choses. Je suis producteur de musique en tout genre. Donc c’est vrai que quand on passe de Aloha à Got It Made, il y a quand même peu de similitudes. A part pour quelqu’un pour qui la musique électronique, c’est juste un ensemble. Mais globalement, c’est très différent et c’est vrai qu’aujourd’hui, clairement, dans la scène chill wave de ce que je faisais avant, il y a très peu de choses qui me plaisent encore. Je ne mets pas une croix dessus mais c’est juste qu’aujourd’hui, dans la musique chill wave, Chill Out, future un peu avec des sonorités HD, avec un mélange de textures organiques et tout ça, je trouve que ça a un peu mal vieilli parce que c’est trop tombé dans le cliché, dans la course au matos. Celui qui a le plus gros son. Et au final, j’ai l’impression que parmi les compositeurs dans ce style, il y en a quand même pas mal qui se sont perdus parce qu’ils ont oublié de faire passer l’émotion. Je veux dire, moi bien sur j’aime aussi avoir un super son, avoir le son un peu crispy, enfin c’est un truc de producteur où t’as toujours envie d’avoir le son le plus clean, le plus fort, le plus HD possible. Et au final, parfois, t’oublies de faire passer quelque chose à travers ta musique. Et c’est vrai que je trouve que ce style a été victime de ça en fait. Donc c’est vrai qu’aujourd’hui, j’écoute plus trop. 

Adrien Combes

Même moi, mon approche de la musique a changé. Je suis beaucoup plus dans l’émotion. Je cherche plus à faire ressortir une mélodie, toujours avec cet aspect de textures qu’il y a derrière parce que j’aime beaucoup colorer le son. Donc cet album a quand même une couleur particulière. Je pense que c’est pas facile pour quelqu’un de le reproduire. Enfin c’est tellement de choses mélangées, c’est tellement une recette qui m’est propre que je pense que c’est assez dur que quelqu’un essaie de reproduire le son de Flashback FM. Après bien sur, là je parle pour quelqu’un qui est pointu dans ce style là. 

Et c’est ce qui m’importait le plus parce que j’ai un peu été victime… Enfin je ne sais pas si c’est être victime ou pas parce que c’est quand même influencer des producteurs qui se lancent et tout. Mais c’est vrai que quand Aloha a explosé, derrière ça a lancé plein de choses qui étaient parfois mieux d’un point de vue sonorités / mix / etc. qu’Aloha mais je ne veux pas faire partie d’une mode. C’est plutôt ça l’idée derrière cet album aussi. C’est qu’il est très personnel et ça représente juste ce qu’on aime, la musique qu’on aime aujourd’hui. On a pas cherché à se coller à quelque chose.

LFB : Concernant ton rapport à la musique, j’ai lu dans une de tes anciennes interviews que tu te décrivais un peu comme un voyageur-producteur. Est-ce que tu penses que c’est toujours le cas ? Est-ce que tu penses que le Covid a modifié ta façon d’envisager ta musique ?

Møme: Le Covid m’a obligé, clairement. Ça m’a obligé à changer ma méthode de travail sur cet album et d’ailleurs, comme je te le disais tout à l’heure, je suis vraiment fier d’avoir réussi à faire cet album à distance. Vraiment on ne s’est pas vus une seule fois avec Ricky sur tout cet album. On s’est vus il y a deux ans quand on s’est fait écouter nos démos. Mais depuis un an et demi, on ne s’est pas vus. Faire un album à distance, c’était quand même assez compliqué. Je pense qu’il n’est pas nécessaire d’être là physiquement pour travailler. Par contre le voyage, ça restera toujours pour moi une source d’inspiration pour tout. J’ai hâte de pouvoir re-voyager dès que ce sera possible. 

LFB : Sur ta collaboration avec Ricky, quel a été votre processus créatif ? Tu m’as dit tout à l’heure que ce n’était pas lui qui t’envoyait un son, ou l’inverse. Comment ça s’est passé du coup ?

Møme : C’était vraiment un échange. En fait, Ricky avait des démos, moi j’avais des démos aussi. On se les envoyait et en fait, en fonction de ce qui nous parlait le plus à nous deux, on façonnait la musique. Après c’est vrai que ça a été très rapide au niveau des échanges. Ricky et moi, on se comprend super bien et c’est vrai que par exemple, il va m’envoyer une démo avec quatre phrases et quatre accords. Derrière, je vais produire la musique et ça va être fluide. La musique va se faire très vite en général. Sur les dix musiques de l’album, ça s’est passé comme ça. Après, lui comme moi, on est hyper perfectionnistes donc quand il y a un petit truc qui nous gêne, on est prêt à faire dix versions d’une musique pour avoir ce qu’on veut. C’est vrai que c’est dans ce sens là que ça a été assez long.

Après, il y a eu aussi d’autres méthodes où c’était l’inverse. Où j’envoyais des musiques presque complètes avec mon champ, ma topline par dessus et il reprenait à sa sauce. Et derrière, ça matchait super bien. Donc voilà.

D’un point de vue technique, c’était très simple. On utilise tous les deux Ableton. Ricky écrit plus la musique qu’il la produit. Je veux dire qu’il a pas vraiment les skills pour produire une musique et moi de mon côté, j’ai pas du tout les skills pour écrire les paroles d’une musique. Je peux donner mon avis sur la façon dont il chante ses paroles mais je ne pourrais pas écrire à sa place.

LFB : Vous aviez un partage des rôles assez défini quand même ?

Møme : Ouais, quand même. C’était assez défini. Après on va dire qu’au niveau des mélodies et de la compo, on faisait ça ensemble. Et au niveau des paroles, lui travaille avec un troisième caché qui s’appelle Sonny qui lui écrit les paroles. Avec qui il s’entend très bien et qui est quelqu’un de sa famille. 

Parfois, c’est un truc que j’aime pas trop en production parce que n’étant pas natif anglais, il y a pas mal de choses que je ne comprends pas d’un point de vue sonorité, accent, etc. Alors après je l’ai quand même fait sur certaines choses pour que ça colle avec l’idée qu’on se faisait de la musique. Par exemple, bon c’est très précis, mais en fonction d’un refrain ou d’une émotion ou d’une chose comme ça, c’est arrivé que dans les échanges, je guide Ricky pour qu’il chante d’une certaine manière. Et c’est vrai que Ricky pour le coup est très carré. C’est un toplineur de base, il a beaucoup composé et fait des mélodies pour des DJ. Et c’est vrai qu’il a tendance à être ultra carré. Donc c’est très, très bien pour composer mais du coup c’est assez dur pour faire ressortir quelque chose derrière et d’avoir ce petit truc magique qui va rendre la musique complètement ouf.

C’est assez précis mais voilà, c’est plus une question d’interprétation. J’ai plus aidé Ricky sur l’interprétation de ces morceaux et des mots qu’il m’envoyait. Ça a été un axe important de la production de cet album.

LFB : Pour moi, ta production musicale avec la voix de Ricky, c’est une évidence. Certaines musiques, si tu mets la voix de quelqu’un d’autre, je pense qu’elles ne fonctionneraient pas.

Møme : Effectivement. Ouais c’est ce que tu dis, c’est exactement ça. Pour moi, cet album c’est vraiment un truc qu’on a pu faire qu’à deux et qui résulte de nos goûts. Je ne vois pas avec qui j’aurais pu créer cet album. C’est exactement ça.

LFB : Tu m’as parlé d’une version deluxe de l’album qui viendra plus tard. Est-ce que tu penses que votre collaboration est amenée à se reproduire ? Sur un autre album ou simplement sur d’autres musiques ?

Møme : Oui. Depuis le début, c’est évident que c’est une collaboration de long terme dans le sens où on projette un album deluxe. On a déjà des musiques pour l’album deluxe qui nous plaisent et qu’on a pas sortis dans cet album pour pas non plus tout sortir d’un coup. Mais c’est vrai qu’on projette aussi de faire du live en groupe. Vraiment à quatre ou cinq sur scène. Donc on a une vision sur le moyen terme de faire peut être un autre album et continuer à travailler ensemble. 

Ça marche tellement bien qu’en fait, on a pas envie d’arrêter. Même lui de son côté, si demain il me dit qu’il a envie de créer une autre DA… On parle souvent de DA, de photographes, de films qu’on aime, on échange beaucoup. Et c’est vrai que si demain, on part sur quelque chose de complètement différent mais que ça reste une musique à deux…

En fait, on avait même pensé à avoir un autre nom avant de sortir cet album. Parce que ça sort tellement de ce que je faisais auparavant avec Møme qu’en fait on avait un petit peu peur… Enfin moi j’avais peur de prendre ce virage et je m’étais dit que j’aimerais bien faire un autre groupe. Et faire un nouveau projet. Après on s’est dit, autant pour lui que pour moi, que c’était mieux de réunir nos noms si on voulait continuer aussi à faire des collaborations à côté. Ce qui est le cas pour lui et pour moi. Moi de mon côté en production et lui en tant que toplineur. Donc c’est vrai qu’on a choisi de garder les deux noms mais ça aurait très pu être un nouveau groupe en fait.

LFB : Tu m’as aussi parlé d’une tournée précédemment. Donc il y aura bien une tournée prévue une fois que ce sera possible ?

Møme : C’est ça. L’album on l’a fait pour qu’il soit joué en live. On ne l’a pas fait pour qu’il soit juste en digital. Notre but c’est de faire une tournée et de faire vivre cet album au maximum. On a vraiment envie que les gens nous suivent pour ça aussi, pour notre univers. Je pense qu’en live, ça se ressentira direct.

Alors il y avait des possibilités en octobre prochain mais bon là… Malheureusement on ne peut pas créer un live à distance. On parle de technique mais c’est vrai qu’à un moment, il faut qu’on fasse une résidence et qu’on travaille les morceaux live. Et ça, malheureusement, on ne pourra pas le faire cette année. Et il y a quand même un gros bouchon avec les salles de spectacle au moment où ça va reprendre, si ça reprend cette année. Donc pour l’instant on projette plus une tournée sur l’année prochaine.

On a quand même hâte de tourner. On a hâte de créer le live. Pour moi, ça aussi ça va être assez changeant. Jusqu’aujourd’hui, j’étais tout seul sur scène avec des intervenants. Flashback FM, ça va être plus live band quoi. On sera quatre ou cinq sur scène. Il y aura vraiment une dimension live avec tous les morceaux revisités pour le live. Avec des parties très rock en fait. Enfin quand je dis rock, c’est avec beaucoup d’impro, des morceaux rallongés et tout ça. Et c’est vrai qu’il y a un côté indie, je ne sais pas si tu aimes ça mais moi je suis fan des concerts comme ça. Je suis fan d’arriver dans un concert et d’écouter l’album d’une autre manière avec d’autres sonorités, avec des structures différentes. Je trouve ça complètement ouf. Je trouve ça beaucoup plus ouf que d’aller voir un concert où c’est exactement les mêmes musiques que l’album tu vois. Et c’est vrai que nous, on a vraiment cette volonté de créer un univers de ouf en live. On a énormément d’idées. Et là, on attend juste de pouvoir voyager. Parce que sans chanteur, ça va être un peu compliqué. 

Normalement, ça devrait être pour janvier ou février de l’année prochaine. Enfin j’espère. On envisage une date parisienne mais il n’y a rien de fait pour le moment. Peut être une Cigale, un Trianon, je ne sais pas. Ça serait vraiment cool. On verra bien.

LFB : Tu parlais du fait que vous alliez devoir travailler sur le live. Vous avez dévoilé une session studio pour Moves. Ma question est par rapport à vos clips parce que dans ce contexte, les clips sont un outil nécessaire pour la promotion de votre album. J’ai vu que les derniers clips avaient été dirigés par Paume. Tu peux nous en dire plus ?

Møme : On a rencontré Paume pour faire le premier clip de Flashback FM, donc Got It Made. Et du coup ils ont aussi fait le deuxième qui est sorti il y a quelques jours. Qui est une version évoluée du premier clip. C’est juste la suite du premier clip. 

On avait vraiment la volonté de travailler avec eux sur tout l’album, voire plus tard. Ça colle parfaitement parce qu’ils ont des skills dans la modélisation, des contacts qui permettent de réaliser ce genre de clip, où c’est quand même très compliqué sur différents plans. On a fait ces clips à distance, avec des plans qui ont été tournés aux États-Unis. Enfin le visage de Ricky a été modélisé de son côté aux États-Unis par un autre studio et moi à Paris par Paume quand j’étais sur Paris. On est très content du travail de Paume.

LFB : Jusqu’à quel point vous vous investissez dans la conception du clip ? Est-ce que vous les laissez complètement prendre la direction qu’ils veulent ou est-ce que votre investissement est plus marqué ?

Møme : On a un investissement clair. À partir du moment où on a fait l’album, on avait des images. Moi je compose beaucoup avec des images en tête. Donc des références de films, des ambiances, tout ça. C’est vraiment mon truc depuis le tout début. Depuis que j’ai créé Møme, j’ai toujours été impliqué dans les clips. Après, il faut savoir que dans les clips, il y a aussi une notion de budget et donc du coup, il faut beaucoup s’adapter. Le plus dur, c’est d’adapter le budget à l’idée qu’on a et de trouver quelque chose qui est cohérent. Donc tout change tout le temps. Surtout dans la 3D, c’était un monde que je ne connaissais pas trop. D’un point de vue producteur, ça représente beaucoup de sous-traitance. Donc il faut que ça soit assez fluide. Ça ne peut pas prendre trop de temps parce que déjà, rien que de réaliser les clips en 3D, ça prend beaucoup plus de temps qu’un clip normal je veux dire. C’est près de six mois de travail pour certains clips alors que parfois, pour un clip normal, un ou deux jours de tournage ça peut suffire. Même s’il y a bien sûr la préparation avant et de la post-prod après. Mais globalement, c’est quand même plus long de faire de l’animation quand elle est faite de A à Z.

On est arrivés avec des idées. Par exemple, on voulait que nos personnages évoluent. On voulait vraiment qu’entre le clip 1 et le clip 2, les crash test se transforment en Ricky et moi. C’était vraiment quelque chose qu’on voulait. Il y a pas mal d’idées qu’on a un peu imposés mais sans non plus brider le travail de Paume. Parce qu’en tant que réalisateur, eux aussi ont besoin de s’exprimer, de faire ce qui leur semble possible en fonction de leurs compétences et aussi comme ils ressentent la musique. Et c’est toujours intéressant parce qu’une fois que la musique sort, c’est toujours bien d’être aussi étonné quand c’est qualitatif. C’est cool d’être surpris en fait par le travail. Par exemple, le premier clip, j’étais complètement fan. On avait envoyé beaucoup de références qui nous plaisaient. Et puis ils ont mélangé leurs idées aux nôtres, et c’est ça qui a fait le résultat.

LFB : Le dernier clip est sublime.

Møme : Merci pour eux. Un clip, c’est beaucoup de travail et c’est vrai que des fois, ça paraît normal pour faire la promotion d’un album. Mais ça représente beaucoup, beaucoup d’investissements et c’est sur qu’on aimerait avoir un max de visibilités pour définir notre projet.

LFB : Dans cet album, de quel morceau tu es le plus fier et pourquoi ?

Møme : C’est assez chaud parce qu’en fait je les aime vraiment tous. Après, comme tout artiste, il y a plusieurs Moi. D’un côté, celui dont je suis très fier c’est Got It Made. C’est le titre qui a marqué la rupture avec ce que je faisais avant et ce projet Flashback FM. J’en suis vraiment très fier. La première fois que je l’ai fait, je me suis dit que ce morceau pouvait trop marcher, être associé à plein de moments, à des situations, etc. 

Après d’un point de vue plus geek / producteur / guitariste, c’est le dernier morceau de l’album qui s’appelle Passenger Seat. C’est vraiment mon préféré, de loin. Enfin c’est un peu le truc où quand je l’écoute, je me dis que c’est génial. Je suis vraiment heureux d’avoir réussi à faire ça. D’un point de vue production, même la voix de Ricky. Je trouve que c’est vraiment un titre qui a pas d’étiquette. On ne peut pas donner d’étiquette à ce morceau et j’aime bien le côté où il y a très peu de structures. C’est quelque chose qui me plait beaucoup. 

Après, I Know qui vient de sortir. C’est quand même dur parce que ça fait : oui je m’aime, je m’aime, je m’aime mais c’est juste que les morceaux, on les kiffe à mort. Moves, tu vois, Ricky et moi, on voulait absolument un slow dans cet album pour rappeler un petit peu ce qu’il se faisait dans les années 80. Le retour du slow et tout. On s’est dit qu’il fallait un slow dans notre album. Et Moves c’est le slow de notre album. On en est content, on l’aime beaucoup. Après il y a des morceaux qui sont un peu plus impersonnels, comme Friends. Mais qui au final me mettent dans une bonne vibe. Il y a She’s Gone que je trouve top, qui a une sonorité un peu plus acoustique, un peu plus pop de l’album. 

Chaque morceau a été pensé pour surprendre mais pas trop par rapport à l’album. Moi ce que je voulais, c’était quelque chose le plus riche possible sans qu’on se dise que ce n’est pas les mêmes artistes. Ce qui se passe beaucoup aujourd’hui. Il y a beaucoup d’albums qu’on écoute et on se demande quel est le rapport entre la musique 1 et 2 quoi. En fait, c’est une compilation, c’est pas un album quoi. Et c’est vrai qu’aujourd’hui, ça se fait beaucoup comme ça parce que c’est l’industrie musicale qui le veut. Mais nous, on avait vraiment la volonté de faire un album le plus riche possible, qui nous ressemble, avec des sonorités qui sortent parfois un petit peu des synthés par exemple. Parce que c’est vrai que les synthés sont prédominants dans cet album. On avait aussi besoin de mettre des sonorités un peu acoustiques quand même parce que ça change un petit peu. Et c’est vrai que sur 50 minutes d’un album, j’aime bien entendre des choses un peu nouvelles, un peu surprenantes, un peu plus légères aussi. C’est vrai que moi, d’un point de vue production et goûts, je vais préférer les musiques plus profondes, avec plus d’arrangements, plus de réalisation, etc. Mais je suis conscient que ça me fait du bien d’écouter parfois des musiques plus légères, moins prise de tête.

LFB : Donc vous aviez une ligne directrice et ensuite vous adaptiez suivant les images que vous aviez en tête.

Møme : C’est ça. On voulait aussi que chaque musique ait son univers. On voulait aussi éviter au maximum que deux musiques se ressemblent et qu’on se dise que c’est le même rythme, que c’est la même chose entre la musique 1 et la musique 2. Et ça, c’était vraiment quelque chose qu’on voulait éviter et ça a d’ailleurs été un gros travail. Tu sais parfois quand on morceau te plaît, tu as envie de refaire le même mais après une fois que tu as refait le même, il te plaît moins. Donc ça c’était dur. On a du refaire certains morceaux parce qu’on se disait que ça pouvait bien passer tout seul mais dans un album, il faut varier quoi. Tu ne peux pas toujours faire la même chose. Et d’ailleurs c’était le cas de Moves, enfin la première version ressemblait énormément à Sail Away qu’on avait sorti en 2018. Et en fait quand on l’a joué en live, on a vu que Sail Away avait tout défoncé et quand on a joué Moves en live, à l’époque de La Cigale, on s’est dit que c’était pas ça. Il ne pouvait pas y avoir deux Sail Away. Et c’est comme ça qu’on a changé cette musique et que derrière, on lui a créé son propre univers. 

C’est ça qui a été le plus long dans cet album, de créer quelque chose de différent à chaque fois, sur chaque musique, pour toucher aussi le plus de monde possible. Parce que je pense qu’il y a ce truc là aussi. Notre musique ne peut pas plaire qu’à un type de personnage. Il faut que ça plaise un petit peu au tout public aussi, à des enfants. On ne se l’est pas dit au début mais en fait, moi je trouve ça assez normal de créer de la musique un peu pour tout le monde, que tout le monde puisse l’écouter et que ça soit pas trop de niches quoi. Nous, notre but, c’était pas de faire quelque chose de niches sur cet album, mais on voulait pas faire un truc mainstream non plus. On voulait vraiment faire ce qu’on aime mais qui puisse être compris par quelqu’un qui n’écoute pas ce style de musique. Ça, c’est vraiment la volonté de cet album. Après, c’est sûr que si on avait voulu faire de la niche, Ricky et moi, on a quand même certains morceaux qui sont beaucoup plus pointus. Un peu à l’image de Passenger Seat qu’on a pas forcément mis dans l’album. Mais qui seront peut être dans l’album deluxe.

LFB : Dans cet album, il y a aussi plusieurs interludes qui servent quand même à garder cette ligne directrice, à la rappeler malgré les différents univers que tu peux avoir sur toutes les musiques.

Møme : Oui, les interludes, ça se faisait dans les albums d’avant. Moi j’adorais les interludes. Tu vois sur les albums d’Eminem je me souviens, il y en avait pas mal de quinze, trente secondes et ça te met direct dans le contexte. Ça te met dans l’ambiance. Et quand tu écoutes un album, que tu entends ça, c’est un peu comme si t’entendais un truc un peu intime. En tout cas, les interludes on les a faites de cette manière là. On s’est dit que c’était des démos qui allaient peut être devenir des morceaux dans le deuxième album tu vois. 

Parfois, c’est des morceaux qu’on a pas encore finis mais après avoir fait l’interlude, on s’est dit qu’on ferait bien le morceau comme ça et on finissait le morceau derrière. Et pourtant on a laissé que l’interlude dedans parce qu’on s’est dit que d’un point de vue timing, on ne pouvait pas toujours revenir sur l’album. Sinon on ne l’aurait jamais sorti. Mais c’est vrai qu’il y a vraiment ce truc là. C’était super important pour moi et j’adore les interludes. Donc j’en ai profité un peu.

LFB : Ça se sent à l’écoute de l’album. Merci beaucoup pour cet échange.

Møme : Merci beaucoup à vous. J’ai vu que vous partagiez beaucoup sur les réseaux, sur Instagram… Ça compte beaucoup. Je sais qu’en prenant ce virage, j’ai aussi pris un risque d’un point de vue artistique. Je sais très bien qu’il y a des gens qui ne doivent pas comprendre et ne plus du tout écouter Møme. Déjà parce que la mode passe et que c’était aussi associé à la mode chill wave. 

C’est vrai qu’aujourd’hui, pour nous, c’est un peu une réincarnation. En sortant Flashback FM, pour moi c’est une nouvelle vie. C’est autre chose. Il y a vraiment une volonté de fédérer autour de notre musique, de ce qu’on aime vraiment. On cherche pas à s’adapter à la mode ou quoi que ce soit. Là, il y a vraiment une volonté de garder les gens qui nous écoutent le plus longtemps possible. Que ce ne soit pas juste une passade. 

Je ne l’ai vraiment pas très bien vécu au final d’être associé à une mode. Sachant que quand j’ai fait Aloha à l’époque, Parorama, etc. j’étais pas du tout connecté. J’étais dans ma bulle, je faisais ce que j’aimais et je ne connaissais rien de ce qui se faisait autour en fait. Et c’est vrai que quand c’est devenu une mode, je l’ai un peu mal vécu parce qu’au moment où la mode part, si tu ne t’es pas préparé, c’est dur de plus être écouté, de ne plus voir personne. 

Avec Flashback FM, on s’est juste dit qu’au pire, même si on est pas écoutés ou qu’il y a peut être moins de visibilité, on aimera forcément notre musique à fond. Et c’est ça le principal. 

Ça aide aussi pas mal d’être à deux avec Ricky parce que du coup on se motive pas mal quoi. C’est trop cool de se dire… Tu sais quand parfois l’un d’entre nous dit qu’il ne sait pas trop, qu’il n’aime pas et qu’après l’autre dit qu’il va refaire cette version d’une telle manière… C’est vachement plus puissant au final que quand on est seul. Parce que c’est dur de prendre du recul sur ses propres sons. Là au moins tu as quand même un échange qui te permet de savoir un peu où tu es et qui te permet de ne pas partir en cacahuètes.

Bonus : Les portraits de Møme par Inès Ziouane