Chez La Face B on adore les EPs. On a donc décidé de leur accorder un rendez-vous rien qu’à eux. Aujourd’hui, dans notre nouvel épisode de format court, on vous parle des EPs de Meule, Sinaïve et Gob Psychic.
Meule – Beau Red
Après un premier album éponyme en 2021, le trio tourangeau Meule sortait le 21 avril dernier Beau Red. 5 titres aussi addictifs qu’impulsifs. Entre Kraftwerk et King Gizzard and the Lizard Wizard.
A écouter très fort chez soi sur de belles enceintes ou dans les transports en commun au casque. Mais surtout, surtout, à découvrir en live. Difficile d’énumérer le nombre de fois où nous les avons vus cette année. Certains rendez-vous accrochent plus que d’autres. Le premier, sans doute, au festival Hop Pop Hop à Orléans. Le dernier concert de la soirée, la première claque.
Plus récemment, le Pointu Festival, peut-être, pour l’ambiance électrique et le poignet qui restera bleuté tout le mois, suite à des pogos venus de nulle part, alors que nous étions tout simplement hypnotisés.
Il faut fermer les yeux oui (mais attention aux pogos) mais les voir n’enlève rien au plaisir musical. Au contraire car ils arrangent sans cesse le set-up et la configuration sur scène, nous permettant à loisir d’admirer de plus près les synthétiseurs modulaires. Fascinés alors à la Maroquinerie par cet enchevêtrement de fils, qui se rejoignent et s’emmêlent, sous l’œil expert et espiègle de Valentin Pedler. Captivés également par ces deux batteries qui se font face, Doris Bayenda et Léo Kapes. Les regards qui s’échappent, les sourires qui fusent et cette énergie qui ne demande qu’à être avalée et distribuée.
Le chant se mêle parfois aussi aux morceaux. Pour ajouter à cette musique empreinte d’électro et de psyché, un peu de fureur et de slam. Valentin passe alors à la guitare et nous fait face. C’est rock, ça transpire et on en redemande. 2023 a donc été marqué pour Meule par une belle tournée.
Permettant à son public, nouveau et fidèle, de danser, en rythme sur No couchette Part 1 et 2, les deux morceaux alliés pour la nuit. Pour faire un voyage à la fois reposant et berçant avec les synthés modulaires puis stimulant et excitant avec les batteries lancées en plein vol. Krautrock à vive allure, explosions de sonorités.
Vacuum, au milieu de ces titres pensés à deux, se marie très bien tout seul. Le chant, rageur, se fait, tandis que les accords de guitare nous emportent, loin dans la stratosphère. Les synthés, eux, créent des loops euphorisants pour se laisser aller, plus haut, plus haut.
Finalement, Beau Red Part 1 et 2 bouclent la boucle. Association de glitchs, de batteries mesurées et aussi de déconstruction. Meule hausse la voix, nous élevant une fois encore vers des contrées inexplorées, où le kautrock semble aux premières loges.
Ils seront en concert le 17 février à Petit Bain (Paris) et c’est évidemment à ne pas rater.
Sinaïve – Répétition
Le trio strasbourgeois Sinaïve sortait le 14 avril dernier son nouvel EP, Répétition, sur le label recréé pour l’occasion, Antimatière. Six titres où le français se mêle aux guitares saturées, aux boucles et à l’excès. Après Dasein EP (2020) et Super 45t (2022) le jeune groupe à la formation sans cesse dissociée semble avoir trouvé une certaine stabilité auprès du duo Alicia Lovich (rythmes et chant) et Calvin Keller (guitares et chant). Ces enregistrements, créés par Simon Burger, sont nourris d’Alaoui O. bassiste et membre historique, dorénavant parti. Il y a de quoi perdre la tête et Répétition n’est pas là pour nous faciliter la tâche. Dès l’ouverture, mystérieuse et enveloppée, avec La Strasbourg. Huit minutes et dix secondes de noisy pop un brin juvénile.
Parasite, pour défaire le rock, le français en bandoulière avant d’enchaîner sur Métier de Vivre. Ce morceau où la basse domine tout. Les voix féminines et masculines se superposent, sans jamais se dépasser. Flegme des apparences et brûlure des mots. Les guitares, implacables et foncièrement sombres, pour nous rappeler qu’elles ne nous laisseront jamais.
Pour nous diriger, délicatement vers le cœur de cet EP, Citadelle / Bis Repetitae. Onze minutes totalement euphorisantes, où batterie et basse se délectent à un jeu hypnotique, nappées par des effluves de guitares. Une couche et puis un autre, sur un rythme implacable. Tension au maximum lorsque les mots sont jetés, vite et clairs : « on construit / déconstruit tous nos modèles, on reconstruit la Citadelle, Johnny / on s’était pourtant moqué d’elle, tant pis ». Tout est dit, tout est à faire. Défaire. Et tandis qu’on jette des « lalalala » sur des accords coupants, les sons se disloquent et s’électrisent. Et lorsqu’on croit que c’est fini, que le tempo se met à nu, il n’en est finalement rien. Douce accalmie. Attente déconvenue. La noirceur s’abat une dernière fois sur nous.
Les Diaboliques nous ouvrent les bras. Synthés et délicatesse. Paroles jetées sur des riffs entêtés. C’est une boucle qu’on cherche à lier sans pouvoir en toucher les extrémités. Finalement, Cela ne Fait que Commencer. C’est la fin du début. Ou le début de la fin. Le plus court des petits morceaux pour la plus grande des émotions. Répétition. Répétition.
Gob Psychic – Gob Psychic
Qui sont-ils ? Bordel, qui sont-ils ? Voilà, ce qu’on s’est dit, juste après avoir reçu le dossier de presse par mail.
D’eux, nous ne savons rien, ou presque. Un single en 2021, Respect for Authorities. Et cet EP sorti le 6 octobre, portant simplement leur nom : Gob Psychic. Six titres. Le plus court ? 2 minutes. Le plus long ? Même pas 4 minutes. Le quintet en provenance du Danemark underground distille un rock garage totalement addictif. Nous les harcelons depuis, en quête d’une date parisienne. Impatients de les découvrir en live, de sentir la sueur et la rage émaner de leurs textes boursouflés. Et cette date vient justement de tomber : le 27 avril pour fêter les 25 ans de la boutique Born Bad Records. Parfait, nous y serons.
L’EP, sorti chez Le Cèpe Records et en coproduction avec Beast Records s’écoute très fort en gesticulant très vite.
Harnessed Energy ouvre les festivités : une voix qui nous alpague, rappelant parfois l’énergie de Lukas de Tramhaus sur fond de guitares joyeuses. Un morceau pour parler de la dépression que l’on retrouve parfois dans nos pintes de bières… avant que les riffs s’absorbent.
Respect For Authorities poursuit son ascension garage. Les mots, scandés, se joignent aux accords troublés. Deux minutes ou presque pour évoquer le job détesté, l’évasion fiscale et stupéfiante.
Puis, A Day At The Office surgit. Sous des airs décontractés, Gob Psychic chante son aversion envers le travail. Flirtant avec le psyché, le groupe fait durer le plaisir menant le morceau jusqu’à l’explosion.
Halfdeadhalfdead nous rapproche doucement de la fin. Expulser les mots, cracher au visage de la productivité et de l’aliénation des corps. La machine déraille, perd les pédales et se brise… Vers Private Beach et son obsession envers un confort mental, une « secret place » pour ne pas étouffer. C’est une plage de sable fin face à l’océan. C’est le bruit des pédales qui rend dingue et ces mots répétés, en boucle « this is my private beach« .
Finalement, Dole office, Inc. conclut cet EP. Évidemment, il y est encore question du travail, du sens qu’on lui donne et de ce qu’on reçoit en retour. Entre expérimentations sonores et refrains aguicheurs, Gob Psychic offre à ces six titres un dénouement abrasif.