ADN #649 : Fleur Bleu.e

ADN : Acide du noyau des cellules vivantes, constituant l’essentiel des chromosomes et porteur de caractères génétiques. Avec ADN, La Face B part à la rencontre des artistes pour leur demander les chansons qui les définissent. Fleur Bleu.e vient de dévoiler She Wants to Live, premier extrait de leur album attendu à la rentrée. À cette occasion, le duo nous a confié leurs influences musicales.

Yoko Ono – I Have a Woman Inside My Soul

Vlad : C’est la première chanson que Delphine m’a jouée, je l’ai tout de suite aimée et écoutée en boucle les jours suivants. J’aime beaucoup son ambiance down tempo, sa mélodie envoutante, et ses paroles mystérieuses. Je crois que c’est cette chanson qui nous a connecté musicalement.

Delphine : Ça parle de regarder à l’intérieur de soi et d’y voir du mystère. J’aime beaucoup Yoko Ono, sa non-conformité, son engagement, malgré ses possibles travers. C’est la seule asiatiquetée connue que j’avais en référence quand j’étais petite. Je ne comprenais pas pourquoi les gens la détestaient, alors qu’iels étaient prêt·es à aduler John Lennon (un mélange de racisme et de misogynie). Elle a tellement été déshumanisée, et cette chanson et ses paroles lui redonnent sa pleine humanité :

« I have a woman inside my soul,
Her eyes sombre and sad.
She waves her hand to try to reach me,
But I can’t hear what she says »

The Smiths – Heaven Knows I’m Miserable Now

Delphine : Je suis beaucoup attachée aux paroles de celle-là aussi, parce que je suis 100% misérable 80% du temps, en particulier quand je suis coincée dans un bullshit job : « Why do I give valuable time to people who don’t care if I live or die? ». Étrangement, on a comparé plusieurs fois mon chant à celui de Morrissey.

Vlad : Tu aurais pu écrire ces paroles. Les Smiths sont un des groupes que j’ai le plus écouté dans ma vie. Je me retrouve aussi beaucoup dans les paroles du Morrissey des années 80, que ce soit dans sa capacité à évoquer nos sentiments profonds, ou dans son engagement de l’époque contre les injonctions de Thatcher ou pour la cause animale. Et Johnny Marr est sûrement le guitariste qui m’aura le plus influencé, son jeu rythmique surprenant et mélodique qui soutient et complémente parfaitement la voix.

Broadcast – Tears in the Typing Pool

Delphine : L’une de mes chanteuses et musiciennes préférées c’est Trish Keenan. Elle a vraiment une voix qui se lamente et qui réconforte en même temps, celle d’une maman triste. Et le son de Broadcast, planant, l’ambiance, le calme et la tension, j’adore. Quand je les ai découverts avec cette chanson, après sa mort tragique, ça m’a trop attristée, et ça a rendu leur musique encore plus précieuse.

Vlad : Encore un groupe que Delphine m’a fait découvrir. On les écoutait beaucoup quand on a écrit nos premières chansons. J’adore leurs textures sonores, leurs mélodies uniques et leur côté dissonant et expérimental.

Françoise Hardy – Voilà

Delphine : Tous les garçons et les filles de mon âge c’est l’une des premières chansons qui m’a marquée quand j’étais toute petite, l’une des préférées de ma mère qui n’écoutait pas beaucoup de chanson française. Je me reconnais un peu dans Françoise Hardy, dans sa sensibilité et sa mélancolie. Voilà m’a particulièrement touchée car c’est un cri d’amour non-réciproque, dit avec des mots simples et avec des mélodies 60s comme on n’en fait plus. Et c’est une chanson qu’elle a écrite.

Ça a toujours été important pour moi de regarder quelles chansons ont été écrites par les chanteuses que j’admire, que ce ne soient pas que des chansons « écrite pour elles » par des hommes qui souvent projettent et essentialisent. Je trouve que ça se ressent dans l’écriture et j’avais envie d’avoir des modèles de femmes autrices-compositrices. J’aimerais bien chanter un jour avec autant de calme, d’élégance et de justesse qu’elle, sans en faire des tonnes.

DIIV – Bent (Roi’s Song)

Delphine : DIIV c’est un des premiers concerts qu’on a faits ensemble.

Vald : C’est peut-être mon groupe préféré de ces 10 dernières années. J’ai accroché avec cette chanson qui capture tout ce que j’aime : des riffs de guitare qui te transportent, une ambiance hypnotisante, une voix androgyne éthérée. Zachary Chole Smith est d’ailleurs un de mes modèles pour le chant (avec Elliott Smith).

Cette chanson parle de son addiction et de sa dépression chronique et comment l’une nourrit l’autre. J’ai toujours été sensible aux chansons qui véhiculent un certain mal-être et je trouve que celle-ci le capture très bien. Avec Delphine, on a vraiment cette sensibilité shoegaze en commun et on adore chercher des nouvelles sonorités avec nos guitares.

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