Format court #89 : CRC, Surprise et Gordie Chambers & the Seagulls

Chez La Face B, on adore les EPs. On a donc décidé de leur accorder un rendez-vous rien qu’à eux. Aujourd’hui, on s’intéresse aux projets de CRC, Surprise et Gordie Chambers & The Seagulls.

CRC – L’entracte

@ demi_chat

Troisième membre du groupe nups3e, le Bruxellois CRC possède également une carrière solo qui lui permet d’exploiter davantage des thématiques d’introspection et de sentiments, en contraste avec le récit de leur train de vie dans le groupe. Il nous citait d’ailleurs ISHA comme étant une de ses plus grandes influences, d’autant plus qu’ils viennent du même endroit. Cette plume mi-lugubre, mi-sensible se retrouve bien dans l’univers de l’artiste et se prolonge aujourd’hui pour son nouveau bijou.

L’artiste nous dévoile son EP L’Entracte, qui frappe comme un gros battement de cœur. Il est vrai que pour parler d’une rupture, on ne pouvait pas trouver meilleur synonyme que le titre de ce projet. Sa cover marque également un net contraste entre l’homme et la femme : cette dernière est montrée comme triomphante, et lui, davantage dans l’ombre. Prolongée dans le clip de 112, cette disjonction entre nos deux entités est racontée : toujours dans deux pièces différentes, plongés dans un froid polaire. Au fil des cinq titres, se dessine le parcours introspectif d’un homme en proie au doute, tentant de se reconstruire.

L’urgent 112, qui entame L’Entracte, mêle guitare rauque et production évolutive, donnant de plus en plus de texture et de profondeur à son récit. Ses paroles, qui vacillent entre les regrets et l’envie d’une remise à zéro, gagnent en pertinence et en authenticité grâce aux deux voix féminines angéliques d’ANAÏS MVA et Mandy, présentes sur les deux titres qui suivent. AZERTY poursuit avec une variation acoustique de la drum and bass, sublimée par des percussions saturées aux textures organiques. La fin du projet est marquée par Bobo au cœur, à la vertu planante qui nous fait penser aux titres crève-cœur de Disiz et à son plongeon dans la thématique complexe de l’amour, il y a quelques années. L’Entracte est un EP réussi autant dans sa forme que dans son fond.

On a hâte que les rideaux s’ouvrent à nouveau pour, peut-être, un format plus long de la part de l’artiste.

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Surprise – SI Y’A UN MONDE

@ tenzinshen & @ eliottdesousa

Dans un univers à la fois abstrait, onirique et traversé de visuels aquatiques, Surprise jette l’hameçon de sa création musicale. Avec SI Y’A UN MONDE, l’auditeur est convié à plonger dans l’univers de la jeune artiste, où l’astre solaire semble graviter surtout autour de l’amour. Il commence même comme une comptine avec son piano aigu et planant, suivi de près par le violon. Le voyage peut démarrer. 

Ce qui distingue Surprise, c’est son imaginaire singulier, préférant prendre en figure de proue la relation entre Jack et Sally (couple atypique issu de l’univers de Tim Burton) plutôt que de puiser dans les modèles romantiques du cinéma fréquemment cités par d’autres artistes. Le parti pris aquatique retrouvé dans la pochette s’illustre notamment dans des titres comme DISTANT, dont les sonorités ne sont pas sans rappeler le style éthéré d’Amaarae.

Composé de neuf morceaux, cet EP constitue une introspection sincère. Surprise y exprime ses sentiments sans fard, ce qui donne à l’ensemble un équilibre subtil entre vulnérabilité assumée et affirmation de soi. Elle aborde, entre autres, la dépendance affective dans RIEN DE NOUVEAU, à laquelle répond + RIEN À VOIR, un morceau aux accents rock-indie. Cette dualité se manifeste également dans sa collaboration FRENCHTOUCH avec Mandyspie, elle aussi véritable ambassadrice d’une musique hybride, à la croisée des genres et des sensibilités.

S’il existe un monde dans lequel Surprise mérite d’accéder au rang de superstar, il se pourrait bien que ce soit précisément le nôtre.

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Gordie Chambers & The Seagulls – A NORMAL LIFE

Avec A Normal Life, Gordie Chambers & The Seagulls signent un EP aussi doux que percutant, porté par une folk lumineuse et habitée, où la sincérité des textes épouse la richesse d’un univers en pleine expansion. Gordie Chambers poursuit ici sa mue entamée en solo depuis 2018. Influencé par Bob Dylan, Bon Iver ou encore The Tallest Man On Earth, il a su faire évoluer son projet vers des territoires plus amples sans jamais trahir son ADN : celui d’une folk poétique, faite de mélancolie et d’errance. Entouré des Seagulls, sa musique s’envole avec une ampleur nouvelle, empruntant aux harmonies des Fleet Foxes, à l’énergie de Nathaniel Rateliff ou à l’intensité des Avett Brothers.

Sur cet EP, les arrangements gagnent en profondeur grâce à l’ajout subtil de cuivres – trompette, bugle et trombone – qui viennent colorer les morceaux d’une teinte chaleureuse et cinématographique. Ces apports orchestraux soulignent l’ambition d’un artiste en pleine exploration, qui refuse de se laisser enfermer dans les codes d’une folk figée.

Il y a dans ce disque une tension permanente entre l’espoir et la résignation, le faux-semblant et la vérité nue. Les morceaux avancent comme un road movie sonore, du lever du soleil à son coucher. Du single Fake It ouvrant l’EP à This Too Shall Pass en dernière piste, nous rencontrons une folk de l’entre-deux : ni l’épure totale des débuts ni le grand déploiement orchestral. Plutôt une quête d’équilibre, humble et belle.

A Normal Life n’a rien de banal. C’est un disque qui murmure des vérités simples mais essentielles : l’amour, le doute, le besoin d’appartenance. Un disque qui chemine aux côtés de l’auditeur plutôt que de le précéder. Il ne cherche pas à impressionner, mais à toucher juste, et c’est réussi.

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