Chez La Face B on adore les EPs. On a donc décidé de leur accorder un rendez-vous rien qu’à eux. Aujourd’hui, dans notre nouvel épisode de format court, on vous parle des EPs de Gatien, Peter Peter et Samson for President.
Gatien – Moi tout seul extension
Gatien, c’est un prénom d’origine germanique qui signifie accueillant. Le mot parfait donc pour définir le jeune musicien, que nous suivons depuis quelque temps déjà (lire report du concert au Café de la Danse ici).
Gatien, en chaussettes sur scène, son sourire en coin, ses parenthèses, sa joie et sa présence. L’artiste a sorti Moi tout seul, extension le 10 juin, comme un prolongement de son premier EP, en attendant la sortie imminente de l’album. On y retrouve des titres revisités, mais aussi des exclusivités.
La musique de Gatien se définit peut-être par son absence de définition et la difficulté à la faire rentrer dans des carcans trop étroits. Chanson française entre l’indie et la pop, entre les murmures et les pas feutrés, le musicien a ici délaissé sa basse au profit de la guitare. Tout seul mais entouré, il découvre Ableton et travaille ses morceaux entre acoustique et électronique. Attention portée sur les mots, sur leur sens, les lier et puis les délier, les défaire et les juger.
À la prochaine, et en boucle cette phrase « à la prochaine fois » pour ouvrir le disque ; peu commun, mais si Gatien. Instantanément être accueilli par sa voix chaleureuse et rentrer dans le cercle privilégié de ses amis. « Que vous puissiez vous fier, vous confier, tout me dire, même le pire, ce qui fait mordre et sourire. » C’est si simple quand c’est lui qui le dit.
Puis vient Matéo rit de l’amour, mon morceau favori, qui m’avait fait si rire en concert. Le jeu est omniprésent avec Gatien et si le timbre est doux, le rythme est lui vif et dansant. La guitare nous emporte vers des contrées imaginées où l’amour ne fait pas si mal.
Magie nous illusionne et nous pare d’étoiles, tandis que Si tu me quittais des yeux nous dérobe sourire et bonne humeur. C’est une reprise du morceau de Jean-Luc Le Ténia et c’est grâce à lui que l’artiste commence sa collaboration avec La Souterraine, défricheuse de la scène pop underground francophone. En effet, en vue d’une compilation à venir du chanteur, Gatien envoie sa reprise, qui est retenue. Une ballade un brin absurde et surtout attachante sur l’amour avec un grand A.
Je jette mes mégots par terre est un nouveau morceau. Suave et langoureuse, la langue devient sombre et dure. Bien qu’on perçoive au tout début des cris d’enfants, cette fois-ci on ne rit pas, non, cette fois-ci on prend conscience que non, parfois, ça ne va pas. Des sonorités électroniques se mêlent à ce rythme chaloupé. De mégots à héros, d’ego à legos, il n’y a qu’un pas, que Gatien franchit avec plaisir. Il faut aimer les mots pour les tordre ainsi dans tous les sens.
Lorsque survient Tas de feuille, qui est également une nouveauté, le ton change. Gatien a invité pour l’occasion ses deux amis : Neniu (aussi sur La Souterraine) et Charles Fourcassié alias Trail (qui s’occupe des mix et masters). C’est un titre qui flirte avec le hip-hop, la guitare laissant place à un beat saccadé. Les mots s’envolent, virevoltent. Vite vite vite, entre des tons graves et une voix aiguë, l’équilibre se crée.
Enfin, Moi tout seul, extension se conclut avec Ce que les français veulent et les fredonnements de Gatien. Un morceau doux, réconfortant qui nous rappelle, au cas où nous l’aurions oublié, que tout ce que nous voulons c’est des câlins et des bisous…
Gatien aime chanter et rire, les mots et les intonations. Il aime chuchoter et s’adresser aux spectateurs. Fausse candeur, couronne à fleurs, l’artiste joue et déjoue le jeu de la vie. Moi tout seul, extension c’est sept morceaux et vingt-deux minutes de douceur, de pudeur, d’étonnement et de dévoilement. Gatien, c’est la personne qu’on aimerait avoir près de soi en permanence, parce qu’il a ce don pour nous faire nous sentir bien, instantanément, simplement.
Peter Peter – Session Live H2T
L’histoire de cet EP, c’est une histoire simple comme la vie : une histoire avec de l’amour, du temps qui passe, du hasard et la pureté d’instant figé à jamais.
Le hasard d’abord : Alors qu’il cherche à enregistrer et filmer cette session, Peter Peter, suite à des histoires de COVID et d’indisponibilité, se retrouve à retourner dans le studio Hotel 2 Tango, un lieu chargé d’histoire. Son histoire aussi, puisqu’il y a enregistré son premier album. Un lieu chargé de souvenir évanescents qui remontent à la surface comme des fantômes aux formes étranges, qui envahissent la pièce de leur présence.
L’amour ensuite, celui que Peter vit avec sa guitare. Avec cette session live, il n’était pas question de reproduire ce qui avait été fait sur ses albums, mais bien de retrouver l’essence, le départ de ces morceaux qui jonchent une vie. Repartir sur cette relation unique d’un artiste au début de la création avec sa guitare et rien d’autre.
Cela donne un moment de vérité, une sincérité brute et presque sauvage, dans laquelle on redécouvre ces morceaux que l’on pensait si bien connaitre, mis à nu ici dans ce qu’ils ont de plus simple. Impossible alors de ne pas être bouleversé par cette version de Little Shangri-La, ou de la beauté tranquille de Homa et de Beauté baroque.
Vient alors le temps qui passe. Cette Session Live H2T, c’est un peu aussi le testament d’une décennie de musique, forte de 4 albums aussi différents que cohérents dans ce qu’ils proposent. Une traversée presque chronologique de ces morceaux, petits trésors cachés dans Noir Eden, Super Comédie ou Une version Améliorée de La Tristesse.
Car plutôt que d’aller chercher ses « tubes », les morceaux évidents que tout le monde attend, Peter Peter a eu l’intelligence de reprendre des morceaux moins connus, de ceux qui le touchent le plus encore aujourd’hui. Et cela se ressent dans son interprétation, dans l’affection particulière qu’il porte à ses 6 morceaux particuliers. On vibre ainsi sur la tension presque palpable de Rome ou sur la ritournelle tendre et émouvante qu’est Les mariés ont disparu.
Enfin, il aura fallu figer le temps, garder cette trace mais là encore, sans y chercher la perfection, mais bien le réel. Ainsi avec Dominic Vanchesteing, il s’offre des plans séquences au plus près de l’être, de la guitare et des émotions. Un travail presque microscopique, qui sculpte au plus près l’intensité et la terrible splendeur de ces morceaux qu’ils nous offrent dans leur plus simple appareil.
Avec cet EP, on a la sensation que Peter Peter clôture un chapitre, une décennie de musique à nous emporter, nous faire danser, pleurer et vibrer. On a désormais hâte de voir ce que l’avenir va nous offrir.
Samson for President – Beauty Supply
Dans une forêt près de Stockholm, en Suède, vit le musicien et songwriter Samson for President, de son vrai nom Martin Bejarano Wahlgren.
C’est au sein d’une cabane, transformée en studio, qu’il confectionne son nouvel EP Beauty Supply, sorti le 2 juin sous le label Roy Music. 4 titres, 4 bijoux placés dans un écrin de sensibilité et de douceur où la folk résonne et se diffuse. Dans toute sa splendeur et sa simplicité. À l’écouter on pense à Bon Iver ou James Blake.
Il était en concert il y a quelques semaines à la Dame de Canton, accompagné par son batteur Patrick Lundin. Le temps de quelques morceaux, Samson for President se révèle et nous raconte son histoire. Il y est question de cœur brisé, d’espoir et de résilience. Face à nous, sur cette Seine agitée, il nous parle des bois dans lesquels il vit et de ce contraste saisissant avec Paris la noctambule. Paris qui ne s’arrête jamais.
Entouré par les loups et le silence, sans eau courante, il compose un EP aux sonorités électroniques, porté par sa voix chaude et rassurante. Beauty Supply célèbre l’amour, la mélancolie, et notre capacité à dépasser les peines qui enserrent notre cœur. Entre ballade au piano avec Little Closer à Somebody Like You, si motivant, définitivement notre titre préféré, Samson for President revisite la folk que nous connaissions, ajoutant des chœurs par là puis des touches de percussions par ci, en agrémentant le tout de saveurs électroniques. Cet EP est d’une richesse incroyable. De So Bad à If You’re Lost Just Like I Am, l’artiste déploie toute une palette sonore riche et variée, où sa tessiture vocale s’exprime plus belle que jamais. À découvrir absolument.