Chez La Face B, on adore les EPs. On a donc décidé de leur accorder un rendez-vous rien qu’à eux dans lequel on vous présentera une sélection d’EPs sortis récemment. Aujourd’hui, on vous parle des dernières sorties de FELIX, PURRS et JBV.
FELIX – Mad Hatter
Artisan de l’image, Léo Adrover raconte les histoires des artistes qui peuplent son environnement à l’image de Tomasi ou Shadi qui ont déjà profité de ses talents de conteur. Sublimant les univers, il se plait aussi à illustrer ses visions sous son projet musical FELIX. Après un premier EP, Wolf, pensé comme un conte instrumentale, il s’engouffre à nouveau dans le terrier du lapin blanc avec Mad Hatter.
Il se donne cette fois ci corps et âme et use de sa voix. A l’aide d’Hugo Pillard, il se dévoile et expose ses failles les plus profondes. A l’image du personnage d’Alice au Pays des Merveilles, il cache ses failles les plus profondes derrière un refuge d’absurdité et de folie douce. Mad Hatter évoque le moment où ce paradis artificiel se brise en éclats…
Un riff de guitare aux airs de Joy Division avant de balancer une voix rythmée mais aux accents mélancoliques. Une ambiance entre la danse un peu surf et la langueur, Mad Science Sad Club pose les bases d’un personnage tout en contraste, perdu entre ses contradictions et ses interrogations.
Bourré de douceur et d’un spleen superbe, The Road est superbe morceau sur la vie en générale, entre le post punk et la folk. Vraie résilience, c’est l’envie de poursuivre malgré le vide de sens et les schémas qui répètent. Plus rythmée grâce à la guitare, Are We Done ? poursuit ce chemin mélancolique pour nous emporter de façon plus céleste. Tout en échos, le morceau résonne dans le lointain telle une pensée qui se dissipe.
Guitare claire qui contraste avec la résonance de la voix, Blueberries Don’t Grow on Trees est tout en finesse par les différents effets utilisés et son refrain charmant.
Chanson fredonnée tout en douceur sur une guitare saccadée, 2020 s’envole dans un crescendo de voix qui s’entremêlent. Préambule idéal à Mad Hatter, une mélodie directe accompagnée de seulement quelques notes. Créé en collaboration avec Trente, le morceau possède des réminiscences de chansons populaires irlandaises. Un hymne funeste qui se réinvente totalement à mi-parcours de façon absolument géniale. On suit le cheminement de pensées d’un condamné, entre la résignation puis le ressentiment… Une envie d’échapper son destin, avant qu’il nous rattrape et mette fin au combat.
Le nouvel EP de FELIX est un bijou de spleen et de mélancolie, sans jamais tomber dans le mélodramatique. Chaque morceau est un bouleversement, entre les pensées antagonistes qui créent parfois des ouragans. Loin de détruire tout sur son passage, c’est sa voix qui se brise dans le lointain. On l’a compris, le Mad Hatter,c’est un peu chacun de nous.
PURRS – Rhythm + Ethics
Les félins de PURRS nous font ronronner de plaisir avec leur second EP Rhythm + Ethics. Ca fait un an qu’on l’attend, mais la crise a malheureusement annulé la série de concerts, notamment au Supersonic ou à LaNef Angoulême qui devait amorcer le début des réjouissances. Multi talentueux, c’est aussi le chanteur Eliott qui est à l’origine de cette pochette haute en signification. Entre l’oppression des masses rentrées dans le moule et l’oxygène des grands espaces, un personnage qui brandit un journal « social justice ». La messe est dite.
Originaires d’Angoulême, on avait adoré leur énergie ultra punk et leurs mélodies mémorables. Dignes représentants de cette nouvelle génération de musiciens engagés, ils alternent réflexions sur la masculinité ou remise en question des normes de la réussite. Toujours avec une extrême bienveillance telle une main tendue à leur public.
Un EP tout en contraste, dans lequel l’intensité règne. Celle de la puissance des instruments, de la gravité des sujets abordés, et surtout des émotions qui nous percutent de plein fouet.
Une guitare toute en suspension et en douceur… Rejointe dans une brutalité folle par un crash de batterie et une basse furieuse. Navy cache bien son jeu. Ruptures, voix qui vrombit dans les graves, c’est du noise infusé de mélodies punk.
On continue de plus belle avec un riff de guitare ultra mélodique sur Sink qui répond à la voix comme un échos. Ultra élégant dans sa colère, il donne furieusement envie de gueuler en cœur dans son refrain.
Changement de tonalité avec le très mélancolique Keep Swimming. Plus déchiré, plus grave dans son intensité, il prend aux tripes par son message sur la résilience et l’envie de continuer à se battre. On sent que le morceau possède une résonnance très particulière pour le groupe, ainsi que dans le contexte actuel…
Parfaite balance entre le désenchantement et la colère, Buzzing est une critique acerbe de consommation digitale vide de sens, et la course à la gloire sans valeurs. Plus en retenue, le morceau laisse aussi une belle place à une voix plus chantée qui montre tout l’étendu des possibilités du groupe.
Final explosif avec Tribe, est une pépite de rage sur la déshumanisation qu’exercent certaines personnes sur le reste de l’humanité. Refrain percutant, rythme déchainé et timbre de voix à tomber, c’est une pépite d’efficacité.
Ultra engagé, bourré d’émotions balancées à la figure, Rhythm + Ethics est un condensé de pépites. Cette volonté de s’exprimer sur les grands sujets de notre époque n’est pas sans rappeler le combat d’IDLES, dont ils héritent aussi les voix graves et les phrasés rythmés. Concernant leur musique, on se tournera aussi vers l’énergie juvénile et railleuse de Shame, combinée avec les tonalités plus psychédélique de The Murder Capitale ou The Psychotic Monks. Ça miaule fort !
JBV – Take The Wheel
Un enfant de la guitare comme on n’en fait plus. Après avoir participé à plusieurs projets pour différents artistes et effilé ses cordes en studio, JBV prend désormais les rênes en écrivant et produisant son 1er EP. A travers cette nouvelle étape, il développe désormais son propre son et s’essaye à la production en tant qu’artiste solo.
Take The Wheel, un EP qui décidément voyage dans tous les styles, et dans laquelle règne un style et une maitrise unique. Rock progressif, blues, mais aussi country, tous les styles passent sous son expertise. Ce qui les relie, c’est cette vision ultra cinématographique de la musique.. Un univers riche dans lesquels se plonger pour rêvasser alors que ses doigts se promènent avec agilité et délicatesse sur les instruments. Autant un exercice de style qu’un véritable projet artistique.
Titre d’ouverture, Sell My Soul est, comme annoncé, un morceau à l’âme bercée par la funk. Des cuivres qui groovent avec passion, un saxophone ultra sensuel, une guitare nonchalante, et une voix puissante d’une rare intensité, tous les codes sont posés pour un morceau qui va droit au cœur. Un bar caché dans les sous-sols d’un Harlem hors du temps, dont s’échappent des volutes de tabac blond pendant que les corps s’échauffent poseraient parfaitement l’ambiance du décors.
Changement radical d’ambiance avec les guitares vrombissantes ultra rock n’ roll de This Age We’re In. Armé de son assurance sur le plan technique et renforcé par ses expériences, JBV pose aussi sa voix sur ce morceau. Mélodie ultra efficace avec sa voix légèrement éraillée, c’est une échappée en moto sur la côte ouest. Solo de guitare dans la plus pure tradition hard rock, c’est un parfait condensé de plaisir
Morceau éponyme, Take The Wheel continue dans cette ambiance rock bien saturée, mais teintée de blues. La guitare tout en finesse répond à une voix bien cassée. Plus teinté d’émotions et de nostalgie, le morceau maitrise parfaitement les nuances et la retenue pour venir nous bombarder de plus belle.
Totale rupture avec banjo surprenant de C’est Vrai, dans la plus pure tradition. Accompagné de ses trompettes et saxos, c’est la plongée dans l’Amérique fantasmée.
Retour à plus de gravité avec Hero, Pt.1, intro instrumentale légèrement teintée de métal avec ses accords dissonants et caverneux. C’est autant délicat qu’efficace, tout en contraste pour une montée en puissance.
Hero, Pt. 2 prend le relais, dans la même continuité d’accords démentiels. Une voix sort des abimes, d’une puissance et d’une grâce absolue. Teintée de folk à la Joan Baez, elle se développe en échos pour envahir tout l’espace avant de se transformer en un solo de guitare hard rock. Pépite de l’album, on ne pouvait rêver conclusion plus mémorable.
Vrai voyage dans des lieux et des styles aussi variés que surprenants, JBV réussit le tour de force de nous surprendre et nous capter tout le long de l’EP. C’est aussi une incroyable prise de pouvoir, celle d’un artiste qui décide de s’exposer sans retenues, et qui s’entoure de musiciens talentueux qui croient en son projet. Une vraie puissance.
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