Chez La Face B, on adore les EP. On a donc décidé de leur accorder un rendez-vous rien qu’à eux dans lequel on vous présentera une sélection d’EP sortis récemment. Aujourd’hui, on explore la diversité de la pop française avec les dernières sorties de Global Network, Pam Risourié et Heu .
Global Network – Cool Moments
Global Network, c’est tout simplement un ovni musical. Un duo de deux potes dont le cerveau produit plus de trois millions d’idées à la seconde, sans aucun doute. C’est une musicalité hors norme, inclassable, entre le gospel, parfois le crooner r’n’b comme Justin Timberlake, allié à de l’électro futuriste ultra novatrice.
Sur leur nouvel EP Cool Moments, le duo a réussi à magnifier leur style et faire perdre la notion de toutes les étiquettes du milieu musical.
On a ondulé sur Your Love, diffusant une sensualité chaude, à la manière de deux corps qui s’apprivoisent dans l’atmosphère, sans aucune gravité. On a entendu ces rythmes lancinants du r’n’b des années 90 qu’on aime tant. On a connu la jouissance sur l’envolée musicale crescendo, menant à une symphonie de voix et de notes électroniques enivrantes. On s’est cru au beau milieu d’une comédie musicale sur The Flow, alliant voix a cappella et harmonies un peu gospel au début, puis glissant vers une rythmique où l’on imaginerait facilement Mikael Jackson se désarticuler.
Si l’on devait faire un classement – ce qui touche à l’impossible – on aurait une légère préférence pour Let Me Go qui illustre à merveilles tout le prodige qui résulte de cette association d’artistes. On a la sensation que si l’on avait découvert les couches musicales individuellement, on aurait été persuadé qu’elles seraient inassemblables, qu’une grosse dissonance en résulterait. Pourtant, la magie opère et c’est là le chef d’oeuvre musical de ce groupe. Fruit de leur génie et de leurs expérimentations, ils réussissent l’exploit d’allier des sons sans aucun conformisme. On a l’impression d’écouter un chanteur RnB old school, puis on se demande si quelqu’un n’a pas changé de disque entre temps, diffusant une électro puissante et lunaire.
On doit l’admettre, on est assez époustouflé par cette manière bien à eux de réécrire l’histoire de la musique, d’annihiler toute la codification musicale savamment organisée au fil des décennies.
C’est un vacarne sublime et inédit.
Pam Risourié – Noctessa
Pam Risourié sort un second EP (enregistré par Alexis Fugain de Biche) et on adore !
Après Rituals, composé en autre des superbes I Only Dream of You Once A Week, et Another Sun, les cinq garçons qui ont fait leur apparition sur la scène parisienne l’année dernière nous reviennent avec Noctessa, shoegaze immersif aux textures brumeuses et éthérées bercés de guitares planantes aux distorsions aériennes.
Écouter Noctessa, c’est se plonger dans un rêve mélancolique aux sensations vaporeuses gorgées d’aventures et de plaisirs nocturnes. Tinté d’inspirations nuageuses et trippy de Beach House et de guitares saturées rappelant Sonic Youth, l’EP est une sublime incitation à l’évasion gorgé de vibes 90’s dont, comme le premier titre Sleep Forever le suggère, on ne souhaiterait pas se réveiller… Ce morceau fiévreux et onirique pose le ton intensément rêveur et planant de Noctessa. Une guitare s’y morphe et se distord peu à peu en nuage psychédélique bercé d’une voix lointaine gorgée de réverb’ et les paroles résonnent et s’évaporent en images fantasmagoriques qui nous transporte dans un rêve brumeux d’un sommeil profond. Le second morceau de l’EP, Cinamon Leaves, nous perd à son tour dans des limbes sombres et vaporeuses. Un riff aérien ponctue la chanson dont les paroles mystérieuses, parfois introspectives, intriguent et enchantent l’imagination : « Cinnamon child holds the crown, he’ll be dancing round my grave » (« L’enfant cannelle porte la couronne, il sera en train de danser autour de ma tombe ») en créant un rituel païen poétique imaginaire. Dinosaurs est un rêve d’amours disparaissant, Not King At Your Bones rappelle Radiohead à ses débuts et Night Flowers, envoûtant dernier morceau de l’opus a quelque chose de Mazzy Star, groupe shoegaze culte des années 90. Mélange de guitares saturées et riffs limpides, le morceau nous projette dans un cocon d’amitiés (ou plus) nocturnes aux airs de fin du monde : « We laugh at us and them, we love only at night, waiting for the world to end, before it gets too bright » (« On rit de nous et d’eux, On aime juste pendant la nuit, Attendant la fin du monde, Avant qu’il ne fasse trop clair »). On se laisse porter par les vagabondages enfiévrés et on en redemande !
P.S : En avril dernier, Pam Risourié nous avait offert une magnifique reprise du titre Ultra Vivid d’Ulrika Spacek le rebaptisant Ultra Covivid pour l’occasion. À (ré)écouter absolument ici/
Un groupe à suivre, et qu’on a hâte de (re)découvrir en live !
Heu – Les îles ordinaires
Quelle curiosité de nommer un premier EP Les îles ordinaires, alors qu’au contraire il n’y a rien de banal ou de commun. Encore moins à travers ce que nous offre Heu. Portée par une folk rappelant tant celle de PJ Harvey, que Françoiz Breut voire Y La Bamba, la voix du chanteur s’élève et dessine des paysages. Entre les mots, on devine ces “îles ordinaires”. Celles sur lesquelles passeraient Les Saisons distraites, ces moments qui nous font perdre la notion du temps. Qui nous laisse distrait et pensif au point de ne plus de rappeler ce qui nous entoure : “Je n’ai jamais vu la mer, ou bien je l’ai oublié” Celles qui se font arroser par l’Averse à mi-nuit, qui nous réveille en pleine nuit, “assoifé.e”, confus.e par “la sueur” et les idées en vrac. Celles que la Rivière caresse, un titre comme un havre de paix où règne la contemplation des “silences heureux”. Car le long de cette rivière imaginaire, Heu chuchote que “tout est sans histoire, tout sans attente.” Celles que l’on rejoint en faisant La Planche. Avant dernier morceau, qui laisse place à un harmonica et une fin en a cappella. Les îles ordinaires que nous offrent Heu sont calmes, douces et sereines. Elles ne semblent rien avoir d’ordinaire. Alors, peut-être faudrait il nuancer. Et comme un appel à la nuance, le jeune chanteurtémoigne que son projet “c’est le goût de l’ambivalence, de la nuance. […] c’est le vœu d’être barde, passeur de mots et de silences.”