Chez La Face B, on adore les EPs. On a donc décidé de leur accorder un rendez-vous rien qu’à eux dans lequel on vous présentera une sélection d’EPs sortis récemment. Aujourd’hui, on vous parle des dernières sorties de Moïse turizer, Wild Fox et Lachinos.
Moïse Turizer – Modern Light
Un coup de poing magistral. A chemin entre l’ultra modernité et le rétro assumé, le sombre dark wave et la lumière synth pop, la mélancolie et le besoin de se déchainer, Modern Light, le second EP de Moïse Turizer, est un tour de force d’une efficacité totale. Duo synth punk formé par Charles Eynayd de Faÿ (créateur du label Lofish Records) et Antoine Jannot à partir de leur premier groupe Alpes, ils ont vite acquis une belle notoriété sur les scènes parisiennes. Ils ont ouvert notamment pour Etienne Daho juste avant la fin du monde en décembre 2019, et font partie de la sélection pointue des Inouïs 2021.
Tel que l’annonce le nom de l’EP, on est constamment balancé entre l’obscurité totale et la lumière crue. Les influences sont tellement nombreuses, les titres tellement différents qu’il serait bien difficile de les caser dans un genre. En fil conducteur cependant : l’utilisation du vocodeur ou voix trafiquées qui donne à l’album un air surréaliste, des synthés bien retro, des mélodies envoutantes, et surtout un univers hallucinant. Entre l’évasion mélancolique et la danse frénétique, on perd totalement la tête dans une profonde jouissance.
Et on commence avec la lumière sur Fantasy, son intro en chœurs célestes et son instrumentale un peu barrée. L’association très brute de la boite à rythme et de la guitare tout en retenue se fait vite rejoindre par des arpèges de synthé donnant au morceau un air de trip psychédélique dans l’espace.
Modern Light, titre éponyme de l’EP, vient bousculer l’ambiance rêveuse qui s’installait. La voix se fait plus grave, plus tendue. Avant que des basses démentes et une guitare acérée viennent raviver des souvenirs de transes et faire monter le cardio. Une envie de d’exploser, de se déchainer et se vider la tête comme s’il n’y avait plus de lendemains. Tourner au Pop In, le clip tourné au stroboscope et caméra rétro procure une impression de crise d’épilepsie totalement bienvenue.
Un style très dark qu’on se fera un plaisir de retrouver avec Flashback, en une version plus saturée et revendicatrice. Une vision très punk urbaine.
Une intro au synthé rappelant une boite à musique féérique, Nightfall est l’occasion d’admirer le timbre de voix d’Antoine et sa façon de surfer sur les changements de rythmes, notamment lors d’un refrain tout en puissance. Vision en hauteur et contemplatrice des lumières d’une ville qui ne dort jamais.
Retour aux rythmes dansants et sautillants avec Who Knows. Des voix lointaines, une guitare grésillante et des mélodies au synthé qui résonnent telles des boucles… Un morceau très synthwave pour notre plus grand bonheur.
Telle une boucle, l’EP se conclue sur un titre planant et rêveur en hommage à la City of Angels. Beaucoup de douceur dans la guitare et la voix qui résonne tel un vœux pieux lancé à une étoile filante.
Wild Fox – Night Has Come
Ils naviguent, non pardon, surplombent la scène rock depuis leurs 17 ans. Des bords de la Loire, ils ont conquis les plus belles scènes de Paris jusqu’à ouvrir l’incroyable festival psyché Lévitation en 2018. Wild Foxavait acquis un superbe rythme de croisière, enchainant EP puis tournées, se faisant ainsi une réputation de bêtes de scènes et dont l’évolution était suivie de très près. En 2020, c’est la quintessence de leur style qui s’enregistre au sein du studio Black Box. Le temps d’une pandémie et d’une nuit profonde sur les salles de concert, leur nouvel EP Night Has Come se murie jusqu’à sa sortie fortuite fin janvier. Ils ont les crocs, et nous le font bien savoir. Deux clips absolument géniaux et une capsule au Supersonic finiront de nous achever, le post punk français n’a jamais été aussi bien représenté.
L’entrée en matière et monumentale. Under Rod’s Mind, c’est tout ce qui fait leur originalité, et leur style est condensé dans ce premier morceau coup de poing. Les voix se répondent, s’engueulent, se raillent, avant de se rejoindre sur des refrains puissants. Aussi brutal qu’entrainant, ils démontrent l’énergie et la folie d’un Shame.
Gros changement d’univers avec Numb Legs, qui est complètement insufflé de vibes rock teenage des années 2000 dans ce que le style produisait de mieux. Une mélodie monstrueusement efficace, un rythme qui bat les tympans et fait monter le cardio, un refrain qui donne envie de gueuler en chœur. C’est du guilty pleasure à fond.
Si vous voulez de gros riffs ultra efficaces, Silver Bones vous comblera. Entre la clameur et le moment de grâce, c’est une dose d’adrénaline superbe.
Un soufflet qui ne retombera pas avec Feel, l’harmonie des voix y trouve sa perfection. Le lead est sublimé par des graves ultra profonds, prenant ainsi des airs de duo guitare basse vocale. On profite aussi de ce morceau pour souligner la qualité de la batterie tout en finesse mais qui balance à la perfection.
Alternant puissance et accalmie, Wild Fox invoque un final plus psychédélique avec Way Down et sa voix qui coule sur le tempo et résonne en échos.
Sublime tour de force de la part de Wild Fox, qui n’a rien perdu de sa fougue. Des harmonies vocales ultra puissantes, des solos de guitares terriblement rusés, et des mélodies franchement mémorables. Clairement, on ne peut que s’impatienter de les retrouver sur scène, et vite. Animal nocturne, les renards attendaient décidemment la tombée de la nuit pour briller.
Lachinos – America Lachina + America Lachina Remix
Dans un monde où le sens passe avant tout, où l’on cherche encore et toujours à mettre les choses dans des cases définies, on a tendance à oublier que toute proposition artistique est avant tout une affaire d’émotions et de sentiments. Qu’un artiste à travers ce qu’il propose cherche à nous atteindre et à nous faire ressentir des choses.
C’est, selon nous, cette idée qui guide America Lachina. Le premier EP de Lachinos est une déclaration enflammée à une musique sans frontière et où les genres n’existent pas. Pas un acte de rébellion mais presque, surtout un moyen comme un autre d’appeler à l’unité et à l’amour. La musique de Lachinos est universelle parce qu’elle a été créée avec sincérité. Peu importe que ça naissance aie eu lieu dans l’hexagone, dès la première note, le sextet nous emmène loin, très loin. Nous fait voyager grâce aux sonorités et aux ambiances et à sa connaissance parfaite de la musique sud-américaine.
À l’image de certains de ces prédécesseurs, Lachinos ajoute une bonne dose de punk, un brin de colère et beaucoup de théâtralité, l »émotion passe par le son mais aussi par l’intention qui lui est donné. Et si on pousse la curiosité un peu plus loin, on réalisera qu’en plus d’être un acte musical fort, il s’agit dans les thématiques d’un acte politique puisque le groupe parle de colonisation, de dépaysement mais aussi d’unité, de folie et de danse.
Et si l’on veut prendre la musique pour ce qu’elle est, ce besoin primaire de lâcher prise et de bonheur, là aussi c’est du tout bon.
Impossible de résister à Fêtes de mes morts et à son rythme fou, encore moins à la montée en puissance de Cáncer del Colon qui nous offre une imparable envie de danser, alors qu’Atlas Rojas nous invite à l’évasion mentale, la tête perdue dans les étoiles.
Et pour prolonger l’expérience, et fêter la sortie de leur EP en vinyle, les Lachinos nous ont récemment gâté avec trois relectures de leur titres par des pointures sud américaine que sont Diogo Stausz, Frente Cumbiero et les Meridian Brothers.
À une époque où les voyages sont plus que limité, Lachinos nous emmène ailleurs de la manière la plus simple qui soit : à travers leur musique.
America Lachina est une ode à la liberté et à l’unité et un véritable accès à l’évasion. Et on en a vraiment vraiment besoin en ce moment.